Ils sont quatre et ils sont inséparables. Lucas, Luigi, Lucien et Ludwig se sont connus à l’orphelinat de l’Abbaye de Valencourt en Picardie. Regroupés par ordre alphabétique, dans une même chambre, ils se sont surnommés « les Lulus ». Comme ils sont les souffre-douleurs de leurs camarades, et tout particulièrement du chef des chambrées, Octave, les quatre orphelins deviennent vite, bien plus que des camarades ou des amis, mais des frères pour la vie, même s’ils ont des âges et des caractères bien différents.
Malgré l’absence de parents – enfin, Ludwig a bien une maman, mais elle a dû abandonner le petit pour aller chercher meilleure fortune en Suisse – et la bande d’Octave qui leur pourrit la vie, la vie ne semble pas si terrible dans cette belle bâtisse dirigée par un abbé débonnaire (interprété par François Damiens) et un instituteur humaniste et philosophe (Alex Lutz). Mais voilà, nous sommes en 1914 ; les bruits de bottes et les explosions des bombes commencent à se faire entendre pas si loin de là. Au point qu’un jour, alors que les Lulus ont décidé de sécher l’entraînement de rugby imposé par l’abbé Turpin à ses jeunes pensionnaires et s’amusent autour de « leur » cabane dans la forêt voisine, les soldats français débarquent dans l’orphelinat et ordonnent l’évacuation immédiate des lieux.
Voilà Lucas, Luigi, Lucien et Ludwig livrés à eux-mêmes, sympa pour un moment, beaucoup moins sur le long terme quand on est un enfant. Cette découverte de la liberté et des grands espaces arrive pour eux au pire des moments possibles : Ils n’ont pas le temps de retourner prendre leurs affaires que l’abbaye est bombardée devant leurs yeux. Impossible de demander de l’aide au village voisin, celui-ci est désormais vide de tous ses habitants. Et les soldats allemands ont pris possession de la région. Ils n’ont pas d’autre choix que de se cacher dans la forêt.
Tels les Trois mousquetaires qui, comme tout le monde le sait, étaient quatre, les quatre Lulus deviennent rapidement cinq avec l’arrivée dans la bande de Luce, une gamine venue de Belgique et qui a perdu toute trace de ses parents. D’abord rejetée par les garçons persuadés que les filles c’est nul et ça ne sait rien faire, la jeune fille espiègle et aventureuse va gagner la confiance et l’amitié des garçons avant d’en conquérir également le cœur – ce qui n’ira pas sans poser quelques problèmes entre les gamins. Mais malgré quelques disputes, les cinq vont se serrer les coudes avec un but commun : aller en Suisse, un pays neutre où il n’y a jamais la guerre.
Il y a de La Guerre des boutons dans cette Guerre des Lulus : pas étonnant puisque dans les deux cas, Yann Samuell est à la réalisation (à qui on doit également Jeux d’enfants, My Sassy Girl, L’Âge de raison, Fantômes et Cie…). Il y a aussi quelque chose des Enfants de Timpelbach de Nicolas Bary, également coproduit par Lilian Eche, producteur grand-ducal de Bidibul Productions (Les Blagues de Toto, Le Petit Nicolas, Chambre 212…). Car si le récit se déroule pendant la Grande guerre et que le long-métrage ne compte pas minimiser le drame que celle-ci représente – le scène de la bataille dans les tranchées est d’ailleurs une des réussites du film – cette Guerre des Lulus est avant tout un film d’aventure plein de rebondissements. C’est un parcours initiatique (dans la veine des coming of age movies) rempli d’embûches, pendant lequel les héros en culottes courtes vont rencontrer une brochette de personnages haut en couleur qui leur viendront en aide : une sorcière, une déserteur allemand (interprété par le grand-ducal Luc Schiltz), un vieux sabotier ambulant, un tirailleur sénégalais, une doctoresse du Familistère de Guise… Des personnages qui deviendront tous, qui le grand frère, qui la maman, qui le papa de la petite bande, mais qui ne feront finalement que passer rapidement dans leurs vies, comme dans le film.
Plus que les libertés prises par rapport à l’Histoire, que l’on accepte volontiers de la part d’une fiction tirée d’une bande-dessinée, plus que les quelques scènes où l’interprétation laisse un peu à désirer ou les incohérences scénaristiques – Hans, le déserteur allemand apprend le français avec une facilité incroyable et à une vitesse surprenante –, le principal reproche qu’on peut faire à ce film est la simplicité linéaire de petits événements finalement pas si marquants. On aurait aimé plus de profondeur aux personnages, plus de temps sur les relations humaines. Voir les héros du récit vivre « leur » guerre et l’analyser avec leurs yeux d’enfants, au lieu de passer leur temps à courir tels les personnages d’un film catastrophe qui voit le tsunami déferler sur eux, aurait sans aucun doute donné une tout autre allure au film. La série BD se donne ce temps, avec, dans le premier cycle, un album par année de guerre. Les personnages ont le temps d’évoluer, de grandir, les auteurs (Régis Hautière et Hardoc) prennent le temps pour approfondir chaque situation. Malgré sa durée d’1h49, le film va, lui, trop vite, résumant le récit à une histoire de quelques jours à peine. Dommage.
Certes, le long métrage est avant tout destiné aux enfants – à partir de dix ans –, et ceux-ci devrait le trouver à leur goût, mais la production et la réalisation semblent un peu trop oublier les adultes qui les accompagnent au cinéma.