« Je chante les armes et les hommes ! » Ah, qu’il les a ridiculisés, celui que l’on commençait déjà à appeler l’Andyfférent à la victoire, lors de la (première) ascension du Galibier, à commencer par les journalistes et votre serviteur, et puis, bien sûr, ses adversaires. « Je chante les vélos et les coureurs ! » Dans cette étape, désormais mythique, le soap-opéra de la première semaine céda la place à l’épopée. Car il les connaît, ses classiques, ce gaillard-là, qu’ils s’appellent Gaul et Merckx ou encore Homère et Virgile. De mémoire de (jeune) homme on n’avait plus vu ça, quand ce rabat joie de kangourou retomba soudain sur ses pattes pour se dire, en se rappelant les étapes des Pyrénées, « à épicier, épicier et demi ! » et pour s’en aller gagner, calculette à l’appui, son premier Tour de France.
« Je chante les chaînes et les zéros ! » L’épopée finit alors en tragédie et Andy devint Hamlet, celui-là même qui hésita à tuer le meurtrier de son père, tout comme Andy n’arrive toujours pas à se décider à dépasser enfin le sien en gagnant ce Tour, dont John ne gagna même pas une étape. Aussi Andy ne fut-il pas vaincu par Cadel Evans, mais bien par son propre complexe d’Œdipe. Et d’ailleurs, la presse ne lui reproche-t-elle pas d’être plus dandy que tueur, tout en interviewant à tout bout de champ le père et le frère sur ce que devrait faire le plus brillant de la tribu. Ce véritable double lien enferme le cadet dans un rôle quasiment schizophrénique, dont il ne se dépêtrera pas sans endosser, l’une de ces prochaines années, l’habit, non seulement d’Œdipe, mais aussi de Caïn. À l’un de tuer symboliquement le père, à l’autre de se débarrasser d’un vrai jumeau ou d’un faux frère. À défaut, Andy restera notre Poulidor à nous, ce qui, ma foi, est une posture bien sympathique, à défaut d’être efficace et prestigieuse.