Musique made in Luxembourg

Carte de visite interchangeable

d'Lëtzebuerger Land vom 18.12.2020

La radio de service public 100,7 vient d’éditer Schlofzëmmerbléck - A Snapshot of Luxembourg’s Music Scene in Confinement, un vinyle de treize titres, pour 48 minutes de musique en dents de scie. Le concept, à défaut d’être surprenant, a le mérite de la simplicité. Yves Stephany, head of music de la station a demandé à treize artistes ou formations indies autochtones de composer un morceau en pleine première vague de l’épidémie qu’on ne présente plus. Un disque de commande, à l’inspiration forcée, mais plutôt bienvenu durant cette période si peu inspirante. Sur la pochette de la galette, une illustration signée Jeff Poitiers de l’agence Cropmark. On y découvre treize rectangles colorés pour un accordéon arc-en-ciel sur fond blanc. C’est plutôt tendance, à l’image de la tracklist. Au programme de ce projet qui a aussi été pensé comme une carte visite musicale pour les programmateurs et médias étrangers, on retrouve des artistes plutôt jeunes et ayant leur rond de serviette aux Rotondes, quelques morceaux instrumentaux, des chansons exclusivement en anglais mais aussi, et il faut le souligner, de l’expérimentation. Même si les compositions ne sont pas inédites, car diffusées sur les ondes et disponibles sur les plateformes de streaming depuis quelques mois, il convient de les étudier une par une.

Edsun ouvre le projet avec Until Tomorrow, une chanson ouvertement altruiste sous forme d’appel à la solidarité pour les personnes vulnérables. Une entrée en matière peu judicieuse, trop douce sans doute, mais maîtrisée sur la forme. Room 224 de Napoleon Gold illumine la compilation. Ligne de basse prenante, la composition est énergique, paradoxalement chill et passe-partout. S’ensuit Let it in de Francis of Delirium. Jana Bahrich, chanteuse de la formation, invite les auditeurs à accepter leur reflet, à savoir vivre avec tout ce qui nous détermine et nous entoure. De circonstance donc. On y entend de beaux accords à la guitare qui, de mémoire, sonnent particulièrement bien sur scène.

Arrive un tournant électro signé Ryvage. Avec Tulipe, Samuel Reinard de son vrai nom propose un morceau au rythme effréné qui pourrait servir de bande originale aux images clés de cette année. Entre hystérie collective et supermarchés pillés. La tulipe du titre fait référence à la tulipomanie du XVIIe siècle et à ses débordements. Une analogie qui fait sens. Ou quand l’absence de parole n’endigue en rien le message d’une composition. Sur Post, C’est Karma passe de l’arty gentillet à une proposition expérimentale affirmée. Sa voix enrouée et désespérée fait plus que jamais penser à du Björk. Plane toutefois une forte impression d’inachevée sur cette composition minimaliste. Suit Lovesick de Them Lights, titre totalement dépassé et dispensable puis Snow in August de Claire Parsons. Un morceau de folk jazz mignon à l’orchestration qui se fait désirer. Huitième morceau, Half of March par Autumn Sweater, est un ersatz de morceaux indies entendus mille et une fois.

On retrouve encore Bartleby Delicate avec Joe the Cat 20 ou le confinement vu par les yeux d’un chat, mélancolique à souhait puis Subsol de Sensu et ses trois notes qui reviennent en boucle. Morceau nébuleux mais solide au niveau des arrangements. Claudine Muno et son Pink Revolver folk et doux-amer précèdent Pascal Schumacher et Sebastian Studnitzky. Le vibraphoniste et le trompettiste s’accordent sur Closer, suave mais pas des plus inspirés. What is the meaning ? du rappeur Maz clôt la compilation. Le morceau est plutôt réussi mais dresse surtout le constat sévère que même s’il existe une certaine scène musicale luxembourgeoise, il est difficile d’y déceler un son luxembourgeois, un tant soit peu spécifique. Schlofzëmmerbléck - A Snapshot of Luxembourg’s Music Scene in Confinement est un projet plaisant, dans l’absolu, mais qui fait figure de carte de visite interchangeable.

Schlofzëmmerbléck - A Snapshot of Luxembourg’s Music Scene in Confinement a été pressé à 500 exemplaires. La compilation est disponible à Luxembourg-Ville à Extrabold, au Casino forum d’art contemporain, et à la Librairie Alinéa et à Esch au Vinyl Harvest ou à la Librairie Diderich, ou bien sur demande à : info@100komma7.lu
La compilation est aussi disponible au format digital sur Bandcamp et sur toutes les plateformes de streaming via 100komma7.lu

Kévin Kroczek
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