Jan Lachner

Choix de vie : une vie de choix

d'Lëtzebuerger Land vom 27.01.2012

« Découvrir », tel résume Jan Lachner, avec un aplomb rafraîchissant, l’ambition de son projet Euro-Jobs. « Plonger dans divers emplois dans différents pays, c’est comprendre autant de façons de vivre ». Le jeune homme blond caramel, vêtu tout de noir, a encore l’air un peu égaré derrière son bureau en bois jaune tout vide. C’est son premier jour à l’agence Laforêt. Pour l’heure, il reste assez sûr que son avenir sera dans le secteur de ses études, l’aéronautique, « parce que ça me passionne, parce que j’ai toujours baigné dedans ». D’où vient alors l’idée de se projeter dans d’autres vies ?

33 semaines de boulot dans 33 pays européens, voilà le plan du Franco-allemand de 24 ans, « pour promouvoir une compréhension mutuelle et une plus grande solidarité entre Européens en encourageant la mobilité et les échanges ». Il en est à la cinquième semaine, au Luxembourg, où il a choisi une agence immobilière pour l’expérience, que le projet veut typique pour chaque pays (genre barman en Irlande, pêcheur à Malte). « L’immobilier a un rapport certain avec l’argent, bien vrai, mais je l’ai choisi parce que c’est un secteur international et plurilingue reflétant le marché du travail luxembourgeois, » dit-il. Pas faux. Plus typique est toutefois que Jan Lachner, qui se loge à travers le réseau Couchsurfing, soit tombé sur l’hospitalité d’un Thionvillois employé au grand-duché. « Par hasard ! Ça m’a d’ailleurs fait rire, de voir ce que font les Français, au Luxembourg ou en Suisse, alors que le débat du ‘trop d’immigrés’ fait rage dans l’Hexagone, » observe-t-il, le sourire en coin.

Politique, le message du projet Euro-Jobs l’est sans complexe. « Je ne me sens pas étranger ici, comme je ne me suis pas senti étranger ni à Malte ni en Irlande. La question de la langue et encore moins celle des frontières, uniquement politiques, n’a aucune influence. On est tous Européens ! ». Comment expliquer alors que la mobilité des citoyens européens soit beaucoup moins importante qu’elle ne pourrait l’être ? Aux questions critiques, Jan répond du tac au tac, avec un geste désinvolte et un optimisme désarmant. « Voyager est un réflexe qu’il faut acquérir. Les gens ne bougent pas parce qu’ils n’en ont pas l’habitude. Une fois qu’on a commencé, ça devient de plus en plus facile ».

Lui, il a acquis la bonne habitude dès l’enfance. Né à Paris, grandissant à Francfort, retournant en France pour ses études, puis en Angleterre. « Je suis Européen depuis zéro ! Et je ne comprends pas les eurosceptiques, ceux qui sont contre l’euro…l’Europe permet de ne pas se cantonner au marché national ». Puis, en faisant tourner sa chaise avec une nonchalance enviable, il devient explicite : « À 27 on ne pourra jamais prendre de décisions. Il y aura toujours quelqu’un contre. Je suis pour une Europe fédéraliste ». Un message fort, en période de crise, quand certains, dont beaucoup de jeunes, mettent en cause des acquis essentiels de l’Union européenne ? « Les Munichois ont payé pour les Berlinois, pourquoi on ne ferait pas la même chose pour les Grecs aujourd’hui ? Je comprends les arguments contre, mais à un moment il faut passer l’éponge... ».

Est-ce difficile de trouver des employeurs hebdomadaires ? « C’est la règle du tiers » proclame Jan. « Au téléphone, un tiers ne comprend rien ou n’est pas intéressé. Un tiers dit non et l’autre tiers s’emballe tout de suite, dit viens. En général, une fois que les gens me voient, je suis le bienvenu »  Sa cheffe pour une semaine amène du café. « Les gens me font rapidement confiance. Je crois que je peux être décontracté tout en faisant du boulot sérieux ». En tripotant son téléphone, il lance : « Après mes études, j’ai eu, pendant un an, un poste qui ne correspondait pas à mes attentes. Alors, au lieu de faire une crise de nerfs, j’ai préféré arrêter. L’argent n’est pas tout. Puis j’ai beaucoup d’idées en peu folles, et je me suis dit que celle-là, il fallait que je la réalise ». Jeunes, lancez-vous dans vos projets… Le sien est d’ailleurs financé grâce au salaire qu’il gagne, mais aussi grâce aux sponsors tels que Trenkwalder, entreprise d’intérim autrichienne, Interrail ou sa commune de Clichy-la-Garenne.

Jan, réfléchissant en roulant des yeux marron, dit avoir appris en cinq semaines que « l’on s’adapte plus facilement à de nouveaux milieux qu’on ne le pense. Ça donne de l’espoir ». En effet, car s’il tombe sur un boulot qui le passionnera plus que celui qu’il a appris ou si, qui sait, le secteur de l’aéronautique n’embauchait plus, il « n’exclut rien. Je reste tout à fait ouvert au changement. L’important est le bon mix entre le lieu de travail et le lieu de vie ». Pourvu qu’il garde le choix.

Jan Lachner est au Luxembourg jusqu’à dimanche matin. http://eurojobsproject.com
Béatrice Dissi
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