Sugar Rush, tel est le titre de la dernière série de peintures de Mario Picardo, qui donne le titre général de l’exposition encore à voir actuellement à la Valerius Gallery.
La plupart d’entre nous ont fait cet été le plein de soleil et de vitamine D. On a découvert, intriguée par le terme sugar rush, que c’était une expression anglaise désignant un phénomène similaire : un état d’excitation lié à une forte consommation de sucre. Comme la peinture de Mario Picardo est très vitaminée, cela ne nous a pas étonnée plus que ça, ni que l’artiste, né en 1985 à Villeneuve-Saint-Georges était certainement un bon connaisseur d’un jeu vidéo fictif dans un film d’animation éponyme.
La suite sort des studios de Hollywood en 2018, l’année ou Mario Picardo commence à exposer. D’origine chilienne, sémiologue en plus d’être diplômé des Beaux-Arts de Paris, il est bien de sa génération, trouvant dans la ville au sens propre et figuré, tous les ingrédients de ses futures toiles. Les grands formats sont, nous semble-t- il là où sa gestuelle est la plus à l’aise, alors qu’au départ, c’est dans des carnets de croquis (Sketchbook est paru l’année dernière) que Mario Picardo dépose la récolte de sa vision de la ville, de manière volontairement enfantine. Naïve.
Son galeriste parisien Romero Paprocki ne s’y est pas trompé, qui a pris sous son aile, depuis 2021 des artistes émergents, dont Picardo, nourri au foot, aux comics américains, aux dessins animés et aux jeux vidéo. On « voit » tout cela à la Valerius Gallery, sans chercher un style. Il se situe entre figuration et abstraction, rendant à sa manière colorée l’adrénaline de la ville, dont il collecte via des photographies ou en vrai, des traces populaires de la société : cartes Panini, vieilles BDs, paquets de bonbons.
À travers ses peintures flashy à l’acrylique, il donne une nouvelle vie à ces « marqueurs » urbains, qu’il recouvre pour partie de polyuréthane, projeté au pistolet. Entre bitume et terrazzo, soit le matériau des rues des villes et… l’outil de travail de son père. Parmi ces œuvres vibrantes, la galerie a disposé dans l’espace ou posé sur des petits socles entre les toiles de Picardo, ce qui peut paraître contradictoire, les œuvres élancées de Saar Scheerlings.
Si le terme de peintre plasticien vient à l’esprit pour Mario Picardo, nous avons à faire ici à une designer plasticienne. La néerlandaise Saar Scheerlings, née à Eindhoven en 1990, est diplômée de la Design Academy de sa ville natale et a fait son entrée sur la scène artistique également en 2018. La fascination qu’exerce son travail minutieux lui vaut cette année le Prix des arts appliquées de la Fondation Loewe et d’être exposée au Palais de Tokyo.
Scheerlings découpe de la mousse de matelas qu’elle dispose en petits blocs par rangées superposées. Puis, elle les coud ensemble, recouverts de tissus d’ameublement, de coton, de feutre, de lin. Enfin, elle les ficèle de fil à coudre et de laine, de cordelettes. Ton sur ton ou dans une chromie subtilement déclinée.
Les talismans de Saar Scheerlings, tels qu’elle les appelle elle-même, n’ont rien de phallique, même s’ils sont dressés dans l’espace – The Sleeper, le plus haut des dix exemplaires exposés à la Valerius Gallery, fait deux mètres cinquante de haut. Ses œuvres ne dégagent rien non plus d’une « femme puissante » mais dénotent un univers singulier. On ne sait pas si des croquis sont à la base de son travail ou si ce sont les matériaux et les couleurs qui dictent les formes de Nightmirror (noir), Clay (ocre), Sunqueen (jaune) et cette Venus si contemporaine et comme venue de la nuit des temps.