L’affiche, où l’on voit cinq silhouettes déformées sur un décor fait d’obscurité et de brouillard, et sur laquelle on trouve des lettres rouges écrites à la va-vite, fait croire à un film d’horreur. Mais le chemin entrepris par Adolf El Assal avec La Fameuse route est tout autre. Ici point de monstre, de tueur en série ou de kidnappeur expert ès torture… mais une bande de potes dont les seuls intérêts sont de se marrer et de fumer des pétards.
On fait leur connaissance au moment où ils s’entassent dans une vieille Renault Fuego pour aller à « Maas », Maastricht pour les non-initiés. L’écran est encore noir que déjà l’un d’eux balance : « Les gras je vous préviens, je veux juste aller aux péripatétiputes ! J’ai les testicouilles comme des potirons ! ». Zéro image et pourtant en une seule phrase l’ambiance est posée : Potache à souhait et pleinement assumée.
Toute le reste des douze minutes du film seront du même acabit. Situations impossibles, expressions improbables, rencontres chimériques, délires psychédéliques, comportements extravagants, panneaux routiers inconcevables… Adolf El Assal va loin dans le délire, il ne s’interdit rien : ni de mettre des douaniers dans des situations peu respectables, ni de jouer avec les stéréotypes ou les accents. « Les stéréotypes, ça ne me fait pas peur », assure le réalisateur-comédien-monteur-producteur. « Des accents, on en entend tous les jours au Luxembourg. On parle tellement de langues, on a des origines tellement différentes… qu’on a tous un accent. Pourquoi ne pas s’amuser avec ? ».
Cette Fameuse route, premier film professionnel du cinéaste – bien que tourné avec un casting cent pour cent amateur –, est le premier jalon dans l’œuvre d’Adolf El Assal. Un réalisateur à part, qui aime les personnages à la marge, les histoires étonnantes, les sujets qu’on ne traite habituellement pas dans le cinéma grand-ducal. Un univers personnel qu’il gardera pour ses longs métrages : Les Fameux gars (2013) ou encre Sawah (2019) et qui lui a ouvert dernièrement les portes de Baraki, série humoristique belge à découvrir à partir du mois de mars, dont il a réalisé quatre épisodes. Une route à lui, un sacré chemin sur lequel il revient pour le Land.
Comme est née La Fameuse route ?
Adolf El Assal : Au départ, je suis allé voir Tarantula pour faire Sawah, qui est sorti finalement l’an dernier (avec Deal Productions, ndlr). Ils aimaient bien le concept, mais ils m’ont dit que ce serait très compliqué de le financer, d’autant que personne me connaissait à l’époque. Et c’est vrai que je venais de sortir de l’école de cinéma. C’est pour ça que j’ai décidé de faire Reste bien, mec !, sans budget ni scénario, pour montrer que j’étais capable de faire du cinéma. Il y a près de 5 000 personnes qui l’ont vu au cinéma et j’ai vendu plus de 10 000 DVD. Du coup, chez Tarantula on m’a proposé, si je voulais faire du ciné au niveau pro, de faire d’abord un court-métrage. Pourquoi pas avec les personnages et dans l’univers de Reste bien, mec ! Et là, Diego, un des acteurs du film, m’a raconté un voyage qu’il a fait en Hollande et pendant lequel il s’est fait arrêter par des douaniers. J’ai trouvé ça marrant et j’ai donc commencé à écrire une histoire basée là-dessus. Le scénario a été refusé plusieurs fois par le Film Fund ; je crois qu’à la fin ils en avaient tellement marre de moi qu’ils ont dû se dire qu’ils allaient me donner une chance.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ce court-métrage ?
Le film a bien fonctionné. On a fait l’avant-première dans la grande salle du CinéBelval qui a près de 550 places. Tout le monde me disait que je n’arriverais jamais à remplir une telle salle, mais en fait, on a eu 1 200 personnes. Pour un court-métrage ! Ça a surpris tout le monde. Moi, je me demandais si mon humour allait bien passer, être compris, etc. The rest is history !
Qu’a apporté La Fameuse route à votre carrière ?
Ça a été une très très bonne école. J’ai énormément appris, j’ai fait une trentaine de festivals avec, ce qui m’a permis de beaucoup voyager et de rencontrer plein de monde. Ça m’a montré que même des sujets luxembourgeois pouvaient intéresser d’autres publics et d’autres professionnels et qu’il ne fallait pas avoir de complexe en tant que cinéaste luxembourgeois. Ces rencontres m’ont aussi permis de financer Les Fameux gars. Autrement dit, tout ou presque, découle de cette Fameuse route.