Leudelange et Niederanven en appel
Ce jeudi, la Cour administrative a fixé au 11 janvier les plaidoiries dans deux affaires opposant Leudelange et Niederanven (photo : sb) contre le ministère de l’Intérieur et l’Administration des contributions directes. Les deux communes contestent l’application de la réforme communale menée par Dan Kersch (LSAP) en 2016. La loi visant à mieux répartir les recettes de l’Impôt communal commercial (ICC) sur l’ensemble du territoire a sapé les ressources de ces deux municipalités accueillant nombre d’entreprises. En vertu de la loi du 14 décembre 2016, les recettes de l’ICC sont collectées dans le Fonds de dotation globale des communes (FDGC) puis réparties selon des critères incitatifs comme le nombre de logements sociaux.
Leudelange et Niederanven visent ici des décisions du fisc pour l’année 2020. Leudelange a levé cette année-là 25 millions d’euros de rentrées fiscales via l’ICC. La commune aux trois zones d’activités économiques a récupéré 8,7 millions du FDGC et 1,2 million par décision ministérielle. L’ICC levé à Niederanven a atteint 44,9 millions d’euros. La commune a touché 21 millions d’euros. Le 27 juin dernier, le tribunal administratif a débouté les deux communes. En 2020, Leudelange avait testé (à ses dépens) devant la Cour constitutionnelle la conformité de la loi Kersch au texte suprême. pso
… bin ich um den Schlaf gebracht
L’ambassadeur français à Berlin entre 1999 et 2007, Claude Martin, a pondu plus de 900 pages sur les relations franco-allemandes sous le titre (emprunté au poète Heine) Quand je pense à l’Allemagne, la nuit. Ce lundi, l’ancien diplomate était l’invité de l’Institut Pierre Werner pour présenter cet ouvrage. Il a probablement voulu flatter son audience (grisonnante) lorsqu’il loua, vers la fin de la conférence, le Luxembourg comme « trait d’union » et « cheville ouvrière entre la France et l’Allemagne ». Or, les Premiers ministres luxembourgeois sont quasi absents de ses mémoires. Au détour d’une phrase, Jean-Claude Juncker et Pierre Werner sont furtivement cités. Gaston Thorn, lui, fait une brève apparition à la page 299.
Cela se passe à l’automne 1984, lorsque le Luxembourgeois finit son mandat de président de la Commission européen : « J’avais gardé des réunions européennes dans lesquelles je l’avais rencontré dans ses fonctions précédentes le souvenir d’un esprit joyeux, subtil et facétieux. Je retrouvai un homme amer, et usé. » Lors de l’entrevue, Thorn se serait surtout plaint : L’Angleterre de Thatcher voudrait « déréglementer l’économie européenne […] en d’autres termes, défaire ce que nous avons eu tant de mal à construire, depuis trente ans ». Selon les mémoires (rédigées presque quarante ans après les faits), l’ancien Premier libéral se serait dit « content de passer la main », avouant à demi-mot être dépassé par la tâche : « La Commission est un lourd vaisseau. » Martin décrit l’impression que lui a laissé Thorn au Berlaymont : « Il était de petite taille, et paraissait lui-même perdu dans l’immensité de ce bâtiment aux couloirs sans fin ». Puis de commenter : « Le Luxembourg, malgré sa petite taille, avait toujours été un élément important dans l’Europe des Six, et un maillon précieux de la relation entre la France et l’Allemagne, dont il conjuguait les deux cultures. Le passage à une relation désormais triangulaire entre Paris, Bonn et Londres, l’avait désorienté. »
Claude Martin (photo : Institut Pierre Werner) donne à voir les coulisses de la politique internationale : Il relate ses conversations avec Merkel, Chirac, Sarkozy. Son témoignage, forcément subjectif, est truffé d’indiscrétions et d’anecdotes. (Les plus croustillantes mettent en scène Douste-Blazy trébuchant sur son propre égo à Bayreuth.) Martin s’affiche comme gaulliste pro-européen. Il dit son admiration pour Jacques Chirac, par exemple lorsqu’il évoque son opposition à la guerre en Iraq : « J’étais fier de mon pays. […] Il était l’intelligence contre la force. Quelque chose de l’enseignement du Général de Gaulle guidait encore nos pas » (p.726). Il revient longuement sur l’improbable bromance entre Chirac et Schröder, le dernier « couple » franco-allemand fonctionnel en date, après ceux formés par De Gaulle et Adenauer, Giscard et Schmidt et Mitterrand et Kohl. À lire les mémoires de l’ancien ambassadeur, on se rend compte que le Luxembourg comme intermédiaire (ou go-between) ne joue quasiment aucun rôle dans ces rapprochements, à l’inverse de la légende locale alimentée par la presse et l’historiographie officielle.
