Le professeur de droit, avocat et président de l’association luxembourgeoise de l’arbitrage, André Prüm, détaille « son » projet de loi modernisant cette justice parallèle destinée à la communauté d’affaires… avec des incursions anthropologiques, historiques et philosophiques

«  Initiative purement privée  »

André Prüm, dans les locaux de l'Université du Luxembourg rue Alphonse Weicker
Foto: Sven Becker
d'Lëtzebuerger Land vom 25.06.2021

Nous rencontrons André Prüm mardi après-midi en son bureau de l’Université rue Alphone Weicker au Kirchberg. Dans ce bâtiment aux lignes apurées dessiné par Richard Meier où siège aussi l’Institut Max Planck de droit procédural et réglementaire. L’antenne luxembourgeoise de la fondation allemande travaille entre autres sur l’arbitrage au même titre que certains avocats de la bâtisse voisine, l’imposant siège d’Arendt&Medernach, le plus gros cabinet luxembourgeois et le plus gros pourvoyeur d’arbitres selon la liste présentée sur le site de l’association luxembourgeoise d’arbitrage qu’André Prüm préside. Le lobby organisera le 30 juin sa deuxième journée thématique après une première édition en 2019. L’avancement des travaux parlementaires (projet de loi 7671) sur la modernisation de l’arbitrage donne un coup d’accélérateur à l’ambition de faire du Luxembourg un centre international d’arbitrage, à l’instar de Singapour, modèle souvent cité. 

d’Land : Monsieur Prüm, les tribunaux d’arbitrage et la possibilité de régler des litiges commerciaux en dehors des instances judiciaires publiques ont défrayé la chronique dans le cadre des négociations sur les traités de libre échange ces derniers années. Aujourd’hui le gouvernement s’engage à faciliter l’accès à cette justice privée et un projet de loi est discuté à la Chambre. Pourquoi un tel texte ?

André Prüm : Là vous parlez de l’arbitrage très largement. Existent différents types d’arbitrage. Les arbitrages qui impliquent des États et notamment l’arbitrage d’investissement sont ceux en question dans ces polémiques. Notre projet de loi… (il se reprend, ndlr) le projet de loi du gouvernement luxembourgeois concerne l’arbitrage traditionnel avec le souhait de voir se développer le Luxembourg comme un des centres d’arbitrage pour le commerce international, entre entreprises principalement. 

Pourquoi « principalement » ?

Cela peut concerner des individus, des actionnaires, des individus dans leur activité professionnelle. Cela peut aussi concerner des organisations internationales lorsqu’elles agissent comme des acteurs économiques ordinaires.

Quels types de litiges sont tranchés via cette procédure ?

Typiquement les litiges entre actionnaires. Souvent dans des sociétés vous avez des pactes d’actionnaires qui donnent lieu à des différends. Les structures de private equity génèrent des difficultés qui se prêtent bien à l’arbitrage. Il s’agit de disputes commerciales classiques : des contrats de vente compliqués, des contrats de construction d’usine… Les opérations d’import-export, le négoce de matière premières, les fusions-acquisitions (avec des garanties de passif), etc. 

L’abondance de Soparfis constitue un terreau fertile…

Potentiellement un certain nombre de sociétés luxembourgeoises sont impliquées dans des litiges  presque toujours internationaux par nature puisque l’investisseur n’est pas local, le capital est généralement étranger. Mais on voit aussi des sociétés de ce type parties à des arbitrages qui se déroulent à l’étranger ou sous des règles étrangères puisque les règles, choisies, ne dépendent pas nécessairement du lieu de l’arbitrage. On voit des entreprises luxembourgeoises parties à des procès à l’étranger que le juge étranger doit apprécier sur base de rapports d’expertise. Ce sont des litiges pour lesquels un arbitrage luxembourgeois aurait un intérêt. 

Tel est donc l’objet de cette révision du nouveau code de procédure civile ? 

Oui. Il date de 1806… on a un chapitre sur l’arbitrage qui remonte essentiellement à cette époque. Il a été modernisé à deux reprises et les retouches ont été relativement superficielles. Les règles ne sont pas mauvaises en tant que telles. Le projet de loi ne change pas leur philosophie. Mais elles restent très succinctes. Elles ne règlent pas certains cas de figure qui posent des difficultés. Elles n’offrent pas de solution de secours lorsque les parties n’ont pas réglé le détail de l’arbitrage. Elles ne leur offrent pas non plus de solution de repli lorsqu’elles n’ont pas pris soin de préciser certaines choses.

