Recevoir un rappel de Facebook qui nous invite à souhaiter l’anniversaire d’une personne décédée depuis plusieurs années est presque aussi triste que de se rendre compte que des messages ont été postés pour le faire. Dans le monde des jeux vidéo, disposer de plusieurs vies permettait de ne pas recommencer complètement sa partie de Zelda ou de Mario à chaque échec. Avec les réseaux sociaux, surtout ceux dont la pyramide des âges est vieillissante, l’utilisateur simplement inactif ne se distingue pas beaucoup de celui qui a passé l’arme à gauche, et dont l’existence numérique peut se poursuivre ad vitam aeternam.
Quand mes enfants me demandaient « pourquoi meurt-on ? », je leur répondais que c’était pour faire de la place. Je n’ose pas imaginer la file d’attente du matin pour profiter de la salle de bain s’il fallait partager notre maison avec les générations précédentes qui y ont vécu. Ceux qui ont occupé les lieux avant nous les ont définitivement quittés, et l’on peut espérer qu’aucune résurrection n’est prévue dans les prochaines décennies. Sinon, la crise immobilière sera carabinée. Sans parler de la lutte pour trouver une place au parking du Knuedler un samedi après-midi.
Les démographes estiment à environ 80 milliards le nombre d’êtres humains à avoir vécu sur Terre. Pour ceux qui ne circulent pas tous les jours sur l’autoroute A31, on ne se rend vraiment compte de ce que cela représente que lorsque les vacances commencent. Les mois d’été offrent en effet de nombreuses occasions d’entretenir sa misanthropie ou son agoraphobie : embouteillages monstres, sites touristiques saturés, plages ou l’on n’arrive plus à poser un orteil entre les serviettes, concerts et festivals au public tellement dense que vous ne pourrez espérer voir la scène qu’à travers les écrans des centaines de smartphones brandis devant vous. Depuis le check-in à l’aéroport, en passant la file pour le péage, la lutte pour un transat au bord de la piscine, jusqu’aux restaurants où les réservations pour une table familiale ne sont possibles qu’avant 19h ou après 23h… Comme chaque année, il n’y aura que la météo luxembourgeoise pour ne pas nous faire regretter d’être parti.
Comment faire pour que chacun trouve sa place, en attendant de découvrir d’autres planètes où s’installer ? Plutôt que voter pour des extrêmes dont le programme politique se résume à considérer que tous vos malheurs personnels sont causés par des étrangers, il y a une solution, toute bête, mais qui demandera un minimum de collaboration de tous : devenir petits. Pas en passant dans une machine comme dans Chérie, j’ai rétréci les gosses, ni comme votre pull en cachemire dans le lave-linge. Simplement par sélection génétique, comme on a réussi à créer un chihuahua à partir du loup.
Imaginez si l’on mesurait et pesait tous vingt à trente pour cent de moins qu’aujourd’hui. On pourrait vivre à l’aise dans des logements de taille réduite. Des voitures moins grosses et moins lourdes consommeraient moins d’énergie, circuleraient plus facilement sur des routes proportionnellement plus grandes et seraient plus faciles à garer. On consommerait également moins pour se nourrir ou se vêtir. Notre empreinte carbone serait diminuée, pour une qualité de vie équivalente (exception faite de cette satanée dernière étagère de la cuisine, de laquelle il est toujours périlleux d’extraire l’appareil à raclette). Beaucoup serait résolu si nous mesurions en moyenne 1 mètre 30 de haut pour quarante kilos. Repensez-y quand vous serez coincés dans l’ascenseur qui vous remonte du Grund le soir du Blues’n Jazz Rallye. Cela devrait prendre quelques milliers d’années, donc autant commencer sans attendre.