Comme ses prédécesseurs à l’Élysée, Emmanuel Macron a fini par être rattrapé par les difficultés. Entre fin août et début septembre, la démission surprise d’un ministre populaire, des propos malheureux et une valse-hésitation sur une réforme fiscale majeure ont ponctué la pire semaine de l’exécutif depuis le début du quinquennat il y a quinze mois, sur fond de croissance à la traîne, de chômage persistant et de tensions en Europe.
« Macron : la machine se détraque », a titré Le Figaro. « Macron : pourquoi rien ne va plus », a affiché en une le Journal du dimanche. C’est « le temps des doutes », a écrit Libération. Alors que le président de la République et sa majorité espéraient se relancer en cette rentrée, après avoir été secoués en juillet par le scandale Benalla, un ancien garde du corps du président mis en examen pour violences, c’est le contraire qui s’est produit.
Mardi 28 août, le ministre le plus populaire du gouvernement, l’écologiste Nicolas Hulot, a surpris tout son monde en annonçant à la radio sa démission du ministère de la Transition écologique. Chose rarissime, il n’avait prévenu ni le Premier ministre ni même le président de la République. Surtout, il a déroulé une charge sévère contre la politique environnementale du gouvernement. « Est-ce que les petits pas suffisent à endiguer, inverser et
même à s’adapter, parce que nous avons basculé dans la tragédie climatique ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à réduire nos émissions de gaz à effet de serre ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à réduire l’utilisation des pesticides ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à enrayer la réduction de la biodiversité ? La réponse est non », a déclaré l’ex-animateur de l’émission à succès « Ushuaïa ».
Quelques jours plus tard, c’est le président lui-même qui a fait part de ses hésitations sur la réforme de l’impôt sur le revenu, héritée du précédent quinquennat et qui doit entrer en vigueur théoriquement au 1er janvier 2019. Aménagement, report, voire abandon ? Le prélèvement à la source, consistant à déduire l’impôt directement des salaires et des pensions, va-t-il être bien compris et accepté des contribuables ? Non seulement il pourrait y avoir des bugs techniques, mais surtout l’exécutif craint les réactions des Français quand ils verront sur leurs feuilles de paie des montants en baisse. « Est-ce que, psychologiquement, les Français sont prêts ? C’est une question à laquelle collectivement nous devons répondre », a résumé un ministre. À cinq mois des élections européennes du printemps 2019, le risque politique est réel pour Emmanuel Macron
Dans la même semaine, le président a encore multiplié les polémiques, en présentant ses compatriotes comme des « Gaulois réfractaires au changement », ou en nommant consul général à Los Angeles l’écrivain Philippe Besson, qui lui a consacré un livre hagiographique.
Plus globalement, le grand dessein macroniste de tourner la page du « vieux monde » se heurte à quelques données incontournables. Sur le front politique, le président n’est pas à la fête en Europe, entre les pays du Nord qui freinent des quatre fers sur la réforme de la zone euro et l’Italie de la Ligue et du Mouvement cinq étoiles qui a drastiquement durci sa politique migratoire. Emmanuel Macron a certes poursuivi sa tournée des pays européens, avec le Danemark et la Finlande fin août puis le Luxembourg le 6 septembre. Mais pour le JDD, il « semble de plus en plus isolé ». Pour L’Humanité, son « projet européen avance d’échec et échec ». Tandis que Le Monde évoque « la marche contrariée de Macron l’Européen ».
Quant à l’économie, elle ne lui sourit guère plus. Au premier semestre 2018, la France a connu un véritable trou d’air, avec la plus faible croissance de tous les pays européens. De janvier à juin, l’activité n’a crû que de 0,4 pour cent dans l’Hexagone, pour le double dans la zone euro. La France donc décroche, alors qu’Emmanuel Macron se faisait fort de relancer la croissance, avec des mesures énergiques comme la libéralisation du marché du travail. Non seulement cette réforme très controversée n’a pas encore eu d’effet, mais les hausses de prélèvement de début 2018 comme le long conflit social du deuxième trimestre dû au passage en force sur la réforme de la SNCF ont vraisemblablement eu des effets négatifs sur l’économie. Entre avril et juin, la consommation a même reculé de 0,1 pour cent.
Alors qu’il semblait encore intouchable au printemps, Emmanuel Macron est donc à son tour fragilisé. Après un rebond de bonnes opinions à la rentrée 2017, il semblait avoir échappé aux sorts de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy puis François Hollande qui, tous, avaient connu une forte chute de popularité après seulement quelques mois à l’Elysée, le temps que les Français s’aperçoivent que leurs principales promesses de campagne ne seraient pas tenues.
Désormais, Emmanuel Macron est aussi impopulaire qu’eux, avec seulement 31 pour cent de bonnes opinions début septembre selon l’Ifop. Celui qui se targuait d’être le « maître des horloges » paraît à la remorque des événements. Le jeune président audacieux semble pris de doutes sur la conduite à tenir. Le spectre de l’impuissance politique l’a rattrapé : comment va-t-il réagir ?