C’est le recours au juge d’appui…

Je pense qu’il ne faut pas voir l’arbitrage comme une justice concurrente à la justice étatique. Elle est complémentaire. Évidemment des litiges qui sont traités entièrement par un arbitrage ne finissent plus devant la justice étatique.

Mais il n’y a aucune affaire traitée en arbitrage qui ne pourrait l’être devant le tribunal commercial ?

Non. Non. 

C’est pour soulager la justice publique…

Oui. Et le cas échéant avoir le Luxembourg comme lieu de résolution des différends alors qu’autrement ce serait une juridiction étatique mais pas nécessairement luxembourgeoise. Mais aussi pour éviter que les entreprises soient obligées de plaider à Londres par exemple. 

L’arbitrage est plus rapide mais plus cher que la justice publique, n’est-ce pas ?

Cela dépend. Un arbitrage complexe serait plus cher qu’une procédure ordinaire à Luxembourg, mais sans doute moins cher qu’une procédure qui sera engagée à Londres ou à New York. Cela dépend du coût de la justice. Dans le cas d’un arbitrage, on paie les avocats et les arbitres. Mais, à Londres, on paie la justice aussi quand on la met en exercice. Un procès qui traîne devant une juridiction étatique, qui donne lieu à de multiples échanges de conclusions entre avocats, pendant deux, trois, voire quatre ans, qui va ensuite en appel ou en cassation. C’est cinq ou six ans au mieux. Un arbitrage est réalisé entre six mois et un an. Et le nombre d’écritures des avocats peut être limité. Je tends à penser que l’arbitrage est moins cher.

Et il est confidentiel…

Pas nécessairement. 

C’est un atout vanté régulièrement.

Oui… La justice étatique est rendue publiquement. L’arbitrage est le plus souvent confidentiel, mais il ne l’est pas nécessairement. Les parties peuvent décider que la sentence arbitrale soit rendue publique. 

De toutes façon, les parties choisissent les règles. Via l’introduction d’une clause compromissoire, elles choisissent lors de leur entrée en relation de régler un éventuel litige via l’arbitrage…

Oui, elles peuvent le prévoir. Mais elles peuvent aussi, quand le litige apparaît et à défaut de clause compromissoire, s’entendre à ce moment-là. 

Qui sont les arbitres ? 

Cela dépend du type de litige. Un litige de responsabilité dans un domaine très technique, vous avez peut-être intérêt à nommer quelqu’un qui s’y connaît bien. 

Ce sont des avocats ?

Pas obligatoirement. Il y a toujours des juristes parce qu’il y a une procédure juridique à gérer. Mais sur un contrat financier complexe, cela peut être tout à fait intéressant pour les parties de désigner deux financiers et un juriste, ou l’inverse. Si vous allez devant un tribunal étatique, au Luxembourg les juges ne sont pas hautement spécialisés. Ils n’ont pas le même degré de spécialisation que des praticiens ou des universitaires.

Y-a-t-il un réservoir d’arbitres ?

Nous avons un écosystème. Il suppose aussi des arbitres. Il faut des règles dans le nouveau code de procédure civile qui fonctionnent. Il faut idéalement un centre d’arbitrage. Il faut de bons arbitres. Pour en avoir, il faut les former et c’est un des rôles de l’Association luxembourgeoise d’arbitrage (Ala), justement, que de sensibiliser des jeunes et moins jeunes juristes. Lors des deuxièmes journées de l’arbitrage au Luxembourg, on organise des formations. Un des buts de l’Ala c’est d’avoir un réservoir d’arbitres de plus en plus large et de plus en plus compétent. 

À côté des cabinets juridique, la Cour de Justice de l’Union européenne, la Cour de l’Efta, le parquet européen… sont-ils des pourvoyeurs ? 

Oui on a d’anciens juges de la CJUE. J’en ai vu dans plusieurs arbitrages. 

