« Toute la direction est en Inde en ce moment », répond Silvia Pereira en charge du marketing chez B Medical Systems à notre demande d’interview. L’équipe managériale rencontre les autorités indiennes, intéressées par les équipements de maintien de chaîne du froid. Preuve que l’entreprise luxembourgeoise rencontre un franc succès international. Autre signe qui ne trompe pas : cinquante intérimaires ont été embauchés pour faire face au commandes supplémentaires, venant ainsi en renfort aux cent personnes travaillant à la production, dix à la logistique, trente en recherche et développement et 70 à la vente et au support. Ce qui attire les nouveaux clients, ce sont les congélateurs à ultra-basse température qui peuvent conserver des composants sanguins, du plasma sanguin, des cellules humaines, des tissus et d’autres échantillons de laboratoire, mais aussi et surtout des vaccins comme ceux qui sont en train d’être mis sur le marché pour lutter contre le covid-19 et qui doivent être maintenus à -80°. « Nous avons triplé notre production pour sortir quelque soixante de ces congélateurs par semaine, en organisant deux postes, sept jours sur sept », confie Gaétan Namuisi, responsable des ventes pour l’Europe en ajoutant que des embauches (soudeurs, frigoristes, assembleurs…) sont encore prévues pour aller au-delà.
Ces congélateurs, comme les autres frigos de l’entreprise, sont fabriqués dans le nord du Luxembourg, à Hosingen, et une visite de l’usine permet de se rendre compte de l’expertise technologique qui a été développée au fil des années d’expérience. Car la société a été créée en 1979 lorsque l’Organisation Mondiale de la Santé s’est rapprochée de Electrolux qui était à Vianden pour trouver une solution à des problèmes de stockage et de transport des vaccins dans le monde entier. « Le département Réfrigération de Electrolux est alors devenu le Groupe Dometic. Nous avons été salués pour notre expertise dans la chaîne du froid vaccinal et la sécurité du sang », rembobine Namuisi qui tient à préciser que l’équipe de direction a acquis, avec Navis Capital Partners, puis développé le département médical du Groupe Dometic en 2015, époque où la société a pris son nom actuel.
La fabrication des frigos commence par le pliage et l’assemblage de feuilles d’acier inoxydable qui constituent la carcasse de l’appareil. D’imposants robots effectuent ce travail de précision, sous le regard des agents de production qui programment et règlent les machines. Au fur et à mesure des étapes de fabrication, on ajoute les composants techniques : le moteur, le compresseur, le câblage et l’évaporateur. On passe ensuite au « moussage » où une mousse de polyol est injectée dans les parois pour garantir l’isolation. Enfin, il s’agit de mettre en place les finitions : étagères, grilles, poignées en fonction des modèles. Tous les frigos et congélateurs passent une batterie de tests pour vérifier leur sécurité, leur fonctionnalité et leur performance. Emballage et stockage sont les dernières étapes avant expédition.
« Nous avons des clients partout dans le monde. La demande est impressionnante et entre responsables commerciaux, on se bat pour honorer les commandes en fonction de la production », s’amuse Gaétan Namuisi en nous précisant que les congélateurs à ultra-basse température coûtent entre 9 000 et 14 000 euros en fonction des capacités – les plus grands pouvant contenir jusqu’à 60 000 fioles de vaccin. Le ministère de la Santé du Luxembourg figure parmi les clients de B Medical Systems, non seulement pour des congélateurs pour conserver les vaccins, mais aussi des boîtes de transports pour les acheminer vers les centres de vaccination et des frigos plus « classiques » pour garder les doses une fois dégelées (ils peuvent rester cinq jours à 5°C).
Les congélateurs à ultra-basse température ne sont en effet qu’une partie de la gamme que fabrique B Medical Systems. Sa réputation s’est aussi construite sur des containers de réfrigération et congélation qui fonctionnent avec des panneaux solaires sans batteries, ni secteur. D’autres sont capables de résister aux variations de tension courantes dans les pays en développement. « Nous distribuons ces produits principalement dans les pays où l’approvisionnement en électricité pose problème, notamment en Afrique et en Asie », explique le responsable commercial. Cette gamme est également fabriquée à Hosingen sur une autre ligne de production où les éléments sont moulés dans une matière plastique et chauffés à 300°C, avant de recevoir les équipements techniques et de refroidissement. Tous les appareils sont équipés d’un « data logger », qui permet de les suivre en temps réel, partout dans le monde et de s’assurer que la chaîne du froid n’est par rompue ou qu’il n’y a pas de faille de sécurité. Un avertissement ou une assistance peut ainsi être directement adressée en cas de problème. Pas moins de 10 000 de ces frigos sont surveillés en permanence, partout dans le monde.
Avec ses compétences et expertises, la société luxembourgeoise a de beaux jours devant elle, même au-delà de la pandémie actuelle, même si des concurrents existent ailleurs dans le monde. « Nous sommes un des seuls à fabriquer en Europe et à avoir obtenu les plus hautes certifications pour dispositifs médicaux », dit Gaétan Namuisi qui travaille avec ses collègues à mettre en place une sorte de check list à destination des États et organisations internationales pour détailler les règles à respecter en matière de chaîne du froid. Précisément, ce que le gouvernement indien recherche.