Les chimistes de la propreté

d'Lëtzebuerger Land vom 27.01.2023

Devenir entrepreneur indépendant : Nicolas Devaux chérissait ce plan de longue date. Mais, se retrouver à la tête d’une structure proposant un produit phare dans le domaine des détergents, il ne l’avait pas forcément vu venir. L’entreprise Wasch, que le Français originaire d’Aix-en-Provence a fondée avec sa partenaire belge Sarah Weyssow, est au croisement des parcours des deux anciens employés dans les secteurs de l’informatique de la finance. Elle est aussi un signe d’une évolution de plus en plus tangible : celle de jeunes gens qui se reconvertissent dans le domaine de l’entrepreneuriat écologique, qui revêt un sens dont peuvent être dénuées les entreprises conventionnelles. Pour Nicolas et Sarah, le déclic se passe pendant un voyage (de rêve) à Bali, où ils réalisent que, même au paradis, le plastique est légion (y inclus le microplastique dont pullulent les mers). « Ça a été un choc », qui débouche sur la résolution de contribuer à réduire ces déchets souvent totalement inutiles. Recherche faite, Sarah et Nicolas constatent qu’il existe une niche qui concerne les détergents, tous vendus en contenant plastiques (alors que d’autres domaines comme celui de la cosmétique saturent peu à peu de produits alternatifs). C’est ainsi qu’ils décident, pendant la période du confinement, de tester des recettes lessive maison, d’abord en format bloc. Ils se rendent vite compte toutefois que pour mettre au point les bons dosages et atteindre une efficacité satisfaisante par rapport aux produits conventionnels, il faut travailler avec des laboratoires (toujours sur base de produits naturels).

Pendant un an et demi ils effectuent des tests plus élaborés et optent finalement pour une formule liquide biodégradable à 96 pour cent. Wasch est d’ailleurs totalement transparent sur le fait que ses produits n’atteignent pas exactement la performance des détergents chimiques, auxquels sont fréquemment rajoutés par exemple des modificateurs ultraviolets qui augmentent le rayonnement de la couleur du linge, sans avoir aucun effet sur le nettoyage à proprement dire. Autre astuce peu souhaitable : les capsules de parfum, qui s’accrochent au linge pour éclater sur la peau quand on le porte, et diffuser du parfum en continu. Ce qui n’est pas sans risque en termes de potentielles réactions cutanées. « On ne peut pas tout avoir, dit Nicolas, et notre priorité va clairement vers la protection des eaux, des océans et de la santé ». Car même les stations d’épuration n’arrivent pas à retenir tous les éléments chimiques, dont une partie termine dans la nappe phréatique. Un souci que partagent manifestement nombre de consommateurs, les commandes chez Wasch ne tarissant pas. Grâce aux partenaires les soutiennent « comme Cactus qui nous donne une bonne exposition en rayon » et d’autres comme LuxCaddy et Kilogram pour la vente en ligne, la marque se développe rapidement.

Dans le cadre d’un concours de LuxInnovation, un coach leur conseille de proposer des bouteilles consignées de dix litres, facilitant la vie du consommateur (et moins chères), que Wasch livre et reprend à domicile. Un succès. Nicolas quitte son ancie poste en février 2021, sa compagne le rejoint à temps plein en juin 2022. Ayant rapidement atteint les limites de production, les deux travaillent depuis peu avec Yolande Coop, atelier d’inclusion professionnelle spécialisé en savonnerie à Betzdorf, qui fait partie du  réseau d’institutions sociales Elisabeth. Cette coopération permet de satisfaire la demande actuelle de justesse. Des discussions avec des prestataires supplémentaires sont déjà en cours. L’objectif à moyen terme est de développer la gamme en y ajoutant des nettoyants à usage multiples et des produits pour la vaisselle. Ils visent aussi à élargir l’offre dans la Grande Région, même si de premières campagnes de publicité n’ont pas fait preuve du même intérêt qu’au Luxembourg.

Wasch a installé son siège au sein du Innovation Hub, incubateur spécialisé dans les éco-technologies à Dudelange, qui héberge une dizaine de start-ups, en partenariat avec LuxInnovation et Technoport. « Un emplacement de choix et un ambiance stimulante » selon Nicolas qui salue expressément l’expertise de coaching disponible. « Mais en général, de nombreuses aides sont réservées aux entreprises actives dans le secteur informatique et financier et moins pour le secteur écologique, ces premiers attirent encore davantage l’intérêt des investisseurs », estime-t-il, « même si la tendance est positive ». Des aides qui viendraient à point, alors qu’il faut se battre contre l’inflation et sa tendance à repousser le consommateur vers les produits industriels bon marché..aux dépens de la planète.

Béatrice Dissi
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