L’Ala a été créée en 1996…

J’étais né mais je n’ai pas commencé à la présidence. L’association a erré pendant plusieurs années avant que Guy Harles (associé fondateur d’Arendt & Medernach, ndlr) ne la ranime voilà trois ans. Il m’a demandé de prendre le relais et j’ai pris ces fonctions il y a six mois.

Pourquoi tout ce temps a-t-il été nécessaire à cette association, dont l’objet est de faire du Luxembourg un centre d’arbitrage, pour faire passer cette loi fondamentale ? Quels étaient les blocages ?

Est-ce le seul sujet sur lequel on est lent au Luxembourg ? 

Disons que c’est assez étonnant dans la mesure où Luc Frieden a été ministre de la Justice, puis ministre des Finances et qu’il soutient aujourd’hui l’initiative en tant que président de la Chambre de commerce… 

Il aurait mieux fait d’agir avant. (Il rigole) Le projet, on l’a développé dans le think tank dont je fais partie. Ce n’était pas exagérément compliqué, d’ailleurs c’est assez particulier. C’était une initiative purement privée (la bio d’André Prüm sur le site de l’Université recèle une douzaine de projets de lois qu’il a écrits, dont celui sur l’exploitation des ressources spatiales, souvent à la demande de l’exécutif, ndlr). On a apporté ce projet au ministère de la Justice, le texte tout fait, en disant, ‘voilà ne vous posez plus de question’ (sourire). 

À Félix Braz…

Oui. Il était enchanté qu’on lui apporte un texte sur un plateau qu’ils ont repris à l’identique. On avait bien sûr sondé le terrain auparavant pour savoir s’il était réceptif à une telle proposition. 

Oui, puisque c’est intégré à l’accord de coalition… Les arbitres doivent ils signaler aux autorités tout soupçon d’infraction pénale ?

Le cas de figure peut effectivement se présenter que dans le cadre de l’instruction du dossier, on découvre que des choses n’ont pas été correctes et qu’elles méritent même éventuellement une qualification pénale. Il n’y a pas d’obligation de le signaler à ce moment-là au parquet. Mais je n’ai jamais vu ou entendu un cas de ce type. Je ne pense pas qu’on recherche la confidentialité de l’arbitrage pour traiter de dossiers qu’on voudrait voir échapper à la justice étatique.

Pas à propos, mais de facto…

En présence d’un différend entre deux parties, quand l’une pense que l’autre l’a escroquée, dans le sens très large sans qualification précise, et qu’elle veut se voir indemniser, est-ce que cette partie a vraiment intérêt à saisir le tribunal commercial ou civil ou est ce qu’elle n’a pas intérêt à saisir le parquet pour qu’il y ait une enquête pénale ? Dans notre système judiciaire, si vous portez plainte avec constitution de partie civile, vous obtenez l’aide du juge d’instruction. Devant la justice civile, vous devez tout démontrer vous-même. 

Oui, mais le gros inconvénient de la justice étatique, c’est la lenteur. Un tribunal d’arbitrage permet d’accéder plus facilement à l’indemnisation du dommage ressenti.

Je comparerais entre un arbitrage et une procédure devant une juridiction civile ou commerciale en présence d’un soupçon d’infraction pénale. Je ne pense pas que l’arbitrage présente un avantage. En cas de soupçon d’escroquerie, on n’irait pas devant le juge civile et commercial, mais devant le juge pénal. L’arbitrage n’est pas une façon d’échapper à une condamnation pénale. La confidentialité est, elle, intéressante quand vous avez un secret d’affaires qui n’est pas totalement protégé par un brevet. Vous ne voulez pas qu’il soit étalé sur la place publique. Vous avez un pacte d’actionnaires tout à fait légal et légitime, mais vous avez un arrangement qui n’est pas dans les statuts et vous voulez que ça reste discret. 

Est-ce qu’une prégnance de plus en plus importante du monde des affaires expliquerait que les centres d’arbitrage internationaux se développent dans des petites juridictions pas très démocratiques comme Singapour ou Dubaï ?

Par rapport à Londres et New York, ce sont de toutes petites places d’arbitrage. Elles essaient de se positionner. Les grands centres sont la Chambre de commerce internationale à Paris, le centre d’arbitrage de Londres ou celui de New York. Vient ensuite l’arbitrage en Suisse pour la neutralité du pays.

Singapour est cité régulièrement… notamment par l’ancien bâtonnier François Kremer.

