Dash, Kong, Lazy, Speed... Ces termes ne vous disent sans doute pas grand-chose. Ils désignent des techniques de franchissement d’obstacles propres au parkour, une discipline qui consiste à utiliser l’architecture et le mobilier urbain pour évoluer avec grâce et vitesse. Né en banlieue parisienne au début des années 90, le parkour devient un phénomène en 2001 grâce à un film dont les précurseurs de la discipline sont les héros : Yamakasi. « Yama-quoi ? » interrogent en cœur Hugo, Valentin, Nathan et Alexia lorsque j’évoque le film réalisé par Ariel Zeitoun ; mine de rien l’un des marqueurs culturels de ma génération. Ils ont entre douze et quinze ans et font partie des « traceurs » (les pratiquants du parkour) débutants à la Kaizen Parkour Academy, à Remerschen. « Ah oui, mon père me dit tout le temps de le regarder » lâche Hugo. Méchant coup de vieux. « Eux s’inspirent plutôt des vidéos sur TikTok ou Instagram » explique leur entraîneur David Holbrechts ; qui apprenait juste à marcher lorsque le film est arrivé sur les écrans.
Comme de nombreux phénomènes urbains, le parkour s’est institutionnalisé : il a rejoint les gymnases comme celui de Remerschen, où sont disposés des obstacles de diverses hauteurs, entourés de tapis. « C’est plus sécurisé, idéal pour débuter », souligne David. En cette soirée d’apprentissage, les jeunes traceurs s’entraînent à franchir une série d’obstacles dans un mouvement à mi-chemin entre le saute-mouton et le cheval d’arçons. Dans un coin, d’autres tentent de déplacer rapidement leurs camarades, étendus immobiles sur le sol. « On apprend aussi à être fort pour être utile, afin de secourir une personne blessée, un peu comme chez les sapeurs-pompiers », explique le coach. Et pas question de décourager les pratiquants, même un peu verts, de renouer avec l’environnement originel du parkour : la rue. « Il faut juste appendre à maîtriser son corps et connaître ses limites » précise Véronique Geraets, entraîneuse, dont le papa a réuni autour de lui les premiers adeptes luxembourgeois à Remich, au milieu des années 2010. La trentenaire a débuté par la gymnastique avant de se mettre au parkour. De fait, la Kaizen, tout comme No Obstacle, l’autre grande association du Grand-Duché, est affiliée à la Fédération luxembourgeoise de gymnastique (FLGYM). « C’était plutôt logique, et ça a permis d’attirer de nouveaux adeptes grâce à l’état d’esprit moins strict et plus ouvert du parkour » explique Véronique.
Liberté : une sensation qui fait l’unanimité chez les jeunes participants présents. « À l’école, on a dix minutes toutes les trois heures pour bouger, à la maison il y a les écrans, ici on se sent plus libre ! » lance Hugo, qui ne perd jamais l’occasion de pratiquer dans la rue, avec ses amis. « Maintenant on voit la ville différemment, avec plein de possibilités » indique Nathan. Les garçons s’emballent : le parkour pourrait même être utile face à un voleur ou un kidnappeur... Alexia, la benjamine du groupe, a quant à elle d’autres préoccupations : « J’ai fait de la gym et du taekwondo mais c’était trop de stress avec les évaluations, l’esprit de compétition... et puis les mouvements étaient très stricts. Au parkour, la faute n’existe pas, tu peux passer un mur de différentes manières ».
David, l’entraîneur, était footballeur avant de devenir traceur. Il a un peu le même ressenti que ses élèves : « la rivalité, la jalousie ne me plaisaient pas, et apprendre l’anti-jeu n’était pas dans mes principes » indique-t-il. Membre du comité exécutif de la FLGYM, lui et quelques autres poussent pour développer le parkour au Luxembourg, avec la création cette année d’une licence d’entraîneur et l’organisation de démonstrations. En 2020, l’association a participé à la création du premier Parkour park extérieur du pays, à Remich. Avec ses cubes de béton et ses barrières en métal, il a rapidement suscité la curiosité des enfants, dont certains suivent désormais les cours dispensés toute la semaine. Ceux-ci sont d’ailleurs adaptés à toutes les tranches d’âge ; à Remerschen, le plus vieux traceur a 55 ans. Donc, si vous souhaitez vous éclater à bondir d’obstacle en obstacle, n’hésitez pas : les seules limites sont celles de votre imagination... et de vos articulations.