Congrès national du parti socialiste dimanche : la réforme des pensions était au cœur des débats

L’ADN socialiste

d'Lëtzebuerger Land vom 31.03.2011

Le bien-être, c’est décidément le terme de l’année. Le parti socialiste surfe maintenant aussi sur cette vague hédoniste et a placé son congrès national sous ce mot d’ordre. C’était dimanche dernier au hall polyvalent de Schifflange. La résolution du LSAP avait pour générique : « Pour le bien-être dans une communauté solidaire ». Il y eut d’abord les bonnes paroles des dirigeants du parti, ensuite la résolution fut présentée sous une forme décontractée, les orateurs avaient choisi un mix de jeu de rôle et d’interview, où la reine du divertissement, Cécile Hemmen, tentait éperdument de diriger l’attention des spectateurs sur les commentaires de ses interlocuteurs. C’était peine perdue, le brouhaha de la salle, renforcé par la mauvaise acoustique propre aux halls polyvalents, fut sans pitié pour les oreilles des militants.

Lorsque le micro fut libéré pour les délégués de la salle, les intervenants ne firent pas de quartier non plus au ministre de la Sécurité sociale, Mars di Bartolomeo. Il fut invectivé de vouloir le démantèlement social à cause de sa réforme des retraites. Il avait commis l’erreur de ne pas avoir attendu la tenue du congrès avant d’en dévoiler les grandes lignes. Les militants avaient sans doute été encouragés par le ministre des Affaires étrangères Jean Asselborn qui, juste avant l’ouverture des débats, avait décrit les socialistes comme des contestataires qui n’étaient pas dressés pour obéir, comme le prouvait d’ailleurs l’ADN de son parti. Pour être tout à fait franc, il l’avait dit dans un autre contexte, lorsqu’il s’était indirectement adressé à son partenaire de coalition, le parti conservateur CSV, lui rappelant qu’avec les socialistes, il fallait « argumenter et discuter ». Autant dire que les membres du LSAP n’ont plus très envie de considérer l’accord de coalition, conclu il y a deux ans avec le CSV, comme étant la « bible » du gouvernement, immuable et inaltérable.

Bref, Mars di Bartolomeo en a eu pour ses frais. « Travailler plus pour gagner … tout au plus la même chose, » déplora Dan Kersch, le président du Syvicol. Cette expression assassine faisait d’autant plus mal qu’elle fait référence aux propos bien connus du président français Nicolas Sarkozy. Ces critiques furent reprises par la présidente des Jeunesses socialistes, Taina Bofferding pour laquelle le changement démographique ne justifie pas le démantèlement social. Mettant ainsi en doute le but affiché de la réforme par le ministre, qui est, selon lui, de permettre aux générations futures de maintenir le système des pensions, tout en tenant compte du vieillissement de la population. Or, Taina Bofferding lui répondit qu’elle ne voyait pas où se trouvait ici la solidarité entre les générations, faisant partie de ceux qui, « pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, doivent s’attendre à moins de bien-être que leurs parents ». Pour un étranger, ce discours doit sonner bizarre.

Vu de l’intérieur, il l’est tout autant lorsqu’il se limite au seul sujet des pensions. Cependant, placés dans un contexte de chômage des jeunes et d’emplois précaires en constante augmentation, d’intentions de réduire les salaires de base dans la fonction publique et surtout de flambée des prix sur le marché du logement, ces propos rejoignirent un peu ceux de Luc Mousel, qui parla d’une société à trois vitesses, où les jeunes sont laissés pour compte, en manque de perspectives.

N’en jetez plus ! Mars di Bartolomeo rétorqua qu’il ne se laissait pas traiter de Pinocchio, tout en essayant de calmer les esprits : « Il ne faut pas avoir peur des réformes aussi longtemps que nous menons les opérations. Ce n’est que lorsque nous laissons faire les autres que nous devons nous inquiéter. » Et de poser la question – rhétorique – de savoir s’il était vraiment mal de vouloir organiser un système pour les générations futures, qui soit « semblable à celui que nous connaissons ».

La réforme de la fonction publique fut un des points relevés notamment par le président du parti, Alex Bodry, qui maintint que le Luxembourg avait besoin d’une administration efficace, à l’écoute du citoyen et non d’un « monstre de bureaucratie ». De toute manière, le Luxembourg n’était pas touché par une véritable politique d’austérité, dit-il, comme le subissaient pourtant d’autres pays. Tout en regrettant que le sens de la réforme n’avait pas encore été saisi par tous, il se montra persuadé qu’il fallait donc plus de sensibilisation pour expliquer les nouvelles procédures de management, qui doivent «  être en équilibre avec ce qui doit en découler. » Sans toutefois préciser ce qu’il entendait par là.

