Enfant du pays eschois, Daniel Migliosi est l’un des musiciens prodige du Grand-Duché. Parti en Allemagne dès l’adolescence pour être formé à la prestigieuse Hochschule für Musik und Tanz de Cologne, il sort un premier disque à sa majorité. Un disque précoce se formulant comme preuve du brio du jeune trompettiste, qui n’oublie pas de se marrer et de profiter de ses meilleures années. Conservant à l’esprit ses grandes et logiques ambitions musicales, Daniel Migliosi dévoilera, le 10 mai prochain, son second opus On the edge. En quintet sur la scène d’Opderschmelz de Dudelange, dans le cadre du festival « Like a Jazz Machine », Migliosi s’apprête à marquer de son empreinte le jazz luxembourgeois. L’affaire s’annonce magnifique tant les symboles y sont nombreux pour le musicien, à l’aube d’une grande carrière.
Amorce « Je pense que la musique est l’une des meilleures choses qu’un enfant puisse faire », commence Migliosi, que l’on sent « changé » depuis notre première rencontre, il y a un an à peine. La musique a stimulé son cerveau dès son plus jeune âge, et elle lui a aussi permis d’apprendre très tôt à être sociable. « Pour moi, la musique n’a jamais été une source de stress, le facteur social a toujours été numéro un, et c’est encore le cas aujourd’hui, bien que j’aime aussi m’entourer de personnes qui ne sont pas forcément musiciens ». Alors que la plupart des jeunes autour de lui jouent au foot, ou aux jeux-vidéo après l’école, lui passe son temps extrascolaire au Conservatoire parmi d’autres enfants, pas moins intéressés par la chose. Ceux-là même qui deviendront ses amis, et étudient la musique dans des cadres d’enseignements supérieurs. Alors, si rien de tout cela ne lui semble être le fruit du hasard, il se questionne tout de même, « de temps en temps, je me demande si je n’ai pas raté des choses parce que je faisais beaucoup de musique… Mais je pense que j’ai appris tellement de choses importantes grâce à la musique que cela s’équilibre ».
À 18 ans, il sort Left on scene, un premier album comme un hommage à sa génération alpha, dans le fond comme dans la forme, et répond aussi à ses influences hard bop tels que Miles Davis, John Coltrane, Herbie Hancock, ou Louis Armstrong. Des légendes qui ont guidé son travail musical : « Miles est l’une de mes plus grandes influences. Pas seulement lui en tant que musicien, mais aussi lui en tant que personne. Cela peut paraître étrange, car il a souvent été présenté comme un type arrogant, mais, pour moi, il était, avec Herbie, Armstrong ou Coltrane, l’un de ceux qui ont fait la grandeur de la Black American ». Daniel Migliosi a presque des trémolos dans la voix en parlant de ses idoles, qui ont, selon lui, façonné la musique telle que nous la connaissons. Il a même du mal à expliquer comment ils l’ont influencé en tant que jazzman. « Ils ont posé les bases. Je suis loin d’en être là, mais j’espère y arriver un jour. Peu importe si le jazz est parfois compliqué, si tu transmets ce sentiment très particulier, comme Herbie le fait encore aujourd’hui, cela ne peut que t’entraîner ».
En mai 2022, il enregistre Left on scene au studio Loft de Cologne alors qu’il n’a pas encore l’âge légal pour entrer dans un club de jazz. Et le 4 novembre 2022, ce premier album sort sous la confiance de Mons records, maison de disques indépendante allemande dédiée au jazz et à la musique classique. Depuis, Daniel Migliosi façonne son nid pour faire exister sa musique en tant que « gamin » de l’ère numérique face aux « vieux » d’une industrie où sans cesse, il s’agit de faire ses preuves. « C’est parfois vraiment stupide », exprime le trompettiste, qui avait du mal à expliquer sa musique à ses débuts, « les gens de mon âge n’écoutent pas ce genre de musique et certains ne comprennent pas pourquoi j’ai choisi cela. Beaucoup pensent que le jazz est une musique jouée dans des petits cafés pour à des vieillards ivres ».
Le musicien s’est fait à l’idée que sa musique serait plutôt écoutée par des personnes qui n’appartiennent pas à sa génération. Mais il cherche à enthousiasmer les jeunes pour le jazz. Et, semble-t-il, le jazz revient à la mode avec notamment l’attrait du vintage, explique le Luxembourgeois : « On commence à remarquer un attrait sur les réseaux sociaux, mais il faut aussi que l’ensemble de l’industrie évolue. Ce n’est pas seulement la musique qui est en cause, je pense que c’est aussi le marketing ».
Deuxième opus Da,s quelques jours, Daniel Migliosi va sortir On the edge, son nouvel album qui sonne résolument plus moderniste que son premier disque. Un pari rempli pour celui qui est aussi compositeur. Il a fait venir deux musiciens des États-Unis pour le « pousser mais aussi renforcer [mon] réseau en dehors de l’Europe ». Dans sa conception, l’album se veut donc moderne, garni de titres « écrits en caps avec les o en minuscule. C’est un look qui se mémorise bien », commente-t-il, en illustrant ses dires par le titre MoTIoN SICKNESS, tout en précisant que la tradition musicale n’a pas été perdue…
Pour ce nouveau disque, il s’est donc entouré de Sean Payne (sax), Benedikt Göb (piano), Kaisa Mäensivu (basse), et Kai Craig (drums), certains étant déjà présents sur son premier album. Bien qu’il y ait toujours un esprit de bande de potes qui « jamment » ensemble, l’approche de ce nouvel opus a évolué, notamment la dimension professionnelle avec laquelle le jazzboy a travaillé. Après quatre jours en studio à 200 pour cent et des moments de « jeu » en amont, Migliosi a trouvé son groupe avec une pression toute différente que celle du premier album, où six amis passaient une journée en studio. « Aujourd’hui, nous ne pouvons plus parler d’amis qui jamment ensemble, mais de musiciens qui enregistrent un album en studio et qui, en dehors de cela, sont aussi de bons amis ».
Pour défendre On the edge, Daniel Migliosi part en tournée pour une douzaine de dates entre Paris et Londres, en passant par différents lieux au Luxembourg et en Allemagne. Et cette tournée s’amorce par une date très symbolique le 10 mai prochain au festival Like a Jazz Machine de Dudelange. Néanmoins, le jeune homme parle de sa tournée avec sensibilité, tant il a sué à l’organiser, seul, à la force de centaines de mails, et d’une hargne à toutes épreuves. À cela s’ajoute les coûts faramineux d’une telle tournée (compensés en partie par Kultur :LX). Un job que Daniel Migliosi doit assumer, « tous les débuts sont difficiles et je trouve que c’est une bonne chose de se produire à l’étranger. Cela permet de me faire connaître et de vendre des disques dans toute l’Europe. J’espère et je pense que l’effet boule de neige finira par vraiment démarrer et que d’ici un an ou deux, je n’aurai plus à me soucier de ce genre de choses ».