Un Traumbaum pour célébrer le 50e anniversaire du Fonds Kirchberg

Rêves de ville nouvelle

d'Lëtzebuerger Land vom 19.08.2011

Une œuvre d’art public, qui est à la croisée de l’art, de l’architecture et de l’urbanisme, prête à son lieu d’installation une identité particulière. Il convient donc de la choisir judicieusement. Le Traumbaum du jeune architecte luxembourgeois Paul Majerus est une telle sculpture publique qui s’intègre parfaitement dans son environnement tout en le remettant en question. Installé dans le Parc du Klosegroendchen, l’arbre à rêves constitue non seulement le point de départ des visites botaniques de l’arboretum organisées par le Musée national d’histoire naturelle. Il est de plus un lieu de détente pour les passants, pour les personnes travaillant au Kirchberg et surtout pour les patients de l’Hôpital Kirchberg. Sa branche, le Traumzweig, se trouve dans le Parc central, sur une colline dénommée Kleng Kirchbierg.

Paul Majerus souligne l’usage polyvalent de sa sculpture. C’est d’abord un « arbre comme tous les autres » qui est « planté » dans le parc, une espèce parmi d’autres à découvrir dans l’arboretum. Le créateur du Traum[-]baum le considère encore comme un « banc » ou un « meuble ». Se situant exactement dans l’axe de la rue Joseph Leydenbach passant derrière l’Hôpital Kirchberg, l’arbre sert de pôle d’attraction. Construit avec environ 50 planches d’une même longueur, le Traumbaum évoque les rêves et les désirs. C’est un lieu de recueil où l’on peut s’asseoir et se ressourcer du stress quotidien. Des voiles blanches, tendues entre les bifurcations des planches, abritent les « usagers » des deux sculptures du soleil respectivement de la pluie. L’un des aspects qui importaient à Majerus lors de la réalisation de son projet fut que l’objet final suggère le « caractère éphémère des rêves » et la « légèreté qu’un arbre possède ».

Élaboré dans le cadre du concours Les routes du bois organisé en 2008 par l’Administration des eaux et forêts et la Fondation de l’architecture et de l’ingénierie où il a obtenu le deuxième prix, le Traumbaum est à la fois pavillon et sculpture. Pour son créateur, qui considère que tout bâtiment est également une sculpture, il est fondamental que l’arbre et sa branche soient utilisés par les passants. L’utilisation des deux sculptures se fera certainement de façon différente, l’une étant installée près d’un hôpital, l’autre non loin de l’École européenne. Les premiers signes sont d’ores et déjà visibles, l’inauguration datant d’à peine deux mois : les graffitis parsèment les planches en bois de Douglas du Traumzweig. Paul Majerus voit ces ajouts à sa sculpture plutôt comme signe de vie, c’est-à-dire comme signe que sa sculpture ne passe pas inaperçue, mais qu’elle suscite au contraire des réactions et des interactions auprès de son public.

Le Traumbaum et le Traumzweig ont été commandités par le Fonds d’urbanisation et d’aménagement du plateau de Kirchberg à l’occasion de son 50e anniversaire et sont destinés à relier entre eux deux des trois grands parcs du Kirchberg. Quelque 65 hectares des 365 hectares du plateau sont des espaces verts paysagés et confèrent une note verte à ce quartier riche de la capitale, un quartier qui se caractérise surtout par la présence des institutions européennes, de banques, d’institutions culturelles, tels que la Philharmonie et le Mudam, et de centres de sports et de loisirs, comme la Coque, l’Utopolis et la LuxExpo. Si le plateau fut encore un espace rural peu peuplé il y a cinquante ans, il fonctionne aujourd’hui comme carte de visite des ambitions de l’État. Les œuvres d’art monumentales qui jonchent le plateau, telles que celles de Richard Serra ou de Paul Majerus, viennent renforcer cette vision d’un quartier orienté vers le futur.

