Italie

Quo vadis, Italia ?

d'Lëtzebuerger Land vom 11.11.2022

Il y a deux semaines, Giorgia Meloni obtenait le vote de confiance de la part de la Chambre et du Sénat italiens. La coalition de droite composée des partis Fratelli d’Italia, La Lega et Forza Italia détenant la majorité des sièges au parlement, ce résultat n’a rien d’inattendu. 

Giorgia Meloni est ainsi devenue la première femme à la tête de l’Italie : la première Présidente du conseil des ministres du pays, ou comme elle préfère être appelée, « le » Président du conseil. Cette insistance à se faire désigner ainsi, a poussé certains de ses adversaires, en particulier féministes, à y voir un signe d’un gouvernement machiste, argument qu’ils soulignent en montrant du doigt le peu de postes occupés par des femmes dans le nouveau gouvernement Meloni. En effet, on ne compte que six femmes, sur un total de 24 postes de ministres.

À 45 ans, Giorgia Meloni est active dans la politique depuis trente ans déjà. C’est donc depuis l’âge de quinze ans et au lendemain de l’attentat terroriste de la via Amelio perpétré en 1992 par la mafia sicilienne, qu’elle a pris la décision de se lancer dans la politique. Durant sa jeunesse elle avait entre autres affirmé que Benito Mussolini était un bon politicien. Ses commentaires, ainsi que ses opinions ultra-catholiques et peu tolérantes ont poussé la presse et les politologues à craindre une tournure drastique de l’Italie vers l’extrême droite. 

En 2012 Giorgia Meloni a fondé le parti populiste de droite Fratelli d’Italia avec Guido Crosetto et Ignazio La Russa. Ce dernier a été élu président du Sénat le 13 octobre tandis que Guido Crosetto est aujourd’hui ministre de la Défense. La Russa est un politicien controversé qui s’est toujours fièrement présenté comme postfasciste. Ce choix, ainsi que l’élection de l’ultra-catholique Lorenzo Fontana à la tête de la Chambre, n’a fait que confirmer les craintes sur le futur de l’Italie.

Cependant Giorgia Meloni s’est montrée plutôt modérée dans son premier discours à la Chambre. Durant ces 70 minutes, elle a également rassuré l’opposition en affirmant que même si l’Italie devait se montrer plus indépendante et forte, le pays ferait toujours partie des alliés de l’Ouest. Affirmation qu’elle a également répétée durant sa première visite internationale en tant que Présidente du conseil à Bruxelles. Vers la fin de son discours elle s’est explicitement défendue contre les « unes » des journaux internationaux qui n’ont cessé de la désigner comme étant postfasciste. Elle souligne son détachement et son manque de sympathie envers les régimes anti-démocratiques et donc également envers le fascisme. 

La semaine dernière, lors de la marche fasciste en l’honneur du centenaire de l’ascension au pouvoir de Mussolini le 31 octobre 1922, Meloni a préféré s’occuper d’une rave party à Modène, ignorant complètement la marche et se concentrant sur l’interdiction de grands rassemblements, ce qui a suscité une nouvelle polémique. De son point de vue, les raves, et événements similaires, posent de grands problèmes et causeraient des dépendances à l’alcool et aux drogues chez les jeunes. Les idées que Giorgia Meloni a exprimées dans son premier discours, se reflètent ici : le manque de soutien apporté aux jeunes et l’objectif de remettre la famille – traditionnelle, telle que la politicienne l’entend – au centre de la société italienne. Giorgia Meloni, comme Lorenzo Fontana, a une notion très conservatrice de ce qu’est et doit être une famille. Tous deux ont également cité le pape dans leurs premiers discours de leurs mandats respectifs. Les idées du nouveau président de la Chambre sont manifestement homophobes et anti-immigration. 

Un des thèmes qui a d’ailleurs le plus été commenté à l’étranger n’est pas l’objectif de Giorgia Meloni de lutter contre la mafia et la corruption, mais l’intention de la politicienne de reprendre le combat contre les ONG et leurs bateaux qui portent secours aux migrants provenant du continent africain. Elle affirme que ce combat n’est pas orienté contre les demandeurs d’asile mais qu’elle veut mettre fin à l’immigration illégale. 

Une autre priorité du programme du nouveau gouvernement est de trouver une solution aux augmentations extrêmes du coût de l’énergie. Ces augmentations vont bien entendu de pair avec la crise climatique et la guerre en Ukraine. La politicienne de Rome a d’ailleurs exprimé son soutien envers le peuple ukrainien. 

Ce dernier point avait accentué la discorde avec son allié Silvio Berlusconi, qui avait peu de temps auparavant clamé ouvertement sa sympathie envers Poutine ; avis qu’il a renié depuis. Déjà au début de la législature, avant même que Giorgia Meloni ne reçoive officiellement le mandat de Présidente du conseil, les deux politiciens s’étaient heurtés sur le choix des nouveaux ministres. 

Dans un pays caractérisé par l’instabilité politique et gouvernementale, connu pour changer de gouvernement presque tous les ans, ces désaccords dès le début de la législature n’annoncent pas l’équilibre tant désiré.

Sara Montebrusco
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