Campagne du CSV

Derwidder goen

d'Lëtzebuerger Land vom 14.05.2009

Fermer les rangs Lorsque Jean-Claude Juncker prend la parole, les militants attendent de lui des messages forts, des explications honnêtes sur l’état de la nation et, en ce moment, surtout de ses finances, un peu d’humour, de la passion pour la chose politique... Il est le meilleur argument du CSV, qui a fait de son Premier ministre à la popularité inégalée – 83 pour cent d’adhésion selon le dernier Politbarometer du Tageblatt (du 6 mai) sa tête de liste nationale et son joker – « CSV. Déi mam Juncker. » (« CSV. Ceux avec Juncker ») affichait-on fièrement dans le dernier CSV-Profil (du 9 mai). Comme en 2004, il ira donc rameuter les foules à travers le pays, huit stations de Juncker on tour sont prévues, deux par circonscription, de ce soir, 15 mai, à Differdange, à jeudi 4 juin à Esch-sur-Alzette. Son discours mardi soir à Strassen, lors du lancement officiel de la phase chaude de la campagne du CSV, réunion réservée aux militants, était donc une sorte de répétition générale.

Et Jean-Claude Juncker profita de l’occasion pour lancer un appel à la cohésion nationale, souligner le volet « Zesummen », ensemble, du slogan du parti, et sermonner aussi bien les membres et candidats du parti que les collègues socialistes au gouvernement : face à une crise économique grave, dont les conséquences sont loin d’être prévisibles à l’heure actuelle, et aux attaques virulentes et répétées venues de l’étranger, de socialistes allemands surtout (Peer Steinbrück, Franz Mü­ntefering), contre la place financière, il faut fermer les rangs, travailler ensemble pour s’en sortir. C’est que les nerfs, ces derniers temps, sont à vif au CSV et au LSAP. Les débats autour du tram, de son tracé et de son financement, où certaines voix dissonantes du CSV ont paru comme une contestation de ce projet LSAP par le partenaire de coalition, et surtout sur la position à prendre vis-à-vis des socialistes allemands, dont les attaques sont ressenties comme un affront à la nation par beaucoup de Luxembourgeois, ont fait apparaître aussi bien le CSV que le gouvernement comme des troupes désorganisées, qui partent dans tous les sens. « En tant que ministre d’État, il était de mon devoir de dire aux Allemands : cela est inadmissible » fustige-t-il – et récolte une salve d’applaudissements. Et d’en appeler à un apaisement du climat au sein de la majorité aussi, « Jean Assel­born est un bon ministre des Affaires étrangères, j’aime travailler avec lui », qu’il ne veut pas se quereller en public avec lui, « c’est trop con ». 

Never change a winning team « Nous devons gagner les élections, et non les sondages ! » estima le président du parti, François Biltgen, lors d’une conférence de presse lundi. Car si les derniers sondages publiés accordent le même nombre de députés (24) et une avancée de quelques pour cent au parti, jusqu’à cinq par rapport au dernier sondage, selon la circonscription, voire même un peu meilleur que les scores aux législatives de 2004, cela est certes rassurant, mais constitue un problème pour la campagne. « J’aimerais que nos candidats soient plus motivés pour lutter pour qu’on gagne, je les trouve trop confiants, » confie une mandataire. L’ambiance à Strassen mardi était décontractée, bon enfant. Les nouveaux candidats se battant pour être fièrement à côté des ministres sur les photos, découvrant les affiches, clips et gadgets de campagne qu’ils vont défendre à travers le pays, le soir même. 

« Nous avons misé sur des images fortes au détriment de textes trop longs, » avait expliqué François Biltgen et responsable de la campagne la veille. Comme en 2004, lorsque le parti a atteint son score de rêve de 36,11 pour cent des voix (contre 30,10 en 1999), c’est l’agence Imedia qui a créé la campagne. Et elle a misé sur la même esthétique, le même logo, les mêmes couleurs, les mêmes grands axes (Juncker on tour, la mascotte Xorro, affiches people...), y compris sensiblement les mêmes gadgets (stylos, cartes routières) que cette année-là, où tout avait été révolutionné, avec l’arrivée de l’orange flamboyant. Le CSV veut afficher jusque dans sa campagne qu’il est un parti traditionaliste, une valeur sûre en ces temps incertains. 

