Coproduit par Paul Thiltges Distributions, Greyhound of a Girl, le nouveau film d’animation d’Enzo D’Alò, est une histoire sensible autour de quatre magnifiques personnages féminins, avec une touche de mystère et de magie, sur l’amour, la famille et surtout la perte d’un être cher.
Mary O’Hara a onze ans. C’est une pré-adolescente irlandaise gentille et plutôt serviable, une amie fidèle, une fille et petite-fille aimante, mais la jeune fille n’aime pas se laisser marcher sur les pieds. Elle a tendance à dire ce qu’elle pense, directement, sans filtre ce qui la fait passer pour une petite fille culottée, voire effrontée. Une « cheeky girl », comme lui diront les odieux jurés d’une prestigieuse académie culinaire située à quelques heures de toute de chez elle. Sa tarte tatin à la banane avec trop peu de sucre, mais bien trop de beurre n’aura pas trouvé grâce à leurs papilles, mais Mary ne désespère pas d’intégrer, au moins, leur académie d’été.
En entendant comment les deux jurés, ces « deux ignorants avec la toque de chef » parlent à la petite, Emer, sa grand-mère va rapidement les remettre à leur place avec une gouaille extrêmement plaisante. Elle leur conseillera même de « cuisiner (leurs) prestigieux postérieurs dans (leur) prestigieux four ! ». De quoi amuser tous les cuistots en devenir, mais pas vraiment les responsables de la vénérable institution. Peu importe. Dans la famille O’Hara, on a beau être gentilles, on a quand-même du caractère, ce qui en société ne passe pas toujours bien surtout, comprend-on en sous-texte, de la part d’une fille ou d’une femme. Mary ne cesse pourtant de le répéter, elle n’est ni culottée, ni effrontée ; elle est « juste honnête ».
Quoi qu’il en soit, grand-mère et petite-fille se ressemblent, elles sont très proches et entretiennent une relation spéciale entre elles. Elles aiment toutes les deux les câlins, elles partagent une peur, pour ne pas dire une détestation, pour les chiens et embrassent surtout cette grande passion pour la cuisine. Cette passion semble cependant avoir sauté une génération, celle de Scarlett, fille de la première et mère de la seconde. Elle ne sait faire autre chose, dans la cuisine, qu’ouvrir des boîtes de conserve ou réchauffer des plats préparés. Oh certes, Mary aime se lancer dans des inventions culinaires étonnantes et ne dénigre pas un fast food de temps en temps, tandis que Emer ne jure que par la cuisine à l’ancienne et les bons plats traditionnels, mais cela n’est qu’un détail. L’ainée croit dans le potentiel de sa cadette ; c’est pour cela qu’elle l’a emmenée à ce concours sans en informer les parents !
En rentrant de cette escapade, Emer commencera à se sentir mal, elle est bien plus fatiguée que d’habitude et elle tousse beaucoup. Le soir même elle sera emmenée d’urgence à l’hôpital. Les médecins ne sont pas très optimistes et décident de la garder sur place. Rapidement le couperet tombe, il ne lui reste plus très longtemps à vivre. C’est un coup dur pour la jeune Mary qui apprend, en même temps, que sa meilleure amie va déménager et s’installer en Angleterre.
De quoi broyer du noir. Mais la petite est courageuse. Elle va cuisiner pour sa grand-mère, persuadée que cela l’aidera à guérir. Mais quand la jeune fille rencontre, en traversant le parc situé en face de la maison de ses parents, une mystérieuse femme appelée Anastasia que personne d’autre ne semble voir, sa mère va l’envoyer voir une psy. Anastasia est visiblement jeune mais porte des vêtements plus que démodés, d’une autre époque. Gentiment elle demande une faveur à Mary, elle doit transmettre un message à sa grand-mère Emer ; un message tout aussi mystérieux qu’elle : « Ne t’inquiète pas, tout va bien se passer ! ».
Pour son nouveau long métrage d’animation, le réalisateur italien Enzo D’Alò (La freccia azzurra – déjà coproduit par PTD –, La Gabbianella e il Gatto, Pinocchio, également produit avec le Luxembourg) adapte le roman homonyme de Roddy Doyle (The Commitments, Paddy Clarka Ha Ha Ha, qui lui valut le Booker Prize en 1993, A Star Called Henry…) en essayant de rester au plus près du récit original.
Greyhound of a Girl, proposé au Luxembourg en version anglaise sous-titrée en français ainsi qu’en version luxembourgeoise, est facile d’accès, agréable, sans méchants qui font peur, sans quête fabuleuse à réussir, sans retournement final inattendu. Le film possède cette touche de fantastique qui permet à cette étrange jeune femme d’apparaître et de disparaître à sa guise, à Mary de rêver, bien qu’elle ne lui en ait jamais parlé, d’histoires qu’a réellement vécu sa grand-mère et à une maison en ruine, de reprendre, pendant un temps, son lustre d’antan… Mais le récit demeure malgré tout très terre à terre et raconte, finalement, une petite histoire intime. Celle d’une jeune irlandaise d’aujourd’hui, issue d’une famille de classe moyenne, qui s’apprête à perdre sa « granny ». Un intime qui a justement permis à Roddy Doyle d’abord et Enzo D’Alò ensuite de toucher d’une certaine manière à l’universel.
Écrit et réalisé par des hommes, le film réunit quatre générations de femmes, chacune bien représentative de son époque. Quatre générations qui résument l’évolution de la société et de la place de la femme dans celle-ci. Il est question de cuisine, bien sûr, mais surtout d’amour, de transmission et avant tout de la perte des êtres chers.
Avec son ambiance celtique, avec cette bande originale de toute beauté et ses chansons qui font évoluer le récit, avec un dessin simple, un peu naïf, dans style rappelant la ligne claire, avec son récit dramatique mais jamais larmoyant, mais proposant, à l’inverse beaucoup d’humour et d’espièglerie, ce Greyhound of a Girl, est un film qu’on peut recommander à toute la famille.
Cette coproduction Italie, Irlande, Lettonie, Estonie, Allemagne, Luxembourg – avec la participation active de Paul Thiltges Distributions et surtout d’Adrien Chef en tant que producteur exécutif, ainsi que La Fabrique d’Images –, permet à Enzo D’Alò de rappeler, une nouvelle fois, qu’il n’est pas pour rien un des réalisateurs de films d’animation les plus en vue du cinéma européen. La preuve, le film est nommé aux prochains European Film Awards qui seront remis le 9 décembre.