Commentaire

D’Maus Kätti kënnt an d’Stad

d'Lëtzebuerger Land du 06.12.2013

« La culture est ce qui reste quand on a tout évacué », semblaient se dire, en détournant légèrement la citation d’Édouard Herriot, les négociateurs du DP, du LSAP et des Verts, car ce ne fut que lors du tout dernier briefing pour la presse, vendredi dernier, 29 novembre, que le formateur du nouveau gouvernement et désormais Premier ministre Xavier Bettel (DP) en toucha le premier mot, promettant vaguement quelques réformes administratives dans le domaine. Et que c’était son parti qui allait récupérer ce portefeuille, après trois décennies de règne du CSV au boulevard Roosevelt. Que les libéraux étaient intéressés au ressort n’était plus un mystère depuis que sa candidate, la danseuse et chorégraphe Sylvia Camarda avait annoncé, dans le Woxx, qu’elle visait le ministère ; élue cinquième sur la liste du DP Sud, elle n’avait pourtant guère de chance de décrocher le pompom, tout comme Guy Daleiden, le directeur du Film Fund, également intéressé au poste – mais son résultat ne lui permit même pas d’en rêver. Membre de la délégation libérale dans les négociations de coalition, ce dernier a par contre largement contribué à la rédaction du programme culturel.

Dès la confirmation d’un mandataire libéral à la Culture, certains militants socialistes, surtout les plus jeunes et les plus cultivés, s’indignaient sur les réseaux sociaux et dans les dîners en ville que leur parti ne se soit pas engagé davantage pour récupérer ce ministère, afin de renouer avec le mythe de l’ère Krieps des années 1970. Mais Romain Schneider, le ministre sortant du Nord, voulait absolument rester ministre des Sports – un autre domaine dans lequel on peut être très populaire comme ministre – et c’était soit l’un, soit l’autre.

Mais quel ministre libéral allait pouvoir – ou, dans ce cas, vouloir – reprendre ce ministère ? Xavier Bettel lui-même, lui qui aime se montrer aux vernissages et aux événements mondains ? Durant quelques jours, il laissait régner un certain flou sur la question, avant que l’hypothèse Maggy Nagel ne se confirme. Dès mardi, c’était donc acquis : la maire de Mondorf-les-Bains est la nouvelle ministre de la Culture (et du Logement). Et immédiatement, le monde culturel se déchaîna : qui est Maggy Nagel ? Parmi les faits d’armes culturels de cette quinquagénaire qui cite la bonne chaire comme un de ses hobbies sur le site du DP, on se souviendra qu’elle avait prêté une robe à Montserrat Caballé il y a quelques années à Echternach et peut-être l’une ou l’autre présence à des concerts et vernissages à Mondorf. Mais sinon ? Elle admire Christophe Colomb, Nelson Mandela et John Grün, apprend-on encore, ou qu’elle écoute Adamo et assiste chaque année aux Bayreuther Festspiele pour entendre Wagner. Maggy Nagel succède donc à Octavie Modert (CSV), autre élue de l’Est, avec le même statut d’inconnue dans le secteur que sa prédécesseure.

Maggy Nagel doit sa fonction de ministre surtout à son bon score électoral aux élections du 20 octobre, où, tête de liste à l’Est, elle a opté pour une campagne de proximité plutôt qu’une campagne médiatique. Gagnant 3,21 points de pour cent par rapport à 2009 pour le DP, elle a surtout réussi à décrocher un deuxième siège dans une circonscription traditionnellement dominée par le CSV. Maggy Nagel, qui a arrêté l’école après l’enseignement secondaire passé au Fieldgen, pour apprendre la politique en tant que secrétaire communale du mythique Will Bertrand à Burmerange (la patrie de Maus Kätti, à qui la Ville de Luxembourg consacre actuellement une exposition au Cercle-Cité), puis s’est consacrée exclusivement à la politique – maire de Mondorf, la ville du Casino 2000 et du domaine thermal, depuis 1996, députée de 1999 à 2004 –, est une proche de Xavier Bettel. Et partage avec lui un certain scepticisme vis-à-vis des élites culturelles. Et vice-versa : depuis le début de la semaine, l’on moque son amour pour le clinquant, les couleurs et les bijoux.

Le programme culturel de la coalition DP-LSAP-Verts pourtant n’est pas si mal, assez détaillé sur tout ce qui est financement de la culture, transparence des aides, procédures administratives (un audit du ministère et la remise en question de tous les conventionnements doivent réévaluer les anciennes habitudes), inclusion, accès à la culture et statut de l’artiste. Mais il se pourrait aussi qu’en cette période d’austérité, le ministère de la Culture s’avère être un cadeau empoisonné : il n’y a plus l’argent de l’ère Hennicot pour lancer de grands projets d’infrastructures. Seuls seront terminées les Rotondes et la nouvelle Bibliothèque nationale, relancés l’aménagement de la Halle des soufflantes et les nouvelles Archives nationales.

josée hansen
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