So far, jusqu'à présent, sans garantie, tellement loin...

Terre humaine ?

d'Lëtzebuerger Land vom 12.02.2016

Le Casino Forum d’art contemporain, rue Notre-Dame, est actuellement fermé pour travaux. On imagine les murs et cloisons en train d’être déplacés ou de tomber pour livraison du nouvel espace d’exposition, plus dynamique et e.a. pourvu d’un espace de restauration, au mois de mars. En attendant, Kevin Muhlen, son directeur artistique, et commissaire de la présente exposition, propose une expatriation – au sens large du terme, dans un lieu antinomique à souhait : le « Konschthaus Beim Engel ». Cette maison du cœur historique de Luxembourg, avait été mise, si l’on peut dire, en état d’esprit vieille ville et moyenâgeux lors de la première mise en valeur à visée touristique de Luxembourg il y a plus de trente ans, c’est-à-dire il y a belle lurette.

Elle est restée en l’état. Inappropriés sont donc les murs crépis, les poutres, les escaliers à vis et la pénombre pour une exposition sur le futur ? Une fois qu’on s’est habitué à cet espace anti-white-cube par excellence, car il semble effectivement plus tendance macramé et poterie artisanale qu’art contemporain – on saluera d’emblée la mise en espace de Kevin Muhlen là où il ne manque que l’odeur de fumée de cheminée... Attention donc à ne pas rater une marche ou perdre le fil de l’exposition pour cause de repères spatiaux aléatoires…

Une fois ces embuches passées, on pourra prendre connaissance de la vision des élèves de la Haute École des Arts de Strasbourg (plus simplement HEAR) qui a fait plancher une classe d’étudiantes vidéastes sur le futur de l’homme et de la planète. Mais avant d’aborder le cœur de l’exposition, on reprochera encore l’aspect esthétique du dépliant destiné aux visiteurs et son côté abscond, « la » tendance art contemporain. Le titre de l’exposition pour initiés est : So far, jusqu’à présent, sans garantie, tellement loin… Or, en fait, tout un chacun, jeune et moins jeune, via les moyens de communication actuels, dont ceux des réseaux sociaux et la soif de vie près des sensations et des sentiments, à l’exact opposé des modes de travail déshumanisés de la plupart d’entre nous actuellement, est au faîte du questionnement sur l’avenir de la planète et des menaces écologiques.

Il est donc très intéressant de pouvoir s’intéresser à comment, de jeunes vidéastes abordent les différents aspects de notre monde fatigué et de sa sauvegarde : il faut le prendre à bras le corps. Le mot est lâché. Le corps ! Corps de nous, êtres humains, mais pas seulement, car il n’en est qu’un parmi autant d’expressions de la vie de la planète Terre. Depuis ses tréfonds géologiques à l’azur qui l’entoure avec le ciel, le vent et les nuages.

On ne peut citer ici que quelques-unes des vidéos à voir. Il faut le temps qu’il faut pour s’immerger dans ce type de performances : écouteurs et coussins antifatigue sont heureusement mis à disposition des visiteurs. Pour regarder p. ex. en arrière-plan de Me & You d’Alice Durel, les glaciers fondre et s’effondrer. Elle danse, corps bien présent aux hanches qui bougent, au rythme de la disparition du Grand Nord. Les ondes sont invisibles, comme le chemin inconnu lors de la recherche à l’époque de la découverte des tombes des pharaons dans les pyramides… D’où le titre On avait l’impression d’être des chercheurs en Égypte donné par Laura Burucoa, Lucie Castel, Gabrielle Meistretty et Anouk Moyaux à leur recherche sur le maillage d’un territoire par les ondes telluriques.

Hortense de Boursetty, elle, présente Expériences préparatoires pour une pièce dansée. La danseuse découvre que lovés à plusieurs, les corps des danseurs ressemblent à la horde animale primitive... Ailleurs, on est au ciel : avec Aeolien Arp, une installation a priori complexe faite de la projection de l’enregistrement des nuages dans le ciel. Le vent qui pousse les nuages est simulé dans l’installation par des ventilateurs qui effleurent les cordes d’une harpe. Les sons ainsi générés sont amplifiés et tournent dans la maison « Beim Engel »… Mayssa Jaoudat est en quelque sorte l’enseigne de l’exposition. À voir et ressentir jusqu’au 21 février prochain.

L’exposition So far, jusqu’à présent, sans garantie, tellement loin…, est à voir jusqu‘au 21 février 2016 au Konschthaus Beim Engel, 1 rue de la Loge, 1945 Luxembourg-ville. Heures d‘ouverture : mardi, mercredi, vendredi, samedi, dimanche : 10 h 00 - 19 h 00, jeudi : 10 h 00 - 20 h 00. Fermé lundi. Visites guidées : Une visite guidée gratuite de l‘exposition est proposée le dimanche 14 février 2016 à 16 h 00. Les jeudis 4 et 18 février 2016 à 19 h 00, les étudiants proposent une visite commentée de leurs travaux. Réservation souhaitée par T (+352) 22 50 45 ou visites@casino-luxembourg.lu. info : info@casino-Luxembourg.lu et www.casino-Luxembourg.lu
Marianne Brausch
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