Éditorial

Nicolas Nettoyeur

d'Lëtzebuerger Land vom 08.02.2013

Une cinquantaine d’employés de l’association sans but lucratif Objectif plein emploi (OPE) feront les frais des différends qui opposent actuellement le ministre du Travail et de l’Emploi, Nicolas Schmit (LSAP) à leur hiérarchie, à laquelle il reproche une gouvernance hasardeuse et une gestion fantaisiste des subventions publiques. Les négociations d’un plan social radical, supprimant 55 des 107 employés de la structure centrale, ont commencé en début du mois. La raison de l’urgence : Nicolas Schmit, après avoir fait réforme le mode de financement des mesures pour l’emploi, a fermé le robinet et refuse de verser d’autres rallonges budgétaires à l’OPE, qui n’arrive donc plus boucler son budget.

Pour cimenter ses propos, le ministre s’appuie sur un audit dévastateur du bureau BST, publié en octobre dernier. En cause : non seulement une somme de 4,5 millions d’euros de subventions trop perçues, mais surtout une attitude laxiste par rapport au sérieux de la situation. Comme d’autres mesures pour l’emploi les deux dernières années, notamment celles proches du LCGB, Proactif et Forum pour l’emploi, OPE, proche de l’OGBL et présidé jusqu’à sa mort par John Castegnaro, voit son fonctionnement même mis en cause. En gros, une fois que l’utilité des mises au travail fut validé par la politique – et elles le furent sans sourciller sous les mandats de Jean-Claude Juncker et de François Biltgen, puisque, comme par miracle, les demandeurs d’emploi disparaissent des statistiques du chômage une fois qu’ils travaillent pour une mesure pour l’emploi –, les sommes d’argent qu’elles engloutissaient semblaient secondaires. Un trou dans les finances ? Une rendez-vous au Rousegäertchen suffisait pour avoir une dotation extraordinaire, reléguant au second plan toute autre considération, comme l’efficacité de la mesure, le gonflement de la structure administrative, les réclamations des patrons privés criant à la concurrence déloyale ou le fait que beaucoup d’activités étaient davantage une occupation qu’une préparation au travail.

Nicolas Schmit affiche depuis son arrivée au ministère du Travail sa volonté d’y réorganiser toutes les structures en rapport avec la gestion du chômage. Après quelques années d’annonce de vouloir nettoyer les écuries d’Augias, il s’y est attelé avec des méthodes de Léon Nettoyeur – pas toujours élégantes et surtout étonnantes sous ses bonnes manières de grand commis de l’État –, échangeant des hiérarchies, comme à l’Adem l’année dernière, ou mettant la pression sur des décideurs, comme pour le Forum pour l’emploi, où il a mis tellement de tension sur le président Robert Weber (CSV) que ce dernier n’a pu faire autrement que de démissionner pour sauver la structure, le ministre ne voulant subventionner qu’une organisation délestée du passé. D’ailleurs Robert Weber n’a pas manqué de lui reprocher de faire du chantage. Pour l’OPE, le ministre ne nomme plus personne – mais tout le monde aura compris qu’il veut un apurement des structures décisionnelles et un allègement du cadre du personnel avant de reconsidérer le subventionnement.

« Une restructuration est tout simplement inévitable, » souligna le ministre dans une interview à RTL Radio Lëtzebuerg mardi, rappelant encore des reproches comme « manque de transparence » ou « gonflement de la structure administrative », tout en affirmant son soutien de principe aussi bien au réseau OPE avec ses Centres d’initiative et de gestion locaux qu’au travail de réinsertion de toutes les structures de ce type. L’après-midi même, Jean-Claude Reding, le président de l’OGBL, s’empressa d’ajouter qu’il n’y avait aucun lien « organique » entre le syndicat et le réseau OPE. Et les députés discutent en parallèle d’une possible reprise en main, voire d’une fusion de toutes les structures d’encadrement de chômage. Mine de rien, d’ici 2014, Nicolas Schmit pourrait avoir un bilan autrement plus riche à présenter que celui de son camarade Romain Schneider, ministre socialiste de l’Économie solidaire, qui cultive l’extrême discrétion dans ce dossier. À l’arrivée, l’essentiel sera que l’argent du Fonds pour l’emploi soit vraiment utilisé pour lutter contre le chômage.

josée hansen
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