La pression monte avant le verdict
Le président du parti Déi gréng, Meris Sehovic, s’émeut cette semaine sur Twitter d’un article paru dans The Guardian et dans lequel on lit qu’Amazon Europe, basée au Grand-Duché, a fait 44 milliards d’euros de ventes sur le Vieux continent, un record, mais que la société n’a pas payé un euro d’impôt. Pourquoi ? Parce que cette filiale luxembourgeoise du géant du commerce en ligne enregistre 1,2 milliard d’euros de pertes en 2020. Or, c’est bien connu, les règles fiscales font que seuls les profits sont taxés. Les résultats négatifs permettent même à Amazon d’étoffer, de 56 millions d’euros en 2020, son matelas de report de pertes que le Guardian évalue à 2,7 milliards d’euros, un chiffre qu’Amazon ne confirme pas. Un porte-parole indique néanmoins qu’Amazon « paie tous les impôts dûs dans les pays où il opère ». Le Grand-Duché, à l’époque de Luc Frieden (photo de 2012 lors de l’inauguration du siège de Clausen, pg) a d’abord bénéficié des recettes de la TVA du e-commerce européen. Il profite maintenant des impôts sur salaires et des charges liées aux plus de 3 000 Amazonians locaux.
Dès 2015 cependant, c’est-à-dire quelques semaines après les révélations Luxleaks, Amazon avait communiqué sur la réorganisation de sa structuration fiscale. « Amazon EU Sarl established branches in the UK, Germany, Spain, France and Italy. We report directly to the local tax authorities in these countries the retail revenues on sales made to customers through these branches, and the associated expenses and taxes. More recently, we have introduced similar branches for the Netherlands, Sweden and now Poland that coincides with the opening of our stores there », informe la firme de Seattle. En 2015, Amazon anticipait alors en quelque sorte sur les discussions qui sont aujourd’hui menées à l’OCDE qui conduiraient/ront à imposer le chiffre d’affaires où il est réalisé (pour un certain nombre de multinationales). Cette discussion est d’ailleurs associée à l’impératif d’un taux d’imposition minimum, fixé à 21 pour cent par le président américain Joe Biden. Le patron d’Amazon, Jeff Bezos, a salué l’initiative. Traditionnellement, Amazon opère à perte à l’international et engrange des bénéfices uniquement aux États-Unis. Sa firme ne sera pas ou peu impactée par la mesure de l’Oncle Sam. En UE, il faudra aux États-membres trouver un accord.
Pour l’heure, la désunion prévaut. Un dénouement, possiblement intermédiaire, se profile dans quelques jours à Luxembourg au tribunal de l’Union où siège François Biltgen (photo). La justice européenne se prononcera sur l’opposition du Luxembourg et d’Amazon au redressement imposé en 2017 par la Commission. L’exécutif européen estime qu’Amazon a bénéficié d’une aide d’État à la faveur d’un ruling accordé en 2003. Le Grand-Duché devrait récupérer quelque 250 millions d’euros auprès du géant du e-commerce. pso
Téléologie mosellane I
Le bateau MS Princesse Marie-Astrid, à bord duquel fut signé l’accord de Schengen en 1985, sera rapatrié (du Danube), retapé et transformé en « lieu de rencontre ». Un projet qui coûtera 5,8 millions d’euros et qui devrait, selon le ministre du Tourisme, Lex Delles (DP), contribuer à faire de Schengen « un lieu culturel et historique à haute valeur ajoutée ». Le gouvernement mise sur le « tourisme de mémoire » (legacy tourism), du cimetière militaire de Hamm (qui se trouve sous l’autorité du gouvernement états-unien et accueille quelque 90 000 visiteurs par an, hors pandémie), à la construction européenne en passant par les vestiges sidérurgiques. Par une admirable prouesse téléologique, le communiqué officiel condense ce narratif en une phrase : « En effet, les conflits internationaux de la première moitié du 20e siècle ont mené à la construction du projet européen fondé sur les valeurs de paix et de solidarité, et ce grâce à un marché économique commun initié sur base du charbon et de l’acier. » bt
Finexis : l’instruction après la sanction
Une instruction judiciaire vise le gestionnaire de fonds d’investissement Finexis. La société établie sur le Boulevard Royal a récemment été condamnée par la CSSF à une amende record pour ce type de professionnel du secteur financier. Finexis a été condamnée à payer 240 000 euros pour, notamment, ne pas avoir respecté ses obligations professionnelles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. La direction, changée après la découverte de la mauvaise gouvernance, jure ses grands dieux avoir remédié aux problèmes. Son administrateur délégué Jean-Marie Bettinger répète au Land ce que son nouveau directeur du développement commercial (en fait le principal actionnaire et président de 2010 jusqu’au mois de février, donc au moment des faits reprochés) Christian Denizon indiquait la semaine passée : « Aucune activité de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme n’a été identifiée. » Pris d’un doute à cet égard, le gendarme de la Place a communiqué le dossier au parquet. La sanction, consultée par le Land, détaille les errements de cette firme de 22 salariés dont la tâche consiste notamment à créer des fonds (des sociétés) pour des tiers et à les gérer.