Martin ne cache par contre pas un certain dédain vis-à-vis de Nicolas Sarkozy qui privilégiait Washington à Berlin, sans réussir pour autant à établir une relation de confiance avec Obama qui lui préférera Merkel. « Nicolas Sarkozy avait visiblement du mal à s’entendre avec des interlocuteurs d’outre-Rhin, y compris ceux qui auraient dû être, politiquement, ses ‘amis’ », note Martin (p.825). « Il y avait heureusement une exception. Friedrich Merz, qui n’était plus qu’un fantôme dans le système merkelien, mais gardait de l’influence au sein du CDU, lui restait sympathique, ils se voyaient régulièrement. » Sous François Hollande, on aurait senti que le couple franco-allemand n’existait plus, la France ayant décroché économiquement, expliquait Martin ce lundi. Quant à Emmanuel Macron, ses discours européens seraient « trop compliqués » : « C’est bien pour Arte, mais ce n’est pas compris [par les Allemands] ». Berlin se soucierait surtout de l’équilibre budgétaire de la France, et interpréterait les allocutions de Macron comme typiques des « intellectuels français ».
Martin n’est pas un fan de l’élargissement de l’UE. Il reste nostalgique de l’Europe à Neuf, voire à Six. Ce lundi, il idéalisait la complicité et l’amitié de cette « communauté de destin » : « Ils étaient réunis dans une pièce grande comme un mouchoir de poche. Chacun retirait ses chaussures pour être à l’aise, tout le monde parlait français ». Cette proximité se serait perdue : « Comment faire pour que les 27 soient là au même moment ? Certains arrivent quand les autres partent. À 27 on ne peut pas être ensemble autour d’une table, sauf pour une photo. C’est un problème physique, il n’y a pas d’échange. Les sommets, ce sont des exercices d’affichage. »
Devant le public luxembourgeois, Martin a plaidé pour « retrouver un dialogue » avec la Russie et « ne pas rester à la confrontation éternellement ». Or, il s’est montré pessimiste quant à la faisabilité d’une politique étrangère commune : « On arrive à deux choses : des déclarations insipides et des sanctions. On condamne, on se préoccupe… » Il croit encore moins à la perspective d’une armée européenne : « La Bundeswehr se sent très à l’aise dans l’alliance atlantique », à l’ombre du grand allié américain. Et de rappeler les échecs de la brigade franco-allemande qui n’aurait jamais été une priorité à Berlin : « Il n’y a pas d’appétit, pas d’élan sentimental. Il n’y a même pas d’effort pour que les soldats français et allemands mangent ensemble. » bt
An Luxemburgs Wesen…
Le Handelsblatt fait l’apologie du système de l’indexation automatique des salaires. Dans un article paru ce mercredi le quotidien de Düsseldorf rappelle que de nombreux pays industrialisés connaissaient un tel mécanisme, appelé Cola (pour « Cost-of-living adjustment ») aux États-Unis ou Scala Mobile (« escalator ») en Italie, mais abolis à partir des années 1980. « Italien verzichtete vor dem Beitritt zur Europäischen Wirtschafts- und Währungsunion 1990 auf seine Scala Mobile. In Spanien erhielten laut Arbeitsministerium 2021 nur noch 16 Prozent der Arbeitnehmer Indexlöhne. In den USA war bereits 1995 der Anteil der Arbeitnehmer, die COLA genossen, auf 22 Prozent gefallen ». Avec son attachement à l’index, le Luxembourg faisait donc figure de passéiste. Seulement voilà, pour revenir à la mode, il suffit d’attendre. « Eine breitere Rückkehr der einst verfemten Index- oder Cola-Regeln könnte bevorstehen », se fait citer Stan de Spiegelaere de l‘université de Gand. Et veut pour indice de cette « renaissance » la victoire des travailleurs automobiles américains. Au bout de six semaines de grèves, les Unites Autoworkers viennent d’obtenir une augmentation des paies spectaculaire (25 pour cent sur quatre ans), couplée à une réinstauration de la Cola, l’index américain. bt