Maux dits d’Yvan

Le corbeau et les vautours

d'Lëtzebuerger Land du 19.03.2021

Au Luxembourg, les hôpitaux se prennent pour de vulgaires équipes de foot. Au moindre couac, on vire l’entraîneur, respectivement le directeur. Le futur ex-directeur des Hôpitaux Robert Schuman, Claude Schummdech, comme feu le Feierkrop l’aurait sûrement apostrophé, aurait donc obligé président et vice-présidents à se faire vacciner, tout en organisant seul, en secret, l’achat de vaccins supplémentaires. Mais si on est toujours en manque de doses de vaccins, on a déjà atteint l’overdose de cynisme, sans le bénéfice, il est vrai, d’une quelconque immunisation contre une cascade d’erreurs. Mais à ce stade, l’erreur est devenue une faute, car il ne s’agit plus simplement d’une mauvaise appréciation technique, mais bel et bien d’une bavure morale avec tout ce que cela charrie de bassesses humaine et éthique. Et voilà que le collège médical et le Parquet sont invités à s’en mêler pour démêler les fils qui apparaissent au fur et à mesure qu’on tire sur la pelote. À commencer par les conflits d’intérêts entre cabinets d’avocats et cabinets de médecins, entre conseil d’administration et conseils juridiques, entre Association des médecins et associations de médecins. Marc Glesener, le communicant en chef de l’AMMD, n’a-t-il pas félicité Glesener Marc, le communicant en chef des HRS, pour avoir commandé des vaccins supplémentaires ?

Les rares médecins rescapés de l’ancienne Zithaklinik qui continuent à œuvrer aux HRS se souviennent avec nostalgie du fameux Zithageescht qui s’est transformé en fantôme pour hanter et empoisonner l’atmosphère. Dernière preuve en date : la fameuse lettre anonyme qui dénonce la situation de mobbing et de malveillance qui règne au Kirchberg. Ce n’est pas par hasard qu’elle est « signée » E.R., ces initiales signifiant bien en allemand le er, le « il » donc, qui prend la place du « je ». En ce sens, elle est symptomatique du fonctionnement des HRS au plus haut niveau. Personne ne parle plus à la première personne ; tout le monde s’appelle désormais Ulysse et chuchote « mon nom est personne », tout en pointant du bout des doigts les « ils », les boucs-émissaires. On ne dit plus : « je me suis fait vacciner », on proclame : « il m’a fait vacciner ». Le corbeau s’est invité chez les vautours qui volent autour des malades pour leur voler, sinon leur mort, du moins leurs doses. On se souvient du corbeau de l’affaire Gregor, pardon Grégory, on se souvient aussi du chef d’œuvre de Clouzot où un anonyme dénonce le bon docteur Germain.

Cette atmosphère délétère n’est pas sans rappeler les élections régionales en Allemagne de dimanche dernier. La CDU, qui se réclame comme les HRS des valeurs chrétiennes, a été sévèrement sanctionnée parce que certains de ses responsables, et non des moindres, se sont enrichis en profitant de la crise sanitaire. Commissions touchées sur des vaccins à l’est de la Moselle, accès privilégié aux vaccins à l’ouest de la Moselle. Question d’argent au levant, question de vie et de mort au couchant. La pandémie, décidément, révèle, comme un prisme, les inégalités et finit par les accentuer : ceux qui risquent de pâtir de la crise vont en crever, ceux qui ont les moyens d’en profiter s’enrichissent et/ou en réchappent. Mais quoiqu’il en soit, contrairement à la France d’avril 68, le monde ne s’ennuie plus. Le réveil risque d’être brutal et plus dure en sera la chute. À bon entendeur salut!

Yvan
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