L’Essentiel note mardi dans une manchette que le conflit « entre Israël et le Hamas divise les élus ». Le quotidien gratuit dresse un rapide inventaire des postures affichées sur X (ex-Twitter). Laissons ici de côté, pour un temps au-moins, l’identité des personnes concernées afin de ne pas souffler sur les braises émotionnelles. La flamme de la guerre israélo-palestinienne et des ressentiments associés a été violemment ravivée le 7 octobre quand le Hamas a commis de nombreuses et inqualifiables atrocités sur des populations civiles juives, causant plus de 1 400 morts selon les Nations unies et enlevant 200 personnes, toujours retenues aujourd’hui.
L’attaque d’un degré de barbarie inédit suscite, bien naturellement, une vive émotion. Les bombardements massifs opérés par Tsahal sur Gaza, où sont retranchés les terroristes du Hamas, tuant et mutilant des milliers de Palestiniens innocents, provoquent le même effet. Cette émotion s’exprime sur les réseaux sociaux, souvent dans une infinie maladresse. Y compris par le personnel politique, qu’il soit membre d’une communauté religieuse ou guidé par une posture partisane. D’un côté l’on fait abstraction des massacres du 7 octobre. De l’autre, des morts de civils palestiniens. Insidieusement, l’on insiste sur les malheurs subis par les uns pour justifier ceux commis sur les autres en réponse. Certains faits sont détournés (d’autant plus que l’information est utilisée comme une arme de légitimation en temps de guerre). On sous-entend que des vidéos tournées à Gaza mettent en scène des enfants simulant la mort sous les linceuls. Que des clichés d’autres qui se baignent dans la Méditerranée signifieraient que l’armée israélienne veille bien sur le sort des populations civiles dans le cadre de son opération militaire. « Share the truth », est-il écrit dans un tweet. La vérité est que ces photos sont tirées d’un reportage de l’AFP documentant des familles lavant leur linge dans la mer parce qu’Israël a coupé l’eau aux 2,3 millions d’habitants de Gaza.
« It’s almost impossible to speak about it without emotion, no matter which side you’re on », explique le médecin expert en trauma et survivant de l’holocauste (ses grands parents ont été tués à Auschwitz), Gabor Maté. « Tant d’hystérie. Tant de douleur. Tant de traumatisme. Il devient difficile de mobiliser la partie rationnelle de notre cerveau quand nos émotions débordent », poursuit-il dans une vidéo diffusée sur Youtube cette semaine. Il le faut pourtant. D’abord parce que le code pénal prévoit jusqu’à deux ans d’emprisonnement pour qui « a contesté, minimisé, justifié ou nié l’existence d’un ou de plusieurs crimes contre l’humanité ou crimes de guerre ». La Cour pénale internationale investigue. Son procureur général, Karim Khan, identifie déjà comme très probables crimes les attaques du 7 octobre ainsi que le refus par Israël de permettre une aide humanitaire, ce dont il a témoigné en personne lundi, se cognant aux portes de Rafah, frontière entre l’Égypte et Gaza. Sans parler des 400 enfants tués quotidiennement par les bombardements ou les autres qui succombent ou s’apprêtent à succomber faute des besoins élémentaires (hygiène et eau).
Les propos pernicieux ou ambigus sur toutes les exactions commises ces jours-ci au Proche-Orient polarisent jusque dans nos rues. Mercredi, une vidéo montre des jeunes vociférant un chant antisémite dans le métro parisien. Dans la capitale française encore, des graffitis d’étoiles de David font croire à un retour aux heures les plus sombres de l’histoire (la justice française n’écarte toutefois pas un signe de soutien à Israël). « Même nous, civils ordinaires, on doit veiller à ne pas alimenter l’emballement », confiait l’internationaliste (et candidat déi Lénk aux dernières élections), Michel Erpelding, au Land la semaine passée. Pour ceux qui vivent encore, les otages israéliens et les Gazaouis, rattachons-nous maintenant à l’espoir d’un cessez-le-feu demandé par les voix les plus sages. Gabor Maté ou Dominique de Villepin. Dans des interventions publiques remarquées ces derniers jours, l’ancien Premier ministre français, peu soupçonnable d’islamo-gauchisme, rappelle que « la guerre contre le terrorisme n’a jamais été gagnée nulle part et qu’au contraire elle enclenche des engrenages dramatiques ». Le renvoi de fautes et de responsabilités, est une impasse, dit-il avant de conclure : « Avançons dans la paix. C’est l’intérêt d’Israël ». Et certainement de tous.