Claude Wiseler, le ministre du Développement durable et des Infrastructures, CSV, doit assumer les (mauvais) choix de ses prédécesseurs : sur le principe, il est disposé à ce qu’un second radar, baptisé TAR 3, soit construit à Hosingen dans le Nord du pays pour compléter le dispositif de la sécurité aérienne déjà en place avec le radar TAR 2 – qui ressemble à une boule de golf – qui trône à 54 mètres de hauteur à l’aéroport du Findel à Sandweiler. Les deux radars, qui ont été livrés au Luxembourg en 2007 comme un package par la firme italienne Selex Sistemi Integrati, filiale de Finmecanica (la société a été rebaptisée depuis lors en Selex), auraient dû être installés en parallèle, mais les complications liées à la mise en place de TAR 2 en 2008 et les relations tout aussi compliquées entre les agents de l’Administration de la navigation aérienne (ANA) et les représentants de la firme italienne ont gelé les plans de construction du TAR 3. C’est d’ailleurs le directeur de la Direction de l’aviation civile (DAC), Claude Waltzing lui-même, qui avait demandé ce gel tant que les problèmes du premier radar n’étaient pas résolus. Du coup, le second radar est resté dans son carton d’emballage dans un dépôt, sans que personne ne s’inquiète beaucoup du sort de cet investissement.
Le député des Verts Camille Gira a toutefois réveillé le monstre, le 9 août dernier, en posant à Claude Wiseler une question parlementaire sur ses intentions, d’autant que le projet de construction (lire ci-contre) d’un parc d’éoliennes dans la commune de Hosingen ferait interférence à la présence d’un radar dans cette localité et que la presse s’est saisie de ce problème. Entre sécurité aérienne, développement durable et questions d’urbanisme (au Kirchberg notamment), le ministre CSV est dans une posture d’arbitrage inconfortable, à un peu plus de quatre semaines du scrutin législatif. Coincé aux entournures, Claude Wiseler pourrait alors prendre son temps avant de répondre à Camille Gira qui l’interpelle sur un sujet qui tue : le radar, entreposé depuis six ans, est-il toujours d’actualité ? Le député demande également au ministre de se pencher sur le passé et fournir les circonstances dans lesquelles le marché des deux installations fut conclu et quel en fut le coût. Il n’est pas forcément nécessaire d’attendre la réponse de Claude Wiseler sur un certain nombre de points. Un ministre qui veut éviter de prêter son flanc aux critiques. Mais quoi qu’il fasse, il s’y exposera : s’il ne construit pas le radar et qu’il achète un nouveau système de contrôle du ciel, on lui reprochera d’avoir jeté de l’argent par la fenêtre (on estime le prix de ce genre de radar autour de cinq millions d’euros) ; s’il le fait, le prix de l’installation (qui se rajoutera à l’enveloppe initialement prévue) pourrait exploser en raison des mises à jour nécessaires d’un système qui n’est pas de la dernière génération). Claude Wiseler ne veut pas qu’on lui impute la responsabilité d’un nouvel « e-go ».
Dans un communiqué du 14 juin 2007, la firme Selex Sistemi Integrati annonçait avoir été sélectionnée en 2005 à l’issue d’une offre internationale pour la fourniture de deux radars, un principal (TAR 2) et un secondaire (TAR 3) et soulignait que les nouveaux systèmes installés au Luxembourg « valident les bonnes relations que la société entretient avec le pays depuis les années 1990 ». C’est vrai : les autorités grand-ducales ont historiquement travaillé avec les Italiens qui ont de bons relais dans le pays, notamment le sous-traitant Sogel. Comme l’a souligné Claude Waltzing dans un entretien téléphonique au Land, des représentants de cette entreprise luxembourgeoise installée rue de l’Industrie à Windhof avaient demandé une entrevue avec la DAC, lorsque les relations entre Selex et l’Administration de la navigation aérienne s’étaient détériorées à la suite des difficultés que posaient l’implémentation du TAR 2 et des dispositions de Selex à y apporter les réponses souhaitées. « Il y avait un problème de réactivité de la part de la société italienne », reconnaît Claude Waltzing, qui évoque aussi « un manque de confiance de certains services par rapport à cet équipement ».
La présence de deux radars dans le pays va signifier, si l’installation se fait vraiment, « le contrôle absolu » de tout ce qui bouge dans le ciel. C’est aussi un préalable exigé par la réglementation internationale. Chaque État doit désormais se doter de son propre « back-up ». Au grand-duché, il est actuellement assuré grâce à des accords bilatéraux avec d’autres administrations aériennes étrangères, notamment en Allemagne et en Belgique. Mais les installations des voisins seraient vieillissantes et des défaillances pourraient causer la fermeture du Findel, même pour quelques heures.
Dans un document de juillet 2013 (il s’agit d’amendements) de l’Organisation de l’aviation civile internationale consacré aux principes et aux procédures pour l’attribution de radars secondaires pour la surveillance du ciel, les deux radars TAR 2, déjà en place et TAR 3, encore dans son carton d’origine, sont bien mentionnés comme étant regroupés et ayant même chacun un code alloué.
Si le TAR 3 est resté dans son emballage, c’est donc parce que le fonctionnement de TAR 2 posait déjà des problèmes et qu’il convenait de ne pas en rajouter, la DAC fit donc arrêter les travaux. Le TAR 3, à installer dans le nord du pays aux frais et par les soins de l’ANA qui en sera responsable, requiert un certificat de conformité en matière de sécurité de la part de la DAC, car il s’agira d’un « changement majeur ». Mais cette évaluation ne se fera qu’une fois que le radar sera installé. Or, à ce stade, personne ne peut garantir à l’avance et à cent pour cent que le système sera « up to date ». Et c’est bien ce qui embête les autorités qui craignent qu’une mise à jour ne coûte davantage qu’un nouveau radar. Ce qui explique aussi les échanges de courrier entre les différentes administrations pour s’enquérir de la « modernité » du TAR 3. En théorie, le radar devrait être opérationnel au milieu de l’année 2014.
Selon Claude Waltzing, les Italiens de Selex se sont engagés sur la conformité du système aux normes technologiques actuelles en matière de sécurité aérienne. « Théoriquement et d’après les données techniques, explique le directeur de la DAC, l’équipement serait parfaitement aux normes ». Encore faudra-il compter avec l’installation du software et sa configuration, que les techniciens de Selex devront effectuer, l’ANA n’ayant pas les ressources suffisantes pour les réaliser « in house ». Il faudra aussi payer pour ce service supplémentaire, Calude Wiseler devra en tenir compte. Pour rappel, c’est sur les questions de software du TAR 2 que les relations avec la firme italienne s’étaient détériorées.
Par précaution et parce que la question est devenue politiquement sensible, la DAC a adressé, il y a trois semaines, une lettre à l’Administration de la navigation aérienne pour savoir ce que l’opérateur pense des chances du TAR 3 de passer les contrôles de conformité. Il n’y avait pas encore de réponse à l’heure où nous mettions cette édition sous presse.