Photographie

Feu d’artifices

d'Lëtzebuerger Land vom 08.12.2017

L’actuelle exposition au centre d’art Nei Liicht à Dudelange s’appelle Photographies. Mais elle pourrait aussi bien s’appeler Roger Wagner and friends, puisque sont également invités Andrés Lejona, Silvio Galassi et Sven Erik Klein autour d’un thème qu’on pourrait qualifier de vues sur le passage du temps et l’artifice.

Roger Wagner présente sa série de photos Tso (zoo en luxembourgeois) et on pense bien sûr à notre époque et à l’évolution des mentalités par rapport aux animaux privés de liberté, sans que Wagner ne dise cela. Pour lui, cette « beauté stoïque des animaux, mis en scène dans un univers de représentation conçu suivant les vues de l’homme » en dit plus sur nous-mêmes que sur les bêtes. Foin de lion tournant en rond en effet, ou de singes faisant la grimace.

À l’exception d’un serpent sur la première photographie qui accueille le visiteur – qu’on n’aimerait pour notre part, pas rencontrer en liberté –, les animaux photographiés sont petits, oiseaux, tortue à peine décelable. Seul un paresseux se balançant devant un mur de ciment et un petit singe qui – est-ce le hasard de la rencontre du photographe avec l’instant précis où l’animal s’est suspendu et étiré de cette façon – rappelle un Christ en croix, provoquent le malaise face à l’enfermement.

Les photographies de Wagner (sous verre acrylique), s’intéressent plutôt au décor, à ce qui est faux, dans les zoos d’Anvers, Cologne et Francfort. On le voit de manière littérale là où une porte, au fond de la cage, pour se faire oublier du spectateur, est peinte « à la manière » de l’ambiance créée alentours : paysage de fausse jungle, tropiques inventés, branches d’arbres servant de perchoir. Roger Wagner nous montre un monde certes en couleurs, mais de silence, pétrifié et infiniment triste.

La beauté ambiguë joue son rôle de marqueur critique dans le travail d’Andrés Lejona qui suit. En superposant son empreinte digitale telle une résille sur le visage d’une jeune femme, une plume agrandie sur la silhouette de l’oiseau, les composés granuleux de la roche sur le caillou, etc., Lejona, en cinq photographies en noir et blanc attire notre attention sur l’identité unique de chaque être et chaque chose, menacée aujourd’hui par les techniques de reconnaissance biométrique et les dégradations de l’environnement.

Les ruines ayant leur charme, on essayera de regarder avec un mélange de plaisir et de frayeur les vues de bunker, barbelés et autres barrières défensives lentement recouverts par la nature et rongés par le temps de Silvio Galassi. Mais tel n’est pas le cas pour cette série Virun 73 Joër, du fait de l’ajout de photographies d’identités de soldats. La volonté mémorielle nuit ici selon nous à l’esthétique vénéneuse.

Est-ce à dire qu’on ne peut pas, comme photographe, voir certains sujets autrement que sous la forme du reportage ? La question est posée… Sven Erik Klein, dernier invité de Roger Wagner, s’essaye à la photographie d’architecture et thématise ces maisons abandonnées, murées, avant même d’être terminées. C’est bien vu.

L’exposition Photographies de Silvio Galassi,
Sven Erik Klein, Andrés Lejona et Roger Wagner, est encore à voir au centre d’art Nei Liicht, rue Dominique Lang à Dudelange, jusqu’au
15 décembre ; overt du mardi au dimanche de
15 à 19 heures ; www.centredart-dudelange.lu

Marianne Brausch
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