Les clips video avec leurs métaphores naturelles – un orage à la mer pour symboliser la crise, un bouquet de fleurs de toutes les couleurs pour l’Europe multiculturelle – toutefois sont tellement abstraits qu’ils pourraient vendre n’importe quel produit. Le site Internet du parti est très sage, on y trouve le programme électoral à télécharger, des photos et petites vidéos de tous les candidats – la jeune karatéka Tessy Scholtes est la plus regardée par les Internautes –, des clips humoristiques parodiant les campagnes Apple et Ikea et un agenda de toutes les manifestations électorales. Depuis peu, le parti est officiellement sur Facebook, où on trouve désormais même un profil officiel de Jean-Claude Juncker, ne comptant toutefois qu’un dixième des amis du « faux » profil, qui semble avoir leurré tous les fans. Même le président du groupe parlementaire CSV, Michel Wolter s’enthousiasme désormais pour ce nouveau médium.

Impact limité « De toute façon, je suis persuadé que cette campagne-ci n’aura quasiment aucun impact sur le résultat des élections, estime Laurent Mosar, candidat au Centre. Mais cela fait partie de l’ambiance préélectorale, de faire la tournée de la circonscription, les marchés, les médias... Nous sommes un grand parti populaire, il faut aller vers les gens. Et puis, ce n’est que tous les cinq ans. Moi, j’aime ça ». À cinquante ans, c’est sa cinquième campagne pour les législatives et il la suit un peu en deuxième rangée, derrière les têtes de liste nationale, Jean-Claude Juncker, et de la circonscription, Luc Frieden. Ministrable en 2004 – classé en troisième positon, il avait presque 5 000 voix de plus que Jean-Louis Schiltz, huitième, mais qui est finalement entré au gouvernement –, on lui avait donné la mission de remporter le siège de maire en 2005, ce qui a échoué, le CSV ayant même dû quitter la majorité au profit des Verts. 

« Nous avons atteint un si bon score aux législatives de 2004 (35 pour cent des voix, contre 28 en 1999, ndlr.), que je serais déjà satisfait si nous pouvions le consolider, » dit le président du CSV Stad. Les sondages du Tageblatt/TNS Ilres de mai leur accorde même un gain de deux pour cent par rapport à 2004. Au Politbarometer de mai, le juriste et ancien échevin aux positions libérales et souvent pas alignées sur celles du parti, remporte 35 pour cent d’adhésion – contre 72 pour cent pour Luc Frieden. Jusqu’au 7 juin, les candidats du CSV au Centre sillonnent villes et villages, assistant à quarante réunions locales, quatre par soir, auxquelles s’ajoutent les manifestations plus folkloriques comme les marchés. « Aujourd’hui, on ne gagne plus les élections dans les cafés, comme du temps de mon père (Nicolas Mosar, échevin, député et commissaire européen, ndlr.), qui devait systématiquement faire la tournée des bars durant toute la période préélectorale, » se souvient-il. Une participation à un grand événement populaire comme le marathon ING du week-end prochain serait autrement plus valorisant, selon lui. Avec l’arrivée de nouveaux médias et de nouveaux formats, les campagnes électorales se sont fragmentées selon les publics qu’on cherche à atteindre : Internet, chat, Facebook, médias audiovisuels, presse écrite, affiches, manifestations caritatives, marché, réunions locales... 

Toutefois, Laurent Mosar dit avoir déjà constaté une tendance dans cette campagne : « J’ai l’impression que les gens sont plus sérieux, plus réfléchis. » Ainsi, dans les réunions locales, surtout dans les petites communes, deux sujets reviendraient sans cesse au Centre : la mobilité, avec le tram notamment, et des questions sur les finances. « Les gens ne revendiquent plus qu’on construise de grands projets, mais s’inquiètent plutôt sur comment on va financer ceux qui sont encore prévus, raconte-t-il. Et ils se demandent si leurs pensions sont garanties. J’ai l’impression que les électeurs demandent aux politiciens d’être responsables. » Laurent Mosar veut se montrer responsable, affirme le soutien du CSV au projet de tram, « même s’il reste des questions de détail à résoudre », et dit tendre la main à la majorité DP/Verts en Ville, « car la capitale aura encore plus à souffrir des conséquences de la crise que l’État. » 

Blood, sweat and tears L’heure est grave, tel est aussi le message de Jean-Claude Juncker dans cette campagne : « Il y aura peu à distribuer dans les cinq années à venir, conjura-t-il à Strassen, mais nous devrons travailler beaucoup pour nous en sortir. Les années qui viennent seront des années de reconstruction et de labeur. » Où chacun doit aller au charbon, « derwidder goen », en premier lieu les politiques. L’heure est grave, mais le message sous-jacent dit que le CSV présente cette garantie de sérieux, d’expérience, de responsabilité nécessaires pour s’en sortir. Comme si le 8 juin commençait l’année zéro du Luxembourg, celle de la reconstruction après une catastrophe dévastatrice. Le CSV se montre volontariste, prêt à retrousser les manches. C’est son principal programme.  

josée hansen
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