Valérie Conrot

Vivre son rêve

d'Lëtzebuerger Land vom 10.02.2011

Yuppie, un petit paquet ! La joie de recevoir un colis par la poste, même si on sait qu’on a payé pour cette « surprise », commandée par Internet, surfé à plusieurs reprises sur le site www.denicheuse.com, mis des objets sur sa « liste d’envies », hésité, changé, annulé, re-sélectionné d’autres coups de cœur, puis mis l’objet dans son panier et qu’on est passé à la caisse, donnant ses coordonnées postales et son numéro de carte de crédit, c’est quand même un petit moment de joie de le recevoir un jour ou deux plus tard. Une boîte en carton toute blanche, du papier de soie protège délicatement le collier en anneaux de feutres conçu et réalisé au Pérou par Vacide Erda Zimic. Dessus, une sucette colorée et quelques rubans de couleur, avec une note manuscrite de « la dénicheuse » à destination de la cliente... « Cette touche personnelle, j’y tiens beaucoup, » dit Valérie Conrot, aka « la dénicheuse ».

Durant dix ans, elle était la directrice de la communication du Mudam, elle y a connu les années de nomadisme, sans bâtiment, communiqué sur les expositions temporaires dans des banques, les participations à la biennale de Venise et l’inauguration du musée en 2005... Puis elle trouvait qu’elle avait fait le tour de la question, et que sans Marie-Claude Beaud, sa mentor sur beaucoup de plans, qui était partie fin 2008, ce n’était plus pareil, il n’y avait plus la même « ambiance électrique » et plus vraiment de défi. Alors elle est partie en juillet 2010, sans avoir de nouvel emploi. Six mois plus tard, elle vient de lancer son propre site de vente en-ligne de « petites choses » – c’est d’ailleurs le nom de sa société... Que ces objets soient beaux, pratiques ou saugrenus, elle promet en tout cas qu’ils vont « rendre la vie plus gaie, plus pétillante et plus colorée ». Des bijoux en argent pouvant accueillir des blocs Lego, des foulards conçus par la Luxembourgeoise Anne-Marie Herckes exprès pour son site, des sachets hygiéniques pour chiens, des magnets pour le frigo en forme d’app iPhone ou des sacs de potagers transportables... beaucoup de ce qu’on trouve sur le site est aussi insolite que complètement superflu – donc jouissif à acquérir.

« Il y a beaucoup de produits qui me font rire, qui me rappellent mon enfance ou qui me touchent, » explique-t-elle. Ses choix à elle, elle les fait selon ses propres envies, de véritables coups de cœur, « 90 pour cent de ce que j’ai, je l’ai découvert et acheté sur Internet, » dit-elle, soulignant qu’à partir de cette découverte, il lui importe là encore de construire une relation personnelle avec chaque fournisseur. Et qu’elle n’a jamais que des séries très limitées de chaque pièce, et quelques pièces par créateur, pour souligner l’exclusivité – et éviter qu’au Luxembourg, où est forcément son premier marché, plusieurs personnes portent par exemple le même bijou. Les prix sont raisonnables, il y a de « petites choses » à partir de quelques euros, jusqu’à 300 euros ; la plupart du temps, ils sont d’ailleurs recommandés par les fournisseurs.

« J’apprécie beaucoup ma liberté d’indépendante, » dit Valérie Conrot avec un grand sourire. À bientôt 39 ans, elle a deux fils en âge d’être scolarisés qu’elle peut voir plus souvent en travaillant chez elle aux horaires qui lui conviennent, « je peux faire mes petits paquets personnalisés le soir chez moi et les apporter à la poste le lendemain ». Monter sa propre entreprise avec tout ce que cela comporte de démarches administratives, plus lancer un site fut certes une course en quelques mois, « mais j’ai appris avec Marie-Claude Beaud qu’on pouvait réaliser plein de choses en les prenant en main » affirme-t-elle. Puis vint le doute, sur les chances de réussite, lorsque les magasins d’objets design, Usina, Hello Beluga, Boos, fermaient boutique en automne. Et s’il n’y avait pas de marché pour le design et les concept stores au Luxembourg ? Mais très vite, dès le lancement du site le 27 janvier, la dénicheuse fut rassurée : une trentaine de ventes en dix jours, et pas seulement de la part de ses amis ou de sa famille, lui redonnaient confiance.

Dès le lycée, et bien que la création d’un musée d’art moderne ne fut encore qu’une idée très controversée, « je savais que je voulais y travailler » raconte Valérie Conrot. Des études en journalisme, communication et gestion culturelle à l’ULB à Bruxelles, puis plusieurs stages spécialisés et un premier emploi à la galerie La Cité plus tard, elle atteignit son but. La liberté, c’est aussi d’avancer quand le temps est venu.

josée hansen
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