Arts plastiques

Au fil de l’eau

d'Lëtzebuerger Land vom 12.06.2020

On pourra aller voir, jusqu’au 18 juillet, la production la plus récente de Summer Wheat rue Saint-Ulric, qui coïncide avec une grande exposition personnelle au Kemper Museum à Kansas City. Summer Wheat (blé d’été, cela ne s’invente pas), n’est ni afro-américaine comme beaucoup d’artistes de la galerie Zidoun-Bossuyt, ni amérindienne, malgré sa naissance dans l’État de l’Oklahoma.

Comme sa peinture est haute en couleurs, cela fait dire, dans le texte qui accompagne son exposition Shallow Water, qu’elle a quelque chose en commun avec la palette et les aplats colorés de Matisse, ses découpages, que les profils anguleux de ses figures féminines tiennent de Picasso, voire qu’il se dégage en général, comme une impression archaïsante rappelant les hiéroglyphes égyptiennes…

On abordera plutôt d’abord sa technique très particulière pour approcher l’aspect formel de son travail. La peinture acrylique est appliquée au couteau et à la douille de pâtisserie, sur l’arrière d’une fine toile quadrillée en aluminium. Une technique surprenante qu’a développée Summer Wheat, qui s’apparente, pour mieux l’illustrer, aux passages successifs des couleurs sur les presses du lithographe et bouche les trous. Il en résulte un aspect de broderies.

Effet garanti, quand Summer Wheat semble aussi avoir une très bonne connaissance de l’Oklahoma, où elle est née en 1977 et où elle a étudié, même si elle vit à New York depuis 2009. Les sujets de ses tableaux sont comme autant de récits. La conteuse est une femme contemporaine (elle-même ?) qu’elle nous invite à suivre, quittant ses fourneaux pour ensuite dériver vers un univers aquatique, partant d’une casserole sur la plaque de cuisson dont l’eau se renverse (Macaroni and Cheese, Spilling Over).

L’eau qui déborde descend alors joyeusement en cascade comme d’étage en étage de fontaines : nous voilà devant des totems où se superposent des animaux de l’Oklahoma et emblématiques de la culture amérindienne : la grenouille, le crotal, des fruits aussi, comme la fraise, et des poissons. La petite silhouette de femme, tout en haut de cette pyramide, est joyeusement portée par le jet d’eau.

Ailleurs, dans des grands tableaux épiques, des femmes s’activent en groupe à pêcher du poisson, capturer des crabes et des homards. L’interprétation contemporaine voudrait que ces femmes, échappées de la cuisine, s’adonnent à une activité masculine (Manual Labor, Pulling Crab Legs), ce qui colle à notre époque. Mais on pourrait dire aussi que ces femmes (Downpour) seraient elles-mêmes la source des cours d’eau, des fleuves et des lacs, nombreux dans l’Oklahoma. C’est en tout cas, si on revient à la technique de Summer Wheat, qui évoque des tapisseries anciennes, un joli hommage aux femmes façon chanson de geste.

L’exposition Shallow Water de Summer Wheat, est à voir jusqu’au 18 juillet à la galerie Zidoun-Bossuyt, 6, rue Saint-Ulric, à Luxembourg-Grund ; www.zidoun-bossuyt.com.

Marianne Brausch
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