France

Rentrée sous haute tension

d'Lëtzebuerger Land vom 01.09.2017

Le temps d’un été, l’étoile Macron a pâli. En tout cas aux yeux des Français. L’effondrement de sa cote de popularité en témoigne, plus forte que les baisses constatées du temps de Chirac, Sarkozy et Hollande. Si un mois après son élection, 64 pour cent des sondés se disaient satisfaits de l’action du nouvel hôte de l’Elysée (selon le baromètre Ifop-Journal du dimanche), ils n’étaient plus que 54 pour cent en juillet, et quarante pour cent en août. Le président est déjà minoritaire dans l’opinion.

Emmanuel Macron a fait une entrée remarquée sur la scène internationale, multipliant les initiatives – même si l’invitation de Donald Trump le 14 juillet a été diversement appréciée –, mais sur le front intérieur, rien n’a vraiment marché. Outre la démission du chef d’état major des armées, c’est surtout une série d’annonces budgétaires mal préparées et perçues comme injustes qui a miné la popularité de l’exécutif, celle du président comme celle du Premier ministre Edouard Philippe.

La hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), peu appréciée des retraités, avait été clairement annoncée pendant la campagne. Mais le gel rapide de l’avancement des fonctionnaires a cueilli à froid ces derniers. La baisse des dotations aux collectivités locales a été amplifiée dès cette année. Et la coupe surprise dans les aides au logement, touchant les plus modestes et beaucoup d’étudiants, a donné l’image d’un pouvoir insensible aux inégalités, alors que l’impôt sur la fortune (ISF) va bien diminuer en 2018. De quoi mécontenter de larges pans de la population, une situation universitaire tendue s’ajoutant à cela, avec plus de 6 000 étudiants toujours sans affectation fin août, même si le problème, structurel, est antérieur à l’élection du nouveau président.

Et parmi les économies budgétaires voulues dès cette année pour respecter la limite de trois pour cent du déficit public, la réduction du nombre de « contrats aidés » (45 000 signés en 2016, 320 000 prévus cette année) a amplifié en août la déception ambiante. Ces contrats subventionnés par l’État bénéficient à des chômeurs pour des tâches souvent essentielles à la vie collective. Ainsi, dans les écoles, la restauration, la surveillance, le nettoyage ou l’encadrement des activités périscolaires. Or l’arbitrage de dernière minute, entraînant la non-reconduction de milliers de contrats, a été annoncé à quelques semaines de la rentrée scolaire.

Nombre de collectivités en ont été déstabilisées, la rentrée ayant même dû être reportée de cinq jours dans l’île de la Réunion ! Sans compter le sort de ces personnes qui touchaient 650 euros par mois et vont devoir rester chez elles…  dans un contexte où les signes de reprise n’ont pas d’effet sur l’emploi : le nombre de chômeurs a encore augmenté en juillet, de 34 900 personnes, soit un total de 3,52 millions qui se rapproche du record de février 2016 (3,59 millions). On apprenait au même moment que la France était restée championne d’Europe du versement des dividendes aux actionnaires au deuxième trimestre 2017.

Cette multiplication de mesurettes et d’annonces confuses a donné la fâcheuse impression d’une pratique politique à l’ancienne, bien loin de la grande vision rénovatrice que promettait d’incarner Emmanuel Macron lors de la campagne. Un désordre qui reflète le fait que le président ne s’appuie pas sur une base sociale réellement solide. Au gouvernement, il manque singulièrement de ministres à la notoriété ou au poids politique forts. Et à l’Assemblée, les élus En Marche sont apparus très en retrait, donnant l’impression d’être aussi transparents qu’ils sont nombreux, quand 17 députés « insoumis » ont davantage capté l’attention que 310 macronistes…

Dans ce cadre, la loi travail, dont la version définitive des ordonnances devait être dévoilée jeudi
31 août par Muriel Pénicaud, va être une étape cruciale. La ministre du Travail a eu beau assurer au Monde qu’« il n’y aura pas de casse sociale, c’est l’inverse », beaucoup en doutent, et pas seulement la gauche radicale. Ainsi François Hollande est sorti pour la première fois de son silence depuis son départ de l’Élysée pour lancer cet avertissement : « Il ne faudrait pas demander des sacrifices aux Français qui ne sont pas utiles (…) Il ne faudrait pas flexibiliser le marché du travail au-delà de ce que nous avons déjà fait, au risque de créer des ruptures ».

Les plus ardents opposants à la réforme descendront, eux, dans la rue les 12 septembre (à l’appel du syndicat CGT) et 23 septembre (à l’appel de la France insoumise), Jean-Luc Mélenchon ayant même adressé comme message à son mouvement qu’il devait se comporter « comme une force prête à gouverner dès demain ». Emmanuel Macron a senti le danger et l’Élysée assure qu’il va adapter sa communication. Contrevenant déjà à sa promesse de ne pas parler de politique intérieure à l’étranger, il a abordé la question lors son voyage en Europe de l’Est, assurant vouloir « profondément changer les structures économiques et sociales », même si « les Françaises et les Français détestent les réformes ». Est-ce bien le meilleur message pour reconquérir leur confiance ?

Emmanuel Defouloy
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