Elisabeth Margue (CSV) se présente comme une Sam Tanson (Déi Gréng) version « light ». Cela a évité à la ministre de la Justice les polémiques qu’ont connues ses collègues CSV aux Affaires intérieures et au Travail. Sur le sujet, hautement contentieux, de la comparution immédiate, elle cherche une solution qui ne fait pas trop de vagues. Ses services confirment au Land que le ministère « ne va pas s’orienter vers le modèle français de la comparution immédiate », qui soulèverait « beaucoup de questions » en ce qui concerne les droits de la défense. On lui préférerait désormais la nouvelle « procédure accélérée » que la Belgique vient d’introduire en 2024.
Durant la campagne électorale, Luc Frieden estimait encore qu’on pourrait « facilement » s’inspirer de la France pour la comparution immédiate, dont l’introduction serait « vraiment nécessaire » : « Ee Rechtsstaat ouni schnell Strof ass kee Rechtsstaat ». Une peine devrait avoir un aspect « éducatif » (RTL-Radio, 23 september 2023). Léon Gloden et Laurent Mosar avaient choisi le terme d’« abschreckend », dans une tribune libre publiée en juillet 2023 dans le Wort. Une « sofortige Verurteilung », écrivaient les deux avocats d’affaires, ferait de l’effet sur les « Jugendbanden ».
Les dérives du modèle français sont connues depuis longtemps. Certaines chambres siègent 17 heures d’affilée, condamnant à la prison jusqu’au petit matin, alors que les avocats ont une connaissance très sommaire du dossier. Dès 2007, un rapport de la commission parlementaire de la Justice notait son « caractère expéditif, peu respectueux des droits de la défense, puisque le prévenu est jugé dans des délais extrêmement brefs ». Le rapport était signé Patrick Santer, pourtant pas un tenant de l’aile sociale du CSV. Paradoxalement, l’apologiste le plus ancien et constant de la comparution immédiate se nomme Xavier Bettel. Dès 2007, il en louait les prétendus mérites. En 2013 et en 2018, il tenta de l’intégrer dans l’accord de coalition. En 2023, il la définit comme une « des lignes rouges » de son parti.
C’est Martine Solovieff et non la ministre qui a annoncé le revirement de Margue samedi sur RTL-Radio. Elle a pris par surprise jusqu’aux députés de la majorité, expliquant qu’il n’y aurait pas de volonté politique d’aller en direction du modèle français. La comparution immédiate serait une « justice abattoir ». La procureure générale a cependant donné à penser que la loi belge est « relativement récente ». Des adaptations seront nécessaires, également au vu des différences entre les procédures en Belgique et au Luxembourg.
Poussé par les libéraux flamands et introduit au début de l’année, le nouveau « snelrecht » permet de juger dans les cinq à quinze jours les « infractions simples », comme les coups et blessures ou les flagrants délits qui ne nécessitent pas une enquête approfondie. L’ordre des barreaux francophones et germanophones reste dubitatif. Dans un communiqué, il rappelle que la nouvelle procédure implique que la personne poursuivie se trouve en détention préventive et pointe le « risque d’augmenter encore la surpopulation carcérale ».