Cinémasteak

Fête et défaites de Noël

d'Lëtzebuerger Land vom 17.12.2021

D’année en année, le film de Noël s’est imposé comme un genre en soi, un rituel unique au même titre que le calendrier de l’Avent, un commerce juteux conjugué à l’art de captiver toute la famille autour d’une histoire divertissante. La Cinémathèque de Luxembourg n’a pas résisté à la tentation de faire rimer fête du cinéma et fête de fin d’année, proposant à cette occasion plusieurs joyaux du septième art, de l’incontournable It’s a Wonderful Life (1946) de Frank Capra à The Holiday (2006) de Nancy Meyers, en passant par Gremlins (1984) de Joe Dante ou White Christmas (1954) de Michael Curtiz. En somme, il y en a pour tous les goûts, pour tous les âges. Ce sont les « Classics before Christmas » qui se tiennent du 17 au 19 décembre.

Un séjour à destination de la France, une famille nombreuse dont le benjamin a été oublié, une mère rongée par la culpabilité qui écourte son voyage pour aller le retrouver... Voici Maman j’ai raté l’avion ! (Home Alone), de Chris Columbus, scénariste sur Gremlins et Les Goonies (1985) et cinéaste habitué au filon familial et adolescent, de Madame Doubtfire (1993) aux récentes Chroniques de Noël 2 (2020) diffusées sur Netflix. Distribué en France le 11 décembre 1990, Maman j’ai raté l’avion ! a fabriqué un enfant-star, le jeune acteur blondinet Macaulay Culkin, et fut l’une des comédies les plus rentables du box-office. En témoignent les nombreux sequel plus ou moins réussis dont il a fait l’objet depuis, