La combustion du pétrole et du charbon crée des aérosols, des microparticules auxquelles revient, dans l’enjeu climatique, un rôle très particulier. Là où l’écrasante majorité de ces particules sont émises, à la surface du globe, elles ont un impact catastrophique sur la santé humaine parce qu’elles pénètrent au plus profond de nos poumons. En revanche, dans les couches hautes de l’atmosphère, et bien qu’ayant une durée de vie limitée à quelques heures ou quelques jours, elles inhibent l’effet de serre parce qu’elles reflètent la lumière du soleil vers l’espace. Elles ont donc là, contrairement au gaz carbonique et au méthane, un effet refroidissant. Cela vaut pour tous les aérosols sauf un, la suie, qui elle contribue au réchauffement.
À noter que les particules issues des éruptions volcaniques sont aussi des aérosols, dont on sait depuis longtemps qu’ils rafraîchissent la terre. On a pu le vérifier en 1991 quand le mont Pinatubo a craché dix kilomètres cubes de magma et vingt millions de tonnes d’oxyde de soufre. Il en a résulté sur les deux années suivantes une chute de 0,5 degrés Celsius des températures mondiales. D’autre part, dans le cycle naturel, hors activités humaines, et à faibles doses, les aérosols font partie intégrante de l’atmosphère, contribuant par exemple, à travers les subtiles interactions entre les différents gaz présents, à rendre possible la production de pluie à l’intérieur des nuages.
Dans la perspective d’une décarbonisation massive de l’économie, il revient à la plupart des aérosols le rôle paradoxal de nous contraindre à prévoir de réduire notre empreinte bien plus vite que si leur effet refroidissant n’existait pas. Selon la Nasa, depuis le début de l’ère industrielle, l’effet masquant est de l’ordre de cinquante pour cent. Autrement dit, sans ce facteur, au lieu de 1,1 degrés Celsius de réchauffement, nous en serions déjà à environ deux degrés.
92 pour cent de l’humanité vit exposée aux aérosols émis du fait de notre addiction aux énergies fossiles. La pollution due à ces particules fait, selon les estimations, entre 5,5 et neuf millions de morts chaque année. Arrêter de toute urgence la combustion des hydrocarbures est donc hautement indiqué au plan sanitaire, cela tombe sous le sens.
Le système climatique est complexe. Nous vivons sous la menace des fameux « points de bascule » (tipping points), ou feed-backs positifs (perte d’albedo, méthane libéré par le permafrost fondu …), qui menacent de provoquer des emballements du réchauffement que même une décarbonisation poussée pourrait ne pas parvenir à arrêter. Les aérosols viennent ajouter à cette équation périlleuse un feed-back doublement négatif qui nous contraint à mettre les bouchées doubles. Avec à la clé, il est vrai, un bénéfice collatéral de taille : celui de pouvoir respirer un air plus pur.