En novembre 2023, Alice Welter, diplomée en communication à l’Université de Metz, créait L’Effrontée, le « premier média féministe luxembourgeois », sur Instagram. Elle y met en évidence les inégalités que vivent les femmes au Luxembourg et ailleurs. C’est pour elle d’abord un moyen de répondre au sexisme qu’elle a subi.
Depuis, la plateforme compte plus de mille abonnés et s’est installée comme chien de garde face aux discours sexistes dans les médias luxembourgeois. « Les femmes sont peu représentées parmi les journalistes et quasi-absentes quand on donne la parole à des spécialistes, surtout en matière d’économie, de politique ou de sport », note-t-elle. Ses publications pointent par exemple l’objectisation du corps des femmes dans la presse.
Les témoignages de femmes confrontées au sexisme, aux abus et aux violences gagnent en importance sur L’Effrontée. Les messages reçus reflètent que ces problématiques restent bien présentes au Luxembourg. Les envois démontrent aussi un besoin de partage et de dialogue. Aussi, Alice Welter accorde une grande importance à lire, valoriser et répondre aux histoires que lui confient plusieurs femmes chaque jour, spontanément ou à la suite d’appel à témoignage, sur le harcèlement, le sexisme au travail et les violences gynécologiques.
Les récits sont frappants et incitent à la réflexion sur l’état des droits et de la sécurité des femmes au Luxembourg. Par exemple, les recommandations du Conseil scientifique du domaine de la santé au Luxembourg », ne sont pas systématiquement appliquées » constate Welter. L’Effrontée partage l’expérience de Sarah dont un gynécologue a exigé qu’elle soit complètement nue pour un contrôle, ou celle de Morgane qui raconte qu’une sage-femme lui a sauté sur le ventre pendant son accouchement. (Les deux prénoms, comme tous ceux qui apparaissent sur la page, ont été modifiés.)
L’Effrontée s’exprime également sur les actualités plus internationales, angle essentiel pour comprendre la montée des tendances conservatrices, surtout chez des jeunes hommes (de la Gen Z). L’autrice y voit l’impact de la popularité d’influenceurs et de personnalités politiques aux discours masculinistes, alimentés de misogynie, de racisme et de transphobie, comme ceux qui ont touché la boxeuse Imane Khelif pendant les JO. Ces discours caricaturent les revendications féministes et les considèrent comme un enjeu pour les hommes. D’ailleurs le choix du nom L’Effrontée permet à l’autrice de se réapproprier ce mépris. « Chaque fois que je contestais des propos sexistes, on me disait que j’étais effrontée », explique-t-elle.
Avec L’Effrontée, Alice Welter veut briser la loi du silence qui régne encore face aux violences, parfois pernicieuses, subies par les femmes au Luxembourg. La fatigue qu’expriment beaucoup de ses interlocutrices la révolte et la pousse à agir. « J’ai de moins en moins envie de me taire, même si je ne suis pas sûre d’être écoutée. »