Boxe, boxer, boxeuse

d'Lëtzebuerger Land vom 24.02.2023

« Je n’ai quasiment eu que des expériences positives », dit Caroline André, co-fondatrice et entraîneur principal du Boxing ClubDifferdange. « La plupart du temps les gens, y compris les hommes, sont admiratifs ». L’ex-boxeuse professionnelle, qui est également policière depuis 18 ans, est montée sur le ring pour la dernière fois en 2019, terminant une carrière fulgurante de plus d’une décennie, qui lui aura valu le titre de championne du monde de la Royal Boxing Federation dans la catégorie super-léger. Elle détient aussi une double qualification de championne internationale du Luxembourg.

Depuis 2019, elle se voue à l’activité de coach au sein du club qu’elle a rouvert avec notamment Toni Tiberi, superviseur auprès de la International Boxing Foundation où il est aussi juge et arbitre. Leur but est de promouvoir la boxe luxembourgeoise dans un cadre et à un niveau véritablement internationaux. Leur succès – il y a des inscriptions chaque jour et le Club doit refuser du monde – montre que la boxe a la cote, « même si le rush vient surtout les hommes ». Caroline André constate : « La boxe anglaise n’attire pas encore vraiment les femmes chez nous. Beaucoup moins que dans d’autres pays, comme l’Irlande, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne…où la boxe est plus ancrée traditionnellement et où le niveau féminin est similaire à celui des hommes ». C’est d’ailleurs une boxeuse allemande qui a été une de ses premières idoles: Regina Halmich, championne d’Europe en 1994. Pour Caroline, c’est surtout l’entraînement qui lui a plu d’office. Un exercice de fer qui n’engage pas que le corps entier, mais aussi le moral. « J’ai vu des filles supermotivées lors de l’entraînement, se figer lors de leur premier sparring (match pour s’entraîner ; ndlr), quand elles réalisent que ça peut faire très mal… ». C’est un sport qui nécessite une discipline, un dévouement total et, à côté, des exercices réguliers et un style de vie très exigeant.

« La boxe ne pardonne pas », affirme aussi Anne Lutgen, boxeuse luxembourgeoise amatrice à Bruxelles. Elle a remporté, en avril 2022, le titre de championne de Belgique dans la catégorie 64-66 kg. À 41 ans, c’était probablement la dernière fois son match officiel, car la fédération internationale de boxe interdit les participation au-delà de quarante ans. « J’ai été heureuse car j’ai fait énormément de sacrifices. Aux entraînements s’ajoute une constante attention à ce qu’on mange (un gramme de trop et on passe dans une autre catégorie) ; pas d’alcool, donc pas de fêtes ni de dîners… la vie sociale en morfle ». Mais la boxe lui rend tant: « mon club est ma happy place, j’y vis un moment de concentration totale. Si tu penses à ta liste de course pendant une seconde, paf, tu risques un coup que tu vas regretter ». Elle a fini par en avoir besoin pour mieux gérer le quotidien et un job stressant en tant que conseillère à la représentation permanente du Luxembourg auprès de l’Union européenne. 

Des blessures peuvent arriver mais sont rares – une fois Anne s’est retrouvée avec un œil au beurre noir – « c’était un bête accident », mais la guérison a pris des semaines. Malheur à son compagnon qui a dû essuyer les regards méfiants dans la rue alors qu’il n’y avait strictement rien à voir. « C’est d’ailleurs l’aspect avec lequel les gens peuvent avoir le plus de mal. Même si c’est un sport très discipliné, il faut savoir encaisser des coups ». 

Le ring est l’espace mythique qui accumule les émotions et convoque les pulsions imaginaires. « C’est terrifiant : Ces trois fois deux minutes peuvent êtres ressenties comme trois éternités ». La tension, la peur, l’intensité, la vitesse, la proximité du public… Seule la présence du coach peut rassurer, et elle peut être vitale. C’est lui qui, si ça se passe mal, peut déclencher la fin immédiate du match en jetant la serviette par terre (l’expression d’Handduch geheien ou jeter l’éponge y trouve son origine). « C’est un effort psychologique inimaginable que de monter sur le ring. Il n’y a pas d’échappatoire, on est exposé ». C’est aussi là que se cristallise l’aspect très technique du sport : l’arbitre compte les points à la touche, les zones où il est permis de frapper étant délimitées avec précision. C’est en sortant du purgatoire que se passe l’élévation: « l’expérience des matchs m’a aidé dans la vie en me donnant confiance et l’assurance de pouvoir faire face aux pires défis ».

Le statut de boxeuse l’a également fait grandir Caroline André dans son métier: « Les collègues savent que je ne prendrai pas mes jambes à mon cou au moindre problème », même s’il est improbable qu’elle utilise ses techniques en-dehors du ring : les fédérations des sports de combat interdisent aux porteurs de licence d’avoir recours à leur art envers les civils. « Même en cas de légitime défense, il y a des enquêtes très détaillées pour savoir s’il n’y a pas eu d’abus ».

Toutes les deux, Caroline et Anne sont déterminées à s’investir en tant que coach dans cette discipline olympique. « Les entraîneuses  ont encore rares, alors que le métier exige parfois des sensibilités particulières envers les boxeuses, à commencer par l’accès aux vestiaires… ». Continuer à promouvoir l’esprit de la boxe, à enseigner l’endurance, les réflexes, la bonne utilisation de la force et à faire passer les sensations liées au ring, « the loveliest place on earth ».

Béatrice Dissi
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