Les reproches visent les entrées en affaires avec plusieurs clients. La CSSF cible la « gestion » d’un fonds lié à un Tchèque haut placé dans la hiérarchie du groupe Skoda. Finexis souligne que la mise en relation en juillet 2017 s’est faite en même temps qu’avec la Bil, banque dépositaire, qu’elle était accompagnée d’un rapport de PWC certifiant que le bénéficiaire effectif était clean vis-à-vis de son fisc, et qu’un autre rapport rédigé par un auditeur externe assurait que l’apport en nature convenait aussi. Mais la CSSF met le doigt sur un apport de 230 millions d’euros en juin 2018. Il faisait « du bénéficiaire effectif (…) le plus important actionnaire parmi les fonds gérés par Finexis » et cette entrée de fonds n’a pas fait l’objet d’une nouvelle revue de la relation d’affaires « notamment en lien avec la presse négative de sources fiables existant à l’époque des faits litigieux sur Internet », écrit le régulateur.
Puis il y a le dossier Golden Partner International, client pour lequel la CSSF identifie une « dépendance ». Ni la responsable conformité, ni la direction n’ont cherché à savoir au moment de l’entrée en affaires (ils n’ont en tout cas pas documenté) qui se cachait derrière cette mystérieuse société dont la maison mère est basée à Genève et qui a recours à une fondation et des parts au porteur. Le montage de sociétés est spectaculaire et couvre d’opacité les mouvements de fonds. De nombreuses transactions douteuses, passant notamment par les Caïmans, entre le Luxembourg et la Chine sont ciblées pour ce groupe genevois lié à un producteur de batteries en Suisse, Leclanché Energy Storage Solutions. Finexis est même allée jusqu’à créer une entité à Hong Kong à la demande de son client Golden Partner. La CSSF souligne en outre des déficiences en matière d’organisation et de conflits d’intérêts, des relations incestueuses entre des fonds qui étaient dirigés par un administrateur de Golden Partner Genève et de Leclanché.
Enfin, il y a cet appartement à Paris acheté par la société, au motif que « disposer d’une adresse de prestige à Paris face à la Tour Eiffel était en soi un investissement (…) indispensable pour une PME luxembourgeoise, objectivement inconnue en France ». La CSSF acte qu’aucune réunion n’y a jamais été réalisée, admet l’intérêt symbolique de l’investissement, mais voit quand même un problème à ce que Finexis paie des loyers alors que l’appartement est inhabitable depuis 2018 à cause d’un sinistre.
Jean-Marie Bettinger explique au Land qu’il travaille à la réorganisation et la restructuration des activités en coopération renforcée avec la CSSF. Les fonds liés à Golden Partner ne lui paraissent pas poser de problèmes et informe qu’ils sont d’ailleurs en train d’être transférés progressivement vers un autre gestionnaire luxembourgeois (Crestbridge selon nos informations). Jean-Marie Bettinger a avant cela dirigé Experta, le domiciliataire et gérant de fonds de la Bil qu’il a quitté un mois après les Panama Papers, lesquels révélaient le recours massif aux panaméennes par l’établissement (qui précédait l’arrivée de M. Bettinger). pso
Geschäftsmodell von WeDely ist illegal
Am Dienstag hat die siebte Strafkammer des Bezirksgerichts Luxemburg eine richtungsweisende Entscheidung gefällt, als sie die Betreiber der Online-Lieferplattform WeDely – die Firma H.T. Layer Europe und ihre drei Geschäftsführer – zu der von der Staatsanwaltschaft geforderten Höchststrafe von jeweils 5 000 Euro verurteilte. Die Gewerbeinspektion ITM hatte 2018 nach einem anonymen Schreiben eines mutmaßlichen Fahrers und der Denunziation eines Konkurrenten aufgedeckt, dass fast keiner der 198 von ihr überprüften freiberuflichen Lieferanten von WeDely über eine Niederlassungsgenehmigung verfügt und die Staatsanwaltschaft wegen des Verdachts auf Schwarzarbeit eingeschaltet. Wieviele Fahrer/innen insgesamt für WeDely arbeiten und mutmaßlich betroffen sind, wussten selbst die Plattformbetreiber nicht. Nach langwierigen Ermittlungen kam es am 15. März zu einem Prozess. Die Anwält/innen der Geschäftsführer von H.T. Layer Europe hatten in dem Prozess argumentiert, dass ihre Fahrer/innen sich gegenüber der Plattform vertraglich dazu verpflichten, sich ordnungsgemäß bei der Steuerverwaltung und der Sozialversicherung anzumelden und sich selbst eine Niederlassungsgenehmigung zu besorgen, daher könne die Firma nicht für Verstöße haftbar gemacht werden. Das Gericht hat aber nun entschieden, dass WeDely und ihre Geschäftsführer sehr wohl haftbar seien, weil sie ihr gesamtes Geschäftsmodell auf die Zusammenarbeit mit freiberuflichen Fahrer/innen ohne Niederlassungsgenehmigung aufgebaut haben und der Vorwurf der Schwarzarbeit daher zutreffend sei. Auf Nachfrage teilte der Anwalt der Verurteilten, Philippe Penning mit, dass er das schriftliche Urteil noch nicht erhalten habe und auf die Begründung der Richter gespannt sei. Erst nach Erhalt des Urteilsspruches werde H.T. Layer Europe S.A. entscheiden, ob sie Berufung einlegt oder ob sie ihre interne Organisation und ihre Prozeduren anpasst. ll
