Crémant

Une bonne Kippchen

d'Lëtzebuerger Land du 18.12.2015

Lorsque, par boutade, au lendemain des attentats du 13 novembre, le présentateur britannique John Oliver a résumé le Luxembourg à Paris sans ses concerts, sans ses bars, sans ses discussions animées ni sa vie culturelle, il a surtout montré sa piètre connaissance du Grand-Duché : il a oublié de préciser qu’il faudrait aussi remplacer le champagne par le crémant de Moselle…

Le crémant, ici, c’est comme la bière, mais en plus classe, et peut-être un peu plus féminin. Au même titre qu’il y a les voitures qui roulent au diesel et celles qui roulent au super, il y a les consommateurs de bière et ceux qui préfèrent le crémant. D’ailleurs, il y a quelques années, la brasserie Simon avait tenté de mélanger les deux boissons nationales mais, aux dernières nouvelles, la mal nommé « Simon prestige » aurait été abandonnée. Vu le revenu moyen par habitant, le crémant peut revendiquer son statut de carburant de la fête, sans qu’il faille réserver sa consommation aux grandes occasions. La petite coupe de Schampes est aussi incontournable que le mini de bière autour du barbecue ou la tasse de Glühwein au marché de Noël. En plus du goût, l’atout de la Kippchen c’est aussi d’auréoler son consommateur d’une certaine aura de VIP. Même si c’est à la cavalcade de Pétange ou au comptoir du café des sports d’Oberkorn.

À première vue, on pourrait craindre que boire du crémant toute l’année banalise un peu la magie des bulles. C’est comme si l’on portait sa robe noire à paillettes du réveillon de la Saint Sylvestre pour aller faire ses courses chez Cactus ou comme si on laissait les décorations de Noël toute l’année sur sa façade. Eh bien justement, après une année 2015 où les raisons de faire la fête auront été plutôt rares, pourquoi attendre le 31 pour faire sauter des bouchons ? On pourra au moins célébrer la fin de cette année plutôt éprouvante. Du brut pour tout le monde, c’est mieux qu’un monde de brutes. Sans compter que c’est un bon moyen de montrer son engagement contre le réchauffement climatique en stockant personnellement une part de CO2.

Pour une consommation à la maison, le principal intérêt du crémant, c’est justement qu’il ne coûte, en général, que sept à quinze euros la bouteille. Soit à peine une heure de parking au Findel. Du coup, que l’on opte pour l’étiquette orange « à la Veuve Clicquot » du Bernard-Massard ou pour le look bling bling de la cuvée Cult de Poll Fabaire, c’est le compromis parfait, quand on ne reçoit ni sa fiancée ni son contrôleur fiscal, entre le vrai champagne et le mousseux d’origine incertaine qui fait des trous dans l’estomac. D’ailleurs, une petite anecdote personnelle illustre assez bien le statut de cadeau passe-partout qu’a acquis le crémant local : en 2000, lorsque j’avais ouvert la porte du frigo du studio que je venais de louer à mon arrivée au Luxembourg, je me souviens y avoir découvert une bouteille de Bernard-Massard, offerte par mon propriétaire de l’époque. Aujourd’hui encore, un des premiers signes qui vous indique que vous approchez du Grand-Duché, c’est l’hôtesse Luxair qui vous verse le traditionnel gobelet en plastique de crémant.

Les moins enthousiastes pourront éviter de se cantonner aux marques déjà citées. Pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour découvrir des produits locaux ? On compte pas moins d’une cinquantaine de producteurs, parmi lesquels on pourra citer : Alice Hartmann (il faut déjà commander les bouteilles pour l’année prochaine), Jeff Konsbrück, Häremillen, Duhr frères, Mathes, Thill, Pundel-Hoffeld, Schumacher-Lethal, Krier frères, Ley-Schartz, ou Mathis-Bastian. De quoi faire plusieurs promenades au bord de la Moselle (sans forcément embarquer pour une croisière sur le Princesse Marie-Astrid à chaque fois…)

Cyril B.
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