Pendant longtemps, les discussions sur les impacts attendus du dérèglement climatique ont eu 2100 pour horizon. Un choix qui aura, en définitive, favorisé l’indifférence : Il est trop tentant, pour qui cherche à se défausser de toute responsabilité, de considérer la fin du siècle comme un jalon lointain noyé dans l’incertitude.
Désormais, alors que l’on passe enfin des débats oiseux aux travaux pratiques, les yeux se tournent vers 2030 et les décisions de décarbonisation à prendre d’ici là. Aux États-Unis, le débat sur le Green New Deal, qui s’est taillé une place centrale parmi les enjeux qui agitent le camp démocrate dans la perspective des présidentielles de l’an prochain, le montre bien. Une génération de jeunes activistes, regroupés au sein de mouvements comme Sunrise Movement, We Don’t Have Time ou Extinction Rebellion, présentent 2030 comme une échéance dure. Sur son site web, Sunrise Movement indique ainsi que « 80 pour cent d’entre nous veulent que l’Amérique fasse la transition vers une énergie surtout propre ou renouvelable d’ici 2030 ». Dans leurs communications, ces jeunes évoquent fréquemment le nombre d’années, de mois et de jours qui restent pour parvenir à cet objectif, en soulignant que cela correspond à l’alarme sonnée par le dernier rapport du GIEC.
Il faut reconnaître que ce choix porte ses fruits dans la mesure où il contraint les candidats démocrates à sortir du bois. 2030 est une échéance à la fois suffisamment éloignée pour pouvoir formuler un programme crédible et assez rapprochée pour démasquer les adeptes de la procrastination. Joe Biden, le favori des sondages, propose paresseusement de remettre au goût du jour l’approche œcuménique dite « all of the above » de Barack Obama, qui a favorisé un essor sans précédent de l’extraction de combustibles fossiles. Les candidats plus à gauche, qui ont endossé le Green New Deal, commencent, eux, à articuler des programmes de décarbonisation accélérée. Parmi eux, Jay Inslee, le gouverneur de l’État de Washington, se détache du lot par son catalogue remarquablement détaillé et cohérent de mesures qui mettent en musique les principes du Green New Deal. Son plan, « Climate Mission », a pour but de décarboniser entièrement les États-Unis « le plus rapidement possible, et pas plus tard que d’ici 2045 ».
L’avantage de choisir une échéance assortie d’objectifs chiffrés est qu’elle structure et concrétise le débat. D’un autre côté, quelle que soit la date-butoir choisie, elle ne doit ni devenir un piège rhétorique ni occulter le fait qu’il est impératif de commencer à sortir des énergies fossiles immédiatement et en mettant les bouchées doubles. Dans l’immédiat, celle de 2030 aide à faire émerger une conversation un peu plus sérieuse, en particulier aux États-Unis qui en ont tant besoin.