Misery au Théâtre des Casemates

Scream

d'Lëtzebuerger Land vom 19.07.2001

Stephen King. Après Carrie, la jeune possédée, Christine, la voiture vengeresse, Chucky, la poupée qui tue et plein d'autres, Stephen King, l'auteur du fantastique plutôt gore a, avec Misery, mis sur pied une histoire crédible et de ce fait encore plus effrayante. Un auteur à succès, Paul Sheldon perd connaissance et subit plusieurs fractures des jambes lors d'un accident de voiture au milieu de la campagne américaine, c'est-à-dire au milieu de nulle part. Il est recueilli par une femme seule, étrange et absolument fan des romans de Sheldon - drôle de coïncidence... Le nom de cette femme : Anni Wilkes. Elle le soigne durant des semaines pour en fait se l'approprier, cet homme aimable qui ne se rend pas bien compte de la folie d'Anni.

Il s'avère, au fil de l'histoire, qu'Anni s'identifie littéralement à Misery, l'héroïne principale de Sheldon. Seulement Paul Sheldon a changé de registre et ne souhaite plus écrire les aventures de Misery. Dans son dernier roman, il fait mourir Misery ce qui rend Anni complètement malade. Et c'est ainsi que cette dernière séquestrera Paul Sheldon et lui mettra la pression afin qu'il fasse ressusciter Misery...

Une histoire très dense avec beaucoup de rebondissements et de suspens. En 1990, Rob Reiner avait déjà mis à l'écran l'histoire de Anni Wilkens et Paul Sheldon et ce ne fut pas chose facile, étant donné la forme de huis clos qui construit cette histoire. Reiner qui s'était aussi accolé à Stand By Me a évité de confiner Misery à un théâtre filmé. Aujourd'hui c'est Simon Moore qui tente le même exercice et ce au théâtre. Encore plus difficile, semble-t-il. Le Théâtre des Casemates a monté la pièce dans la traduction allemande de Frank Küster. 

L'histoire, dans les moindres détails est conservée, d'ailleurs le seul reproche qu'on pourrait faire à cette mise en scène, c'est de s'être trop attaché au film de Rob Reiner. Les scènes entre les deux personnages se suivent exactement selon le schéma du film.

Le décor est sobre et recrée parfaitement le cadre effrayant dans lequel vit Anni. Un lit dans lequel est allongé le gigantesque comédien, à savoir Patrick Colling - qui réussit d'ailleurs une belle performance. Il est éblouissant dans sa frayeur et dans son ultime énergie de vouloir échapper à l'enfermement de son hôte plutôt dérangée. En l'absence de celle-ci, il se lève du lit, parcouru de spasmes de douleur, se traîne par terre pour sauver sa peau. Et là, sincèrement, le spectateur est impliqué dans l'ambiance de la pièce. 

Christine Reinhold, qui incarne Anni Wilkens, est tout aussi crédible. Elle devient, au fil de l'histoire de plus en plus folle, elle accentue cette déviance en inventant à son personnage de nombreux tics. Elle se gratte frénétiquement la tête, elle se touche avec insistance la bouche dès qu'elle le peut. En plus de ça elle a une voix tellement modulable, qui devient rauque et grave quand elle le souhaite, qu'elle en devient maléfique. Pile poil ce qu'il faut pour du Stephen King. 

Les relations entre les deux personnages sont cependant un peu déconcertantes ; lorsqu'ils se parlent tous les deux, ça se passe de façon crédible, mais lorsqu'il s'agit de réagir aux réactions de l'un et de l'autre successivement, il y a un peu de décalage. Soit les deux comédiens en rajoutent un peu trop et leur jeu paraît faux, soit ils ne s'écoutent pas, réagissent trop vite ou pas assez et leur jeu paraît un peu décousu. Mais dans l'ensemble, ils savent garder l'attention du public et maintenir la tension du thriller.

En tous cas, la pièce qui se joue donc actuellement au Kasemattentheater, dans le cadre du festival d'été à Luxembourg, est un moment de théâtre étrange tout comme l'est son contenu, son histoire mais un moment de théâtre intéressant. Il s'agit plus d'un exercice de mise en scène, qui ne devient cependant pas trop expérimental mais qui sort tout de même de l'ordinaire. Le metteur en scène Jörg Zick a su, tout en s'amusant lui-même (on ose le croire), préserver le caractère humain de cette histoire fantastique qui pourrait facilement être déshumanisée et devenir grotesque. 

 

Misery selon le roman de Stephen King, adapté pour le théâtre par Simon Moore, traduction de Frank Küster ; mise en scène : Jörg Zick ; avec : Christine Reinhold et Patrick Colling ; décor : Patrick Colling et Alex Thil ; production : Théâtre des Casemates. Prochaines et dernières représentations ce soit et demain, samedi, à 20 heures à la Salle Tun Deutsch, 14, rue du Puits à Bonnevoie. Téléphone pour réservations : 29 12 81.

 

Karolina Markiewicz
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