Performance énergétique AAA

Construire autrement pour habiter « durablement »

d'Lëtzebuerger Land vom 25.02.2010

« Wohnst du noch oder lebst du schon ? » Telle est l’interrogation un brin provocante que lance dans ses affiches publicitaires le géant suédois du mobilier, Ikea, à l’adresse de ses clients et aspirants clients. La question peut paraître saugrenue. Et certes, elle est soulevée à des fins purement commerciales. Et pourtant, sans user et abuser de jeu de mots à trois sous, certains maîtres d’ouvrage, de plus en plus nombreux, sont amenés à se la poser.

À une époque où écologie et éco­no­mie(s) apprennent tout doucement à s’apprivoiser pour, un jour peut-être, se conjuguer, contribuer activement au respect de la nature, à la préservation des ressources épuisables que sont les énergies fossiles, à la promotion d’approvisionnements en tous genres par les énergies renouvelables, par le biais d’une habitation dite « passive », laquelle n’est plus l’affaire d’un noyau dur d’écolos ou d’alter-mondialistes. Signe de l’évolution des mœurs et des mentalités, il est le souci des ménages de plus en plus enclins à s’investir dans la gestion énergétique de leur propriété, mais aussi – bien qu’à très moindre échelle – dans celle de leur environnement. Il s’agit donc bien d’un phénomène, et non d’une simple tendance, balayée par la prochaine mode, qui gagne sans cesse du terrain.

Mais, au fait, qu’est-ce qu’une maison dite « passive » ? Pour les néophytes, peu ou prou chevronnés en matiè-re de construction de bâtiments, un éclaircissement s’impose. Sur un plan purement étymologique, la réponse est la suivante : il s’agit d’une maison qui « subit », qui n’est pas active. Ce qui n’est pas tout à fait correct, mais pas complètement faux non plus.

« Une maison passive, explique Paul Maje­rus, architecte conseiller en énergie, membre de l’Ordre des Archi­tectes et Ingénieurs-Conseils du Grand-Duché de Luxembourg (OAI), est une maison qui ne nécessite aucune source ‘technique’ d’énergie (cf. énergies fossiles), mais dans le cas idéal en produit elle-même. Cela présuppose que l’on crée et réunit, lors de la construction ou de la transformation, les conditions nécessaires à la sauvegarde, respectivement la production d’énergie, à savoir : une situation de la construction stratégiquement articulée conjuguée à une excellente isolation de l’enveloppe thermique. »

Sur le certificat de performance énergétique obligatoire depuis le 1er janvier dernier, les maisons dites « passives » sont classées AAA – meilleure note possible –, le premier A correspondant au coefficient de performance énergétique, le deuxième à celui de la capacité d’isolation et le dernier à son taux d’émission de CO2. Mais qu’est-ce qui fait de ces constructions les championnes toutes catégories ? Et en quoi ces maisons « passives » se distinguent de leurs « jumelles » de construction conventionnelle que l’on associe parfois maladroitement à une structure massive ?

Il y a d’abord cette situation, cette orientation de l’objet qui lui permettra de savamment utiliser – et non exploiter – les sources d’énergie que la nature met à sa disposition (soleil, vents, …). À cet effet, l’architecte prévoira des fenêtres orientées Sud pour favoriser et faciliter les gains en énergie solaire et évitera tant que possible toute ouverture côté Nord ,pour contrecarrer des pertes énergétiques inutiles. Car, l’un des principes maîtres en architecture est celui du Sud, véritable générateur de « carburants », et du Nord, ravisseur de ces richesses.

D’autre part, stipule le règlement grand-ducal du 20 avril 2009 pour l’utilisation rationnelle de l’énergie et la mise en valeur des énergies renouvelables, « une installation de ventilation contrôlée avec système de récupération de chaleur doit faire partie du projet (de toute maison individuelle ou à appartements à performance énergétique élevée), apte à contrôler le renouvellement d’air pendant la période de chauffe. (…) En outre, la maison doit être certifiée étanche. Plus précisément, un test d’étanchéité doit être réalisé pour une différence de pression de 50 Pascal et l’échange d’air sous ces conditions doit rester inférieur à 0,6 1l/h1. »

« Ce système de ventilation, poursuit Paul Majerus, doit fonctionner de façon autonome, sans pour autant constituer une véritable contrainte pour les habitants de la maison et pouvoir s’adapter à leur mode de vie. Il doit pouvoir opérer de telle façon que si les occupants décident par exemple d’aérer eux-mêmes leur habitation, l’installation sera en mesure de pallier à un éventuel déséquilibre dans la circulation et la gestion de l’air et de ne pas donner lieu à des dysfonctionnements. »

Autre point crucial de la construction passive, selon l’architecte : une géométrie simple, compacte, homogène. Une architecture monolithique, puriste, diraient les spécialistes contemporains, car plus apte à soutenir énergétiquement le projet d’une bâtisse à basse, voire très basse consommation d’énergie. Faisant fi des préjugés qui n’ont pas encore fini d’enceindre le « mythe » des maisons « vertes », faussement réputées pour leur physique peu attrayant, et compte tenu des « habits » que revêt l’architecture contemporaine, la mission du concepteur s’avère aujourd’hui tout à fait possible, lorsqu’il s’agit de faire cohabiter esthétique et écologique sous un même toit. « Esthétique et écologique sous un même toit. Voilà qui pourrait être une définition d’architecture moderne », en déduit M. Majerus.

Outre la forme du bâtiment, il est tout autant important que le « fond », le « contenu » de celui-ci soit en phase avec une logique de développement durable. Privilégier des matériaux écologiques, de proximité, comme le bois – ressource naturelle renouvelable par définition – ou le verre, est une autre de ces conditions nécessaires à l’élaboration d’une construction à haute performance énergétique.

Mais ce projet n’est pas, ou plutôt ne doit pas être le dessein du seul « responsable de chantier ». Il doit s’agir d’un « bébé » que maître d’œuvre et maître d’ouvrage porteront ensemble, de sa conception à sa « naissance ». Dans cette optique, il est donc nécessaire que les deux parties partagent une mentalité, une philosophie similaire pour mener à bien et à terme ce projet de construction.

1 C’est-à-dire que le volume d’air échangé ne doit pas dépasser 60 pour cent du volume d’air total de la maison en une heure.
Samuelle Konsbruck
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