Les années 1990 et le début des années 2000 ont vu l’inauguration d’un nombre important d’œuvres publiques sur le plateau du Kirchberg. On peut citer parmi les œuvres d’artistes de renommée internationale Élément d’architecture contorsionniste IV (1969) de Jean Dubuffet (dans le jardin de la BGL BNP Paribas), Clitunno (1992) de Markus Lüperz (Deutsche Bank Luxem[-]bourg), Sarreguemines (1993) de Frank Stella (UniCredit Luxem[-]bourg), Exchange (1996) de Richard Serra (au rond-point est), Stuhl (2000) de Magdalena Jetelovà (Banque européenne d’investissement) et La Grande Fleur qui marche (2003) de Giovanni Teconi, réalisée d’après un projet de Fernand Léger (Clearstream Banking Luxembourg).

Les artistes luxembourgeois occupent cependant aussi une place importante sur le plateau du Kirchberg et sont ainsi soutenus par les investissements des entreprises mécènes et du Fonds Kirchberg. Rappelons notamment L’Africaine (1993) de Lucien Wercollier (dans le Parc central), Kopf (1995) de Jeannot Bewing (rue du Fort Nieder[-]grünewald), Les Chevaux du vent (1995) de Liliane Heidelberger (Chambre des métiers), Coquille (1997) de Ber[-]trand Ney (dans le Parc du Klose[-]groendchen), European Pentagon, Safe and Sorry Pavillion (2005) de Bert Theis (près de la Philharmonie) et finalement Bird Cage (2007) de Su Mei Tse (près de l’immeuble K2). Marianne Brausch, architecte responsable des relations extérieures du Fonds Kirchberg (et collaboratrice du Land), met dans ce contexte en évidence que la crise économique des dernières années a amené les investisseurs privés à restreindre leur budget pour l’art public, une tendance que le Fonds Kirchberg regrette.

Dans les années 1980, le Fonds Kirchberg a décidé d’accorder une certaine place à l’installation d’œuvres d’art contemporain dans des lieux publics dans sa mission d’urbanisation et d’aménagement du plateau. Alors que sa mission concernant l’art public fut à l’origine la recherche et le conseil des investisseurs privés, elle a changé au cours des dernières années et le Fonds investit désormais activement dans la réalisation de sculptures, comme celles de Paul Majerus, la reconstruction d’œuvres, comme le pavillon de Bert Theis, et la conservation des œuvres pendant les longues années de chantiers, comme le déplacement de la sculpture de Wercollier du parking du Sofitel dans le Parc central.

Le Fonds s’est même fait maître d’ouvrage de la construction du Kyosk, construction à l’intersection de la sculpture et du bâtiment (voir aussi page 19). Une autre stratégie du Fonds pour soutenir les artistes est la mission photographique mise en place en 2005 afin de documenter les transformations que le Kirchberg est en train de subir. Des photographes furent ainsi chargés de figer sur une image les chantiers, les espaces extérieurs, les gens travaillant et vivant au Kirchberg et, depuis 2009, les bâtiments voués à la disparition.

À l’occasion de son cinquantenaire, le Fonds investit encore plus dans l’art contemporain. Outre la réalisation du Traubaum et du Traumzweig, il finance la construction d’une horloge géante mise au point par Trixi Weis pour le futur siège du Fonds ainsi que d’un design de Paul Kirps qui ornera les stores intérieurs du même bâtiment. L’événement-phare organisé dans ce cadre est une exposition en plein air, Plateaux, qui se tiendra du 15 septembre au 12 novembre 2011 dans le quartier du Parc central. L’idée en revient à Marianne Brausch qui précise que des expositions comme Sous les ponts, le long de la rivière I et II, organisées en 2001 et en 2005 par le Casino, ou celle dans le Parc Heintz de la Dexia coordonnée par Alex Reding (qui fut également conseiller pour l’exposition Plateaux) ont eu un succès considérable et que, depuis, il n’y a plus eu de grandes expositions d’art public.

Pour l’exposition Plateaux, sept artistes, choisis par le curateur Didier Damiani, ont chacun créé une œuvre qui noue un rapport avec le plateau du Kirchberg. On reste donc dans l’attente de découvrir les œuvres de Claude Lévêque et de Leni Hoffman, pour n’en citer que les plus connus, et leurs manières de nous faire percevoir le Parc central sous un nouvel angle de vue.

Florence Thurmes
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