« Les emmerdes, ça vole en escadrille ». La vice-présidente de la Commission en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager, apprécie cette semaine la pertinence des propos tenus jadis par Jacques Chirac, ancien président de la France, pays où la Danoise passe ses vacances (sur l’île d’Oléron précisément). Vendredi dernier, Margrethe Vestager a vu la ministre de l’Économie de l’Espagne, Nadia Calvino, lui souffler la présidence de la Banque européenne d’investissement (BEI). Ce jeudi, de l’autre côté du Boulevard Konrad Adenauer au Kirchberg, la Cour de justice de l’Union européenne a planté un autre clou dans le cercueil (juridique) de l’offensive de la commissaire à la Concurrence contre l’optimisation fiscale des multinationales. Les juges européens ont confirmé que la Commission européenne n’avait pas établi que le ruling accordé en 2003 par le Luxembourg à Amazon constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur. En 2017, les services de Margrethe Vestager avaient demandé au géant du e-commerce de restituer au Luxembourg 250 millions d’euros d’aide indue aux yeux de la Commission. Amazon et Luxembourg avaient contesté devant le tribunal de l’Union européenne et obtenu gain de cause.
La Cour a confirmé cette semaine en appel pour une autre raison que les juges de première instance : parce que le principe de pleine concurrence (mobilisé ici) n’a pas d’existence autonome en droit de l’Union et ne peut être invoqué par la Commission que dans le cadre du droit fiscal de l’État concerné. Ce que l’exécutif européen n’a pas fait. Cet arrêt s’appuie sur le même raisonnement que celui rendu en 2022 dans l’affaire Fiat Finance & Trade contre le Luxembourg (par cette décision, le constructeur automobile italien ne restituera pas 23 millions au Grand-Duché). La semaine passée, les juges européens ont aussi retoqué le travail de la Commission dans le dossier Engie. Là encore, il s’agissait d’un ruling accordé au groupe énergétique par l’ACD (avec un manque à gagner de 120 millions d’euros). La CJUE a notamment rappelé à cette occasion « la compétence et l’autonomie fiscales des États membres » dans des secteurs non harmonisés au niveau européen comme la fiscalité. La croisade juridique a pris un coup dans l’aile. Politiquement, Margrethe Vestager a tout de même marqué des points puisque les règles fiscales ont depuis été adaptées pour limiter l’optimisation fiscale.