Retraites

Vieillissement actif

d'Lëtzebuerger Land vom 24.02.2012

Le 16 février, Laszlo Andor, le commissaire européen à l’Emploi, aux Affaires sociales et à l’Inclusion présentait le très attendu Livre blanc sur les retraites. Sa publication, qui coïncide avec le début de l’Année européenne du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle, s’appuie sur les résultats d’une vaste consultation lancée en juillet 2010.

Les conclusions en sont très inquiétantes. « Si l’Europe ne parvient pas à garantir, aujourd’hui comme demain, des pensions décentes, des millions de personnes âgées connaîtront la pauvreté » prévient le commissaire, un économiste socialiste hongrois. Un quart des Européens, soit 120 millions d’habitants, sont déjà à la retraite.

On savait depuis longtemps que l’évolution démographique en Europe remettrait en cause le financement des systèmes de retraite fondés sur la répartition. Mais la crise financière de 2008 pose aussi la question de la viabilité des retraites par capitalisation.

La situation démographique du Vieux Continent, jamais aussi bien nommé, ne s’arrange pas. L’année 2012 marquera même un tournant : la population âgée de 20 à 59 ans va commencer à baisser alors qu’elle avait constamment augmenté depuis la seconde guerre mondiale. Parallèlement, les Européens âgés de plus de 60 ans seront 2 millions de plus chaque année, contre moitié moins depuis vingt ans. De ce fait le « ratio de dépendance » qui rapporte les plus de 65 ans à ceux qui sont âgés de 15 à 64 ans va doubler d’ici à 2050, passant de 26 à 50 pour cent

Si l’on ajoute que la montée du chômage réduit les cotisations, il devient intenable de faire financer des retraites « adéquates, viables et sûres » par les seuls actifs, une situation prévue de longue date mais qui s’aggrave. Selon une étude de l’assureur Aviva, l’écart entre les attentes de l’ensemble des citoyens européens et ce qu’ils devraient réellement percevoir à l’âge de la retraite est estimé à 1 900 milliards d’euros.

Problème : les systèmes par capitalisation, que l’on pensait être la solution, ont aussi de plomb dans l’aile. La crise financière a laminé la valeur des placements des fonds de pension. De fin 2007 à fin 2010, la baisse de leurs actifs a été de 5 à 20 pour cent selon les pays, avec des pointes à 50 pour cent pour certains fonds en Irlande. D’autre part, le rendement des placements se réduit. Le problème n’est pas circonscrit aux pays anciennement dotés de fonds de pension comme les Pays-Bas ou le Royaume-Uni. Il devient particulièrement grave dans les pays d’Europe centrale et orientale qui ont fait le choix, à la fin des années 1990, de systèmes de retraite obligatoires par capitalisation.

Le Livre Blanc propose une stratégie destinée à « accompagner et à compléter » les réformes nationales en matière de retraite. M. Andor a tenu à rappeler que les mesures proposées ne sont que des recommandations puisque la Commission européenne n’a aucun pouvoir pour légiférer sur les systèmes de retraites, qui restent de la compétence des gouvernements.

En ce qui concerne les systèmes de répartition, la Commission préconise en priorité, et sans surprise, de reculer l’âge légal de départ en retraite, en précisant toutefois que les limites d’âge ne peuvent pas être les mêmes pour tous les États, en raison de démographies différentes.

Pour y parvenir les seniors doivent pouvoir rester davantage dans le monde du travail. La Commission européenne plaide donc pour une amélioration du taux d’emploi des 55-64 ans : il est actuellement de 46,3 pour cent mais varie fortement d’un pays à l’autre. Si la Suède peut se prévaloir d’un taux record de 70,5 pour cent, l’Allemagne et les Pays-Bas sont entre 54 et 58 pour cent tandis que l’Italie, la France, la Belgique et le Luxembourg, comme la plupart des pays d’Europe de l’est sont au-dessous des 40 pour cent

Il convient de limiter l’accès aux dispositifs de retraite anticipée, mais surtout d’améliorer les conditions de travail des seniors en les adaptant à leur état de santé et de lever tous les verrous à leur emploi : meilleur accès à la formation continue, possibilité de concilier travail et retraite. Des mesures fiscales et sociales doivent inciter les seniors à travailler plus longtemps, ce à quoi ils semblent disposés (voir encadré) et les entreprises à les garder. Les ressources du Fonds social européen peuvent être mobilisées pour y parvenir. L’expérience montre que le travail des seniors ne se fait pas au détriment de celui des jeunes : les pays du nord de l’Europe sont ceux qui ont à la fois les taux d’emploi des jeunes et des seniors les plus élevés.

Le Livre Blanc note que, si en moyenne les retraités ont des revenus satisfaisants (94 pour cent du salaire moyen), les montants des pensions versées aux femmes sont très inférieurs à ceux des hommes, à telle enseigne qu’un quart des femmes de plus de 75 ans vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Leur taux d’activité entre 55 et 64 ans est de 16 points inférieur à celui des hommes (38,6 pour cent contre 54,6 pour cent). La Commission suggère d’aligner l’âge de départ à la retraite des femmes sur celui des hommes, mais plus largement de favoriser leurs évolutions de carrière et de revaloriser leurs salaires.

Concernant les systèmes de retrai-te par capitalisation, complémentaires de ceux qui sont fondés sur la solidarité entre générations, la Commission européenne estime qu’il faut continuer à les encou-rager. Dans un grand nombre de pays d’Europe (France, Allemagne, Espagne, Belgique, Luxembourg par exemple) les fonds de pension sont encore sous-développés, avec des actifs inférieurs à 10 pour cent du P.I.B (contre 73 pour cent au Royaume-Uni et 130 pour cent aux Pays-Bas).

L’épargne individuelle consacrée à la retraite doit être davantage favorisée, notamment sur le plan fiscal et pour y parvenir la Commission propose de mettre en place un « plan de travail » avec les Etats membres.

Mais pour convaincre les épargnants, il faut aussi mieux sécuriser leurs versements. « Nous devrions porter un regard nouveau sur la connexion entre marchés financiers et fonds de pension, pas dans la perspective de réduire leur taille mais de revoir leur fonctionnement », a déclaré Laszlo Andor, laissant entendre que Bruxelles travaille sur une nouvelle réglementation des fonds de pensions privés (révision de la directive sur les institutions de retraite professionnelle, garanties en cas de faillite des employeurs).

Georges Canto
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