« Sur le plan national, la démarche politique du LSAP s’inscrit résolument dans le cadre d’une dynamique de réforme, » est-il écrit à la ligne 23 de la résolution adoptée par une grande majorité. À l’origine, la commission de résolution avait prévu d’y ajouter : « ancrée dans le programme gouvernemental de 2009-2014 ». Ce complément fut biffé à l’initiative des jeunes socialistes, qui ont motivé leur démarche par l’argument que le LSAP était un parti réformiste par essence et que son programme politique particulier justifiait à lui seul une politique réformiste qui pouvait d’ailleurs très bien dépasser le seul programme gouvernemental.

Le cadre est donc fixé, notamment en matière de réforme du droit à l’avortement. « Le texte du projet de loi se trouve dans la procédure législative, expliqua le président, et nous nous trouvons en face de plusieurs avis critiques qui ont été émis par des groupes dont la réputation n’est pas d’être des extrémistes. Nous ne pouvons pas les ignorer en renvoyant de façon lapidaire à l’accord de coalition. » Alex Bodry préfère donc d’abord étudier la question plutôt que de suivre l’argumentaire de son collègue du CSV, Marc Spautz, qui avait coupé court à la question en se référant à l’accord de coalition. En substance, il s’agit de la deuxième consultation obligatoire imposée aux femmes désirant avorter, qui figure dans l’accord de coalition. Or, dimanche, la résolution des femmes socialistes, qui se sont prononcées contre cette consultation obligatoire, a été adoptée à l’unanimité. Un signal fort en direction des députés, qui devront maintenant trouver une issue à cette impasse. « Il serait dommage de provoquer maintenant un blocage, » dit Alex Bodry, dont la position n’avait pourtant pas été tout aussi claire au fil de ces derniers mois. Il fit un appel à chacun de « tenter de se mettre dans la peau des femmes, obligées de prendre une décision aussi grave que l’avortement ».

Le même argument vaut aussi pour les autres questions sociétales : le mariage, le divorce, la responsabilité parentale et le droit de garde, le droit à l’adoption etc. « Sur ces dossiers aussi, il faut considérer les situations au cas par cas, et non in abstracto, maintint Alex Bodry, ce n’est pas une question arithmétique de répartition de sièges au parlement, qui est pourtant en vogue au CSV. » Plus de place au vote indépendant, donc, ce qui n’est plus tout à fait ce qui avait été décidé il y a deux ans, lorsque les partis de la coalition étaient tombés d’accord qu’ils ne laisseraient plus faire les électrons libres, votant selon leur conscience plutôt que de se plier à la position du parti. Le partenaire de la coalition appréciera sans doute peu le fait d’avoir récupéré bonnet d’âne de celui qui tente de museler ses députés et en même temps la démocratie. Mais, comme l’a encore souligné le président des socialistes, « aussi longtemps que le CSV ne compte pas 31 sièges au parlement, il devra tenir compte des positions des autres partis. »

Vers une sortie de l’énergie nucléaire en Europe ! L’opposition contre le nucléaire n’est pas un monopole des verts, est-il précisé dans la résolution adoptée dimanche, où il est rappelé qu’en 1977 déjà, le parti socialiste avait coupé court au projet de construction d’une centrale nucléaire à Remerschen en votant pour un moratoire lors d’un congrès extraordinaire. Avec une très faible majorité d’ailleurs : 153 voix contre 156. Rien de quoi vraiment bomber le torse, le résultat du vote a été loin du cataclysme. Toujours est-il que le moratoire avait eu pour effet l’abandon du projet. Avec la suite que l’on connaît : la construction d’une centrale nucléaire à un jet de pierre de la frontière, à Cattenom. Or, dimanche, les discussions se sont arrêtées là, aucune piste n’a été tracée concernant les répercussions d’un tel démantèlement sur la société, il n’y a eu aucune mise en question du mode de vie et de consommation d’énergie des citoyens. Pas même de la part des jeunes socialistes, qui semblent davantage préoccupés par le maintien du pouvoir d’achat de la population.

Les élections communales au mois d’octobre n’ont pas été un véritable sujet au congrès national, comme une réunion spéciale aura lieu le 5 mai prochain. Toujours est-il que l’enjeu est de taille pour le LSAP. Il est le parti dominant dans les communes. « La force du LSAP, c’est d’être un contrepoids au niveau local, » déclara Alex Bodry. Son but est de remporter aussi les six nouvelles communes qui, après fusion, éliront leurs représentants au scrutin proportionnel.

anne heniqui
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