CD Don't burn my paradise de Kunn & the Magic Muffins

S(k)a ne vous fera pas de mal!

d'Lëtzebuerger Land vom 20.09.2007

De manière rudimentaire et simplifiée, on pourrait écrire que le Luxembourg compte trois à quatre labels: Ashcan Records, Grand Duchy Grooves, Own Records et… et… Winged Skull, pardi! Ce dernier nommé est d'ailleurs en train d'étendre de plus en plus ses ailes et ses activités, qui dépassent depuis un bout de temps le cadre étriqué de notre territoire. Son catalogue, de plus en plus fourni, vient de s'enrichir de la nouvelle cargaison de Kunn [&] the Magic Muffins intitulée Don't burn my paradise. Cet orchestre, composé de neuf membres, qui gravitent également dans les circuits punk et alternatifs, en est à son deuxième album après un premier Got ska qui leur a permis de décrocher des concerts à travers toute l'Europe. Il faut savoir que la musique qu'ils proposent, à savoir un savant mélange de reggae, de rocksteady et de ska, est encore extrêmement populaire dans nos contrées occidentales. Pour preuve, il n'y a qu'à constater la surabondance de formations qui s'essaient aux genres mentionnés avec plus ou moins de succès. Pour enregistrer cet album, ils ont fait appel aux services de Charles Stoltz des Holy National Victims, qui semble élargir sans cesse son horizon et qui a su capter l'enthousiasme des musiciens. On pourra certes regretter le manque de profondeur des basses ou une caisse claire qui sonne creux par moments, mais comme les voix, les guitares et surtout les cuivres bénéficient d'un son clair et ample, on ne va pas cracher dans la soupe. Le disque commence en fanfare (c'est le cas de l'écrire !) par un Wonderful day aux rythmes ensoleillés et instillant la bonne humeur (aah, les clichés sur le reggae, il faut bien les placer quelque part…).  Les paroles sont aussi légèrement teintées d'une ironie bienfaitrice (comme sur Wonderful day où le chanteur entonne : « It's a wonderful day and they are dropping bombs ») et reflètent tout au long de l'album un humanisme nourri d'inquiétudes tour à tour écologiques (Mother nature et Don't burn my paradise) et sociales (Dem people ou Man without a morning). Ils parviennent à enfoncer le clou avec les deux titres suivants très ska et très enlevés, avant de ralentir le tempo et d'amorcer un virage plus mélancolique le temps de deux autres morceaux plus reggae et rocksteady (ndlr : de manière simplifié, disons que le rocksteady est une version ralentie du ska). Puis, c'est la sortie de route, la faute de mauvais goût avec un instrumental en forme de private joke très fanfare de bal, qui doit fonctionner en concert, mais qui, sur une plaque, s'avère navrant. Deux autres instrumentaux suivent et semblent avoir été joués en pilotage automatique, malgré un harmonica enjoué sur Make ska not war. La suite du disque fait heureusement oublier ces faux-pas avec en point d'orgue Fire on Babylon où Uranami, en invité, nous gratifie des quelques diatribes en italien qui relancent assez efficacement le morceau. Autre réussite, le mix dub de Dem people très fin de soirée enfumée, avec son écho et ses réverbérations qui s'insinuent progressivement dans le morceau, semble clôturer merveilleusement l'album, avant qu'un morceau caché nous rappelle à l'ordre. À défaut d'être une réussite sur toute la ligne, ce Don't burn my paradise dégage une  fraîcheur emplie de vibrations positives. Kunn [&] the Magic Muffins se positionne encore un peu plus, avec cet opus, comme digne ambassadeur luxembourgeois de la cause reggae. Babylon n'a qu'à bien se tenir.

 

David André
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