Populisme polférien

d'Lëtzebuerger Land vom 31.01.2025

Lydie Polfer se retrouve prise au piège de sa propre stratégie. Cela fait des décennies que la maire libérale de la Ville a fait de la sécurité son fonds de commerce, rejetant toujours la faute sur les autres, de préférence les ministres de la Police ou de la Justice socialistes, chrétiens-sociaux ou verts. Mais alors que Polfer a obtenu le gouvernement de ses rêves, avec Léon Gloden qui, dit-elle, « a au moins une oreille pour ce problème » (il a en réalité exaucé tous ses vœux, à commencer par le Heescheverbuet et le Platzverweis), la partition devient de plus en plus dissonante. Pourtant, Polfer continue de la jouer. Les boucs émissaires politiques venant à lui manquer, elle vise désormais le Parquet, mettant en doute le principe de l’opportunité des poursuites (il y aurait trop d’affaires classées).

Ce lundi, au conseil communal, Polfer a été interpellée au sujet du quartier de la Gare par l’élue verte Christa Brömmel, qui s’inquiétait des appels à former des « milices citoyennes ». La réponse de Polfer a été cinglante : « Peut-être contrairement à vous, nous prenons les soucis des gens extrêmement au sérieux. » Exhibant les titres de presse dénonçant « une poudrière » et un « offenes Drogenzentrum », elle s’est exclamée : « Ech weess net, ob Iech dat egal ass, wann Dir déi Saachen all Dag liest ! » (Puis d’ajouter : « Et geet net drëm, engem de schwaarze Peter ze ginn ».) Brömmel a réagi vivement à « ces insinuations ». La conseillère socialiste Maxime Miltgen s’étonne face au Land : « D’Madame Polfer ass Teflon. Elle fait comme si elle n’avait rien à voir avec la situation. » Mais cette posture devient de plus en plus difficile à assumer. Car les critiques commencent à se diriger contre Lydie Polfer herself : « Mir hu reagéiert, mir hunn extreem vill reagéiert », se défend celle-ci. Et de concéder qu’on ne pourrait « changer la situation du jour au lendemain ».

La situation se complique pour le DP. Un appel à une « milice citoyenne » vient d’être lancé sur le groupe Whatsapp « Quartier Gare – sécurité & propreté ». On en retrouve également la trace sur Facebook : « Wa näischt vun ‚Uewe‘ kennt, dann organiséiere mir eben eng Biergermiliz fir d’Uerdnung an der Noperschaft ze restauréieren ! » Détail piquant : L’auteur de cet appel, Patrick Reisdorff, préside le DP Gare et siège pour les libéraux dans la commission consultative de l’Action sociale, de l’inclusion et des personnes âgées. (Reisdorff avait fini dernier sur la liste DP aux communales de 2005). Devant les caméras de RTL-Télé, il a tenté de relativiser ses propos : « An ech wëll dat net maachen. Mee et ass en dernier ressort, wa wierklech näischt méi geet ! » La journaliste rétorque : « Dir däerft et och net maachen, normalerweis ». Reisdorff hésite : « Dass mer dann eventuell kucke, wéi een et iwwerhaapt kéint maachen ». Puis de se raviser : « Gottseidank musse mir keng milice citoyenne kreéieren, well dat ass den Enn vun der Demokratie ».

Lydie Polfer s’est déclarée opposée à la création d’une telle milice (« c’est évidemment un no go »), mais elle a montré beaucoup de compréhension pour ceux qui y appellent : « Datt et huet mussen sou wäit komme fir sou Iddien ze kréien ». Au début du mois, la maire a envoyé une lettre au Premier qui lui a assuré convoquer un « Drogendësch 2.0 », réunissant la mairie avec les ministres des Affaires intérieures, de la Justice, de la Santé et de la Famille. Une piste se dessine déjà : L’extension de la vidéosurveillance à Bonnevoie (déjà prévue sous Etienne Schneider). Bref, un nouveau Verdrängungseffekt. Depuis les années 1990, le débat tourne en rond, tout comme la caravane des policiers, des dealers et de leur clientèle captive.

Bernard Thomas
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