Canins câlins, canins copains. Des chiens de toutes les tailles et de toutes les couleurs par Chantal Maquet, à la galerie Reuter Bausch

Des histoires de chiens

d'Lëtzebuerger Land du 11.10.2024

Il y a d’abord eu un appel à projet à l’origine de l’exposition #BFF qu’on a pensé légèrement loufoque, pas sérieux, dingo ? Quand on connaît la relation entre Chantal Maquet et Diego, on sait que, elle et son chien, c’est comme ne faire qu’un. Pourquoi pas alors voir les gens à travers leur plus fidèle ami – ne dit-on pas « tel maître tel chien » ? Chantal Maquet et Julie Reuter ont donc demandé « envoyez-nous une photo de votre chien ».

L’année dernière, l’artiste avait fait le portrait des habitants de Clervaux et de leur environnement que Chantal Maquet avait parcouru et peint, au même titre que les visages (voir d’Land 15.09.23). Il y avait eu une exposition des tableaux à touche-touche pour clore la résidence à l’Ermitage au Cube 521, aux couleurs claquantes et la bande-son des voix des habitants sur leur vie en guise de fond sonore.

Ici, pas d’aboiements, mais à gauche de l’entrée de #BFF, une série de cinq petits tableaux (20 x 20 cm chacun) : Bleib, Schau, Sitz, Weiter, Hier. Les ordres de base du maître à son chien que Chantal Maquet a peint selon l’attitude correspondante. Le chien loup a le poil roux, le personnage est rose et le fond, herbe et lisière de jardin ou de forêt vert. On croirait presque entendre le ronronnement d’un projecteur, tant les séquences ressemblent à des séquences filmiques animées. Voilà pour l’introduction à l’exposition #BFF.

Dans la première salle de la galerie, on voit des tableaux peints cette année, jouxtant des toiles plus anciennes de 2017 et 2018. Neuer bester Freund, de 2017, c’est le début d’une histoire : les présentations entre un enfant et un chien. Et on se souvient avoir vu, Zu Zweit mit Kessi dans un autre contexte en 2018, à Bourglinster. Chantal Maquet travaillait moins en aplats alors, plus proche à la fois de manière floue et réaliste des souvenirs d’albums photographiques.

Souvent, Chantal Maquet travaille à partir de cartes postales anciennes trouvées au marché aux puces. Il y a chez elle quelque chose qui relève de l’étude sociologique. C’est ce qu’exprime d’entrée de jeu le tableau What you see is what you get, où un professeur et des élèves se penchent sur des petits personnages à forme humaine sur une table et les observent. En 2017, elle participa, avec cet esprit de dissection, au Prix Robert Schuman, mais ce n’est qu’en 2022 qu’elle reçoit le Prix Pierre Werner au Salon du CAL avec Tue dir Gutes und rede darüber #Païschtcroisière, observation des comportements humains, dans un événement populaire luxembourgeois très prisé.

Dans le cas de l’exposition #BFF, le sujet est celui des familles où il y a des chiens, où de génération en génération, des enfants ont grandi avec des chiens. Ainsi traverse-t-on le temps et les catégories sociales : la famille aristocratique, la famille bourgeoise, la famille de la classe ouvrière. Certains portraits touchent plus que d’autres : la posture assise dans l’herbe de la dame au grand chapeau 1900 enlaçant son chien, Dame mit Hut und Hund, « le chien » trônant Auf goldenem Sessel. Bleu, rose, vert. Les couleurs claquent. On pense fluo plutôt qu’expressionniste. Mais voici une œuvre qui dit autre chose. C’est une scène de rue, où le personnage est vert et le chien noir, le fond marron. Elle est simplement intitulée Schwarzer Pudel. C’est sans doute le tableau le plus complexe de l’exposition. On imagine que le petit homme avec son costume à l’ancienne et sa canne, le caniche noir géant noir parfaitement apprêté, gagnaient leur vie en exhibant la petitesse de l’homme et la grandeur du chien…

Aujourd’hui, on est loin de cette exhibition triste. Sur deux-cent photographies recueillies lors de l’appel à projet de la galerie en juillet, Chantal Maquet a peint 67 portraits de chiens. On a particulièrement aimé Zwei mit Kölsch, une bière pour le maître, une bière pour le chien. Il y a des chiens câlins, des chiens copains, des chiens de réconfort et des chiens gâtés. Dans Mit Jasper unterwegs, on ne voit que les jambes du maître et les pattes du chien. Après s’être prise au jeu des histoires de chiens, un panorama d’aujourd’hui, Chantal Maquet revient à l’observation d’une situation.

Marianne Brausch
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