Salaires de la Fonction publique

Entre les murs

d'Lëtzebuerger Land vom 10.07.2008

Bien qu’à première vue, cela semble être un ressort tranquille, voire un rien ennuyeux, le ministère de la Fonction publique est une véritable position stratégique et un défi diplomatique pour le ministre qui en a la charge. Ce n’est pas par hasard si, durant la précédente législature, la cheffe de la diplomatie internationale, Lydie Polfer (DP), ainsi qu’un haut fonctionnaire, Jos Schaack (DP), y avaient été nommés et que le gouvernement actuel a désigné le plus prudent de ses ministres et ancien fonctionnaire lui-même, Claude Wiseler (CSV) au ressort. Le mot d’ordre depuis le ralentissement économique du début de la décennie ayant été : modération, aussi salariale ! Le message fut entendu avec grand intérêt par le patronat et les travailleurs du secteur privé auxquels le comité de coordination tripartite a imposé, en 2006, des restrictions et des sacrifices financiers substantiels, y compris la manipulation de l’indexation automatique des salaires. Un an plus tard, le ministre signa avec la CGFP (Confédération générale de la fonction publique), le syndicat majoritaire parmi les quelque 27 000 fonctionnaires et autant d’affiliés, un accord salarial qui, certes, ne prévoit pas d’augmentation linéaire des salaires en 2007 et 2008, mais un système de primes uniques de 0,9 pour cent du salaire durant ces deux années, puis une augmentation de 1,5 pour cent des salaires à partir de l’année prochaine. Une solution aux ficelles un peu grosses, qui permit néanmoins aux deux partis de garder la face. 

Or, depuis lors, la CGFP revient à char­ge, estimant que l’économie luxembourgeoise a repris, que les recettes d’impôts augmentent à nouveau de façon sub­s­tantielle (plus treize pour cent de rentrées de la TVA entre le premier semestre 2007 et celui de cette année) que les réserves de l’État dans les fonds spéciaux sont substantielles (1,5 milliard d’euros), et a donc remis sa revendication d’une révision générale des salaires de la fonction publique à l’ordre du jour. À juste titre, car il est prévu qu’une telle révision générale soit réalisée tous les dix ans, et la dernière remonte à 1986. Le problème est que cette fois-ci, cela risque de devenir vraiment cher. Il ne suffira pas d’ajuster de quelques euros par-ci et de faire quelques adaptations par-là. Mais toute l’échelle et la structure des salaires doivent être revues, suite aussi à l’introduction du système licence-master-doctorat au niveau des formations universitaires. Les enseignants du primaire, les éducateurs et autres métiers du social, tous demandent des ajustement substantiels de leur rémunération. Ils n’ont pas tort.

Voilà donc Claude Wiseler entre deux chaises : ne rien promet-tre avant les élections de 2009, car il n’y a ni le budget ni la volonté politique, mais ne rien exclure catégoriquement non plus, un affrontement direct avec les fonctionnaires électeurs est la dernière des choses qu’un gouvernement chercherait. 

Une première réunion avec le ministre en charge, le 19 mai, n’a pas donné satisfaction au syndicat. D’où sa demande de voir le Premier ministre, Jean-Claude Juncker (CSV), qui les a reçus un mois plus tard, le 12 juin. S’en suivit un échange de lettres, le chef du gouvernement promettant à la CGFP, dans un courrier reçu vendredi dernier, que l’étude préalable de la commission d’experts sur la structure des salaires, les carrières, les diplômes, les compétences, les acquis professionnels… en vue d’une telle révision générale serait achevée d’ici l’année prochaine. 

Il n’en fallait pas plus pour calmer le comité fédéral de la CGFP. Lundi lors d’une conférence de presse, il s’est montré extrêmement conciliant, satisfait de disposer désormais d’un calendrier. « C’est un progrès énorme, le gouvernement a répondu positivement à la première de nos revendications, » dit Romain Wolff, le secrétaire général, selon lequel cette étude permettra au prochain gouvernement de prendre très vite les mesures qui s’imposent. Des secteurs ou carrières qui seraient prioritaires ? Romain Wolff ne veut en nommer aucun, « une révision générale devrait appor­ter un plus à tout le monde ». À sa gauche, lundi, Michel Cloos du Syndicat national des enseignants (SNE), restait muet ; ses membres risquent de faire grève à la rentrée si le médiateur Alain Meyer ne trouve pas de sortie de l’impasse dans le différend qui oppose les enseignants au gouvernement. Comme toujours, le CGFP sera solidaire. C’est sa force. Le prochain ministre de la Fonction publique en tout cas héritera d’une bombe à retardement. Et celui-ci a eu sa peau sauvée par son chef. 

josée hansen
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