Quels sont les composants dont vous avez besoin pour qu’il y ait de l’arbitrage ? Hormis l’écosystème cité précédemment. Il faut que l’une ou l’autre des parties ait un lien avec le lieu ou que les deux parties considèrent que le lieu est plus neutre pour les deux. C’est typiquement la configuration suisse, mais cela pourrait être une considération typique aussi pour le Luxembourg. Le Grand-Duché est un petit pays neutre. Nous sommes certes affilié au système de pays civilistes, mais on est ouverts vers l’Allemagne, vers l’Angleterre et vers l’Europe tout entière.

Disposons-nous de statistiques sur le nombre de litige réglés annuellement par cette procédure au Luxembourg ? 

Non. J’ai essayé d’obtenir de la Chambre de commerce des chiffres, mais on n’en a pas. 

La Chambre de commerce, parce que c’est elle qui organise les arbitrages…

En grande partie. Les règles d’arbitrage de la Chambre de commerce sont fréquemment utilisées. Elles complètent le code de procédure civile et elle offre un service. Le code lui-même est statique. C’est l’encre, mais pas les hommes. La Chambre de commerce offre des règles et le service qui va avec : la désignation d’un arbitre lorsque les parties ne s’entendent pas sur la désignation du président, la relecture des décisions avant qu’elles ne soient définitivement prises ou encore la logistique, de fourniture d’un lieu, de traduction, etc. Du coup, pas mal d’arbitrages qui se font à Luxembourg passent par la Chambre de commerce.

Et l’organisation n’est pas en mesure de fournir de chiffres…

Non. Ce que j’entends dire c’est que le nombre augmente sensiblement. Mais on le dit à la Chambre de commerce internationale de Paris… Il y a un élan pour l’arbitrage depuis une quinzaine, vingtaine d’années. Le Luxembourg est peut-être un peu en décalage. Cela a pris un peu plus tard.

On parle d’une « faveur générale » dans l’exposé des motifs du projet de loi…

Oui. Si vous voulez être plus précis. Il vous faudrait des données chiffrées. On sait qu’il y en a plus, mais on ne peut pas mettre de chiffre sur la table. 

Et à l’étranger, on a des statistiques ?

La Chambre de commerce internationale communique sur environ 900 demandes d’arbitrages à Paris en 2019. Vingt ans plus tôt, on était aux alentours de 150. Il y a un engouement net. 

L’idée c’est historiquement de régler les conflits entre pairs…

L’arbitrage a commencé autour du négoce de matières. On peut trouver des formes d’arbitrage en remontant très loin dans le temps, avant même le système des juridictions étatiques. L’arbitrage organisé comme on le connait s’est développé au milieu du 18e siècle. Les commerçants en céréales, aux États-Unis, en Europe, avaient intérêt à standardiser leurs contrats pour qu’il y ait une interprétation uniforme des règles. Si on se réfère à des règles partagées du commerce, le pendant naturel c’est qu’on recourt à des arbitres qui ont l’habitude de régler ce genre de litiges. 

À la section des sciences morales et politiques de l’Institut grand-ducal que vous présidez, a été abordé le concept du droit dérogatoire dans l’intérêt économique national. Est-ce que la constitution d’un pôle d’arbitrage n’est pas une forme de droit dérogatoire, une espèce de porte de sortie au droit commun qui joue pour la compétitivité du pays ?

Dans sa contribution sur le droit commun et l’avenir du droit luxembourgeois, je pense que Patrick Kinsch fait référence à un droit des privilégiés, des règles particulières de protection des banques par exemple. On peut dire, certes, que l’arbitrage s’est développé dans un rapport de tension entre des commerçants qui avaient les moyens de faire accepter leurs règles du jeu et les États, spécialement dans les relations commerciales internationales. Les commerçants voulaient un droit qui soit largement uniformisé, qui ne soit pas différent d’un État à l’autre. D’où ce concept de lex mercatoria, de la loi des marchands, une loi transnationale. L’arbitrage fait partie de ce mouvement des commerçants internationaux pour avoir leurs propres règles du jeu. Ce n’est pas à l’encontre du droit étatique, mais c’est en autonomie par rapport à la multiplicité des droits étatiques. En arbitrage les parties peuvent convenir de donner aux arbitres la possibilité de statuer en amiable composition, c’est à dire s’en tenir aux règles de droit, mais en équité. Là aussi c’est en marge du droit étatique. 

Quels spillover effects peut-on attendre d’un tel aggiornamento ?

Je pense que c’est largement complémentaire à ce qui existe. Ce serait négatif de ne pas l’avoir. Aujourd’hui, on oblige les parties à se rendre devant des tribunaux qui ne sont pas nécessairement armés pour ces litiges. Vous savez qu’au Luxembourg, toutes les décisions sont rendues en français. Dans une procédure d’arbitrage, beaucoup de choses se passent en anglais. C’est indispensable. Puis pourquoi les obliger à aller ? Vous déplacez les avocats luxembourgeois à Londres pour expliquer aux juridictions londoniennes comment fonctionne le droit luxembourgeois. Enfin, cela fait mauvaise impression de dire qu’on a un système juridique ouvert et moderne en ayant des règles d’arbitrage qui datent de 200 ans. 

C’est donc une question de qualité du système juridique ?

Vous pouvez avoir le meilleur code civil ou la meilleure loi sur les sociétés commerciales (André Prüm a rédigé sa dernière mouture, ndlr) ou le meilleur code du commerce du monde… si le mode de résolution des conflits ne fonctionne pas derrière, vous êtes à peu près nulle part. Les Anglais le savent très bien. L’attractivité du système anglais réside plus sur la qualité des tribunaux que sur la qualité du droit écrit. Au Luxembourg, il est important que l’on fasse un effort aussi pour régler les litiges de manière efficace. On devrait réformer profondément notre justice étatique. Et on doit aussi travailler sur le mode alternatif de règlement des litiges dont l’arbitrage est le mode principal. 

Les procédures d’arbitrage ne manquent-elles pas de publicité ?

Il existe quand même une littérature scientifique sur les arbitrages, des revues spécialisées qui traitent des cas. S’il y avait massivement quelque chose qui n’allait pas, ça se saurait du grand public. Ce serait tout à fait contreproductif de garder secrète l’existence d’une bombe cachée menaçant l’ensemble du système. Je ne pense pas qu’il faille chercher derrière l’arbitrage une justice secrète. 

Peut-être pas, mais personne n’est là pour défendre l’intérêt public.

Exact. En tout cas, il n’y a pas de défense institutionnalisée de l’intérêt public. Mais il convient aussi de considérer le genre d’affaires qui sont portées devant les tribunaux arbitraux. Dans une majorité des cas, c’est une question d’interprétation d’un accord entre les parties.

 

Passé et perspectives

Les 30 septembre et 1er octobre 2021, l’Institut Max Planck Luxembourg organisera une conférence internationale sur les Tribunaux arbitraux mixtes de l’entre-deux-guerres. Mixtes en raison de leur composition (un ressortissant allié, un ressortissant d’une ancienne puissance centrale, un ressortissant neutre), ces tribunaux, au nombre d’une quarantaine, furent parmi les premières juridictions internationales à accueillir des recours de personnes privées contre des États. Les autorités françaises envisagèrent d’en faire des institutions permanentes, en y associant un petit nombre de pays jugés favorables à l’arbitrage, dont le Luxembourg. Ce projet fut cependant abandonné à l’époque du Front Populaire, car il était perçu comme risquant de porter atteinte aux réformes sociales réalisées par en France. Après la Seconde Guerre mondiale, les Tribunaux arbitraux mixtes furent invoqués comme modèle par les créateurs de la Cour de Justice de la Communauté européenne du charbon et de l’acier à Luxembourg.

Aujourd’hui le Grand-Duché se positionne sur le créneau des arbitrages commerciaux, des litiges entre banques, industriels ou fonds d’investissement. L’avocat Denis Philippe, figure tutélaire de l’arbitrage luxembourgeois vante le « Luxembourg terre d’accueil, pays pluraliste et plurilingue », doté d’une situation géographique idoine ainsi que de juristes compétents (formés partout dans le monde). « Le Luxembourg a tous les éléments pour développer l’arbitrage », explique-t-il au Land, soulignant aussi qu’on a « plus confiance dans les petits pays, car on y ressent moins d’interférences ». Dubaï et Singapour sont cités en exemple.

Pierre Sorlut
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