Ancien espion cherche sortie de prison
L’ancien numéro deux du Srel (Service de renseignement de l’État) Frank Schneider attend depuis la prison de Nancy l’examen de la chambre d’instruction française de la régularité de sa mise en détention en vue d’une extradition. « On attend la convocation incessamment sous peu », informe son avocate en France, Julie Sammari. L’ordre d’écrou extraditionnel a été ordonné en fin de semaine passée par un conseiller de la Cour d’appel sur base d’une injonction américaine, explique l’avocate nancéienne. La chambre d’instruction doit statuer sous dix jours depuis la présentation du prévenu (présumé innocent) devant le procureur. Le rendez-vous devrait se tenir en début de semaine prochaine. La défense de Frank Schneider, qui vit entre Dubaï (Émirats arabes unis) et la Lorraine, cherchera à le libérer en assurant qu’il reste à disposition de la justice française. Les garanties se matérialisent le cas échéant par le port d’un bracelet électronique ou une assignation à résidence. Julie Sammari tait les reproches adressés à son mandant. Selon des informations de presse, le patron de Sandstone, société privée de renseignement, a été arrêté dans le cadre de son implication dans le dossier OneCoin, un ponzi scheme (selon la justice américaine) basé sur une pseudo cryptomonnaie et des programmes de formation associés. L’entreprise était portée par la charismatique Ruja Ignatova. Cette ressortissante bulgare aussi connue sous le sobriquet de CryptoQueen (également dans l’acte d’inculpation américain) a disparu des radars, mais a été conseillée par Frank Schneider, comme il l’expliquait au Land (29.11.2019). Le nom de l’ancien espion avait été évoqué le 6 novembre 2019 devant le procureur américain par le frère de Ruja, Konstantin Ignatov. Le prévenu présentait Frank Schneider comme un « blanchisseur » de OneCoin, société établie entre Sofia et Dubaï. L’intéressé reconnaît des relations professionnelles avec Ruja Ignatova, mais nie en bloc les accusations de blanchiment du frère Ignatov, qu’il juge « instable ». Inquiété par la justice luxembourgeoise pour des écoutes illégales, Frank Schneider a été blanchi en 2020. Contacté cette même année au sujet de sa résidence émiratie, Frank Schneider avait déclaré : « Je préfère vivre dans une monarchie absolue. Je me sens plus en liberté que chez nous. » Selon un représentant de l’administration judiciaire, le Luxembourg n’a pas été sollicité par les autorités américaines dans le cadre du dossier OneCoin, ni du chef de Frank Schneider, ni de Pitt Arens, ressortissant du Grand-Duché qui a dirigé pendant quelques mois la société en question. pso
François Fayot
S’affichant « nostalgique du premier septennat de François Mitterand », le ministre de l’Économie, Franz Fayot (LSAP), a déclaré ce mercredi à la Chambre que l’option d’une nationalisation de l’usine Liberty Steel à Dudelange ne lui est « pas antipathique », mais qu’elle n’est « pas envisagée à ce stade ». Fayot évoquait par contre la possibilité que la SNCI prenne des « participations stratégiques » : « Cette possibilité existe, et nous n’allons certainement pas l’exclure ». Alors que l’empire financier de l’homme d’affaires Sanjeev Gupta s’est effondré comme un château de cartes et que la survie de l’usine à Dudelange est menacée, le gouvernement avance sur des œufs, exigeant le secret des délibérations en commission parlementaire. En séance plénière, Franz Fayot a donc été prudent, évoquant des négociations « complexes et à ramifications internationales » tant avec l’actionnaire, qu’avec la direction du site et le gouvernement wallon (l’usine de Dudelange fonctionne en binôme avec celle de Liège). La situation serait « délicate » et les salaires des 200 ouvriers ne seraient garantis que jusqu’à la fin du mois. « Nous entrons dans les semaines décisives ». Soit l’actionnaire réussira à trouver de nouvelles sources de financement, soit l’État devra trouver « des solutions alternatives ». Le ministre a également évoqué le « worst case scenario », celui d’une faillite : « Alors un curateur sera nommé et tout tombera dans la masse de liquidation ». Spécialisé en droit des faillites, l’ancien avocat Fayot doit savoir de quoi il parle. bt