Cinéma

Another summer of love

d'Lëtzebuerger Land vom 23.02.2018

Adolescent indolent, Elio (Timothée Chalamet) passe son été dans la propriété familiale, une demeure italienne d’un autre âge. Domestiques dévoués, parents intellectuels (Amira Casar et Michael Stuhlbarg), piano, livres et petite amie à disposition, c’est une belle saison pour s’ennuyer élégamment. Oliver (Armie Hammer), un étudiant de son père, se joint à la famille pour quelques semaines afin de travailler à son doctorat et assister son professeur d’archéologie. On est en 1983, la mode est aux shorts très courts, aux sacs Invicta et aux chaussettes tennis, Oliver lance des « Later! » à tout-va, danse avec les jeunes femmes, nage et étudie avec la même légèreté. Elio observe la nonchalance du jeune américain, envie son corps si libre et si athlétique, lui si frêle et si peu alerte. Alors, à travers les portes de leurs chambres communicantes, sur les places vides des villages alentours et sur les chemins caniculaires, les deux hommes tentent de faire taire leur désir.

Après la haute bourgeoisie (Amore, 2009) et le couple artistique (A bigger splash, 2015), Luca Guadagnino scrute le milieu universitaire dans Call me by your name. Ces observations se partagent le même point de départ : l’arrivée d’un personnage extérieur qui va tout bouleverser. Le scénario, écrit par James Ivory d’après le roman d’André Aciman, suit le point de vue du jeune Elio : une direction « coming of age » que n’avait pas encore véritablement exploité le cinéaste. À travers le corps longiligne de son personnage, ses errements à travers les pièces, il épouse parfaitement la cause adolescente, en suspens. Le jeune Timothée Chalamet, nouvelle sensation franco-américaine découverte dans la série Homeland, possède toute l’innocence et la curiosité de cet âge charnière et Guadagnino ne se lasse pas d’en filmer tous les contours. Face à lui, plus mature mais tout aussi surpris de son désir, Armie Hammer, semblable aux Appolons qu’il étudie, fascine tout autant le réalisateur. Épaulé par le chef-opérateur thaïlandais Sayombhu Mukdeeprom, Guadagnino s’attendrit sur les à-côtés de la séduction, ces heures perdues à flâner, ces regards qu’on ne veut pas donner, ces espérances avortées. Le film se construit dans l’attente et les temps morts, une prise de position qui fonctionne jusqu’à un certain point.

Car si l’on comprend aisément où le cinéaste veut nous emmener, en utilisant une dramaturgie basée sur les personnages et une esthétique mêlant réalisme et poésie, certains appuis utilisés, comme la présence bienveillante des parents, s’avèrent redondants et finalement contradictoires. Elio, puisqu’il s’agit principalement de lui, ne rencontre pas d’empêchement. Le tourment qui l’anime paraît, après épuisement de tout son jeu, plutôt vain. La couleur, le ton, tout est beau mais que reste-t-il de cet amour ? Il aurait fallu davantage de consistance, à défaut d’un certain engagement, que ce joli portrait mélancolique d’un été où parait l’amour pour donner plus qu’une impression.

Marylène Andrin-Grotz
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