Autofestival

Autofestival 2014 : Je t’aime moi non plus

d'Lëtzebuerger Land du 21.02.2014

On pensait que les verts, une fois installés comme cinquième roue du carrosse gouvernemental, allaient faire sa fête à l’automobile et organiser en quelque sorte un « Autofestival » envers et contre tous. Eh bien, détrompons-nous : l’édition 2014 est en vert peut-être, mais sûrement pas contre tous, et sûrement pas contre les vendeurs de bagnoles. En attestent les nombreuses photos qui montrent les embrassades entre Fräntz Bausch, le nouveau ministre des transports, et Ed Goedert, le toujours président des concessionnaires. Ce dernier a une tête qui vous ferait lui acheter sans hésitation une voiture d’occasion et sait que, s’il veut continuer à vendre des voitures, il doit changer de stratégie. En effet, si le XXe siècle a été celui de l’automobile, le XXIe , avec ses routes encombrées, risque de devenir celui de l’autoimmobile. Le premier (François, pas Xavier), quant à lui, se veut prudent et conciliant, n’ayant que trop en mémoire les mésaventures de son prédécesseur Lucien Lux, auquel l’électeur automobiliste a retiré bien des points de son permis de conduire une voiture de fonction ministérielle. Les verts ne flagellent donc plus l’auto et, s’ils ne font pas encore de l’autoflagellation, cela ressemble au moins à de l’autocensure. Bausch, c’est un volant vert dans une housse en cuir et, à l’image d’un Sacha Guitry et de ses femmes, il est contre l’automobile, tout contre. Baudert et Goesch sont désormais comme pneu et moteur et le SREL les aurait même filmé monter, main dans la main, dans le tram d’une ville de la grande région en trinquant avec un verre de Riesling, dont chacun sait qu’il fleure bon le pétrole et le gazole.

Bon d’accord, entre ces deux là, c’est un mariage de raison plutôt que de cœur, mais chacun sait que ce sont ces unions-là qui durent le plus longtemps, beaucoup plus longtemps en tout cas que les bagnoles qu’on nous refourgue aujourd’hui. Les pute-licitaires aussi s’en sont aperçus, car vous aurez sûrement remarqué que le ton de leurs slogans a changé cette année. Finies, les belles mécaniques avec de superbes créatures lascivement allongées sur un interminable capot à la Tex Avery, un non moins interminable Cohiba à la bouche. Finie, la voiture de papa et de grand-papa, ersatz de vous savez quoi, amoureusement bichonnée et léchée le dimanche matin. Place à la voiture cocooning, car aujourd’hui le couple, la famille et le foyer sont à l’honneur. Jetez donc un coup d’œil sur les affiches des bien nommées assurances « Le Foyer » ou encore de la « Raiffeisenkees » qui mettent en scène le couple, son assurance-vie et son prêt auto prêt à financer le tricycle du rejeton. Le feu ravageur de la grosse cylindrée est ravalé aujourd’hui à une petite braise, tout juste bon à chauffer les sièges sur lesquelles on ne roule plus des mécaniques, mais tout juste quelques timides pelles. De « unheimlich » la voiture est devenue « heimlich », un âtre, un foyer, dans lequel la cellule familiale se sent à l’aise comme un escargot dans sa maison, voire une tortue dans sa carapace. La marguerite ne s’effeuille plus passionnément dans le pot d’échappement, mais raisonnablement dans le pot-au-feu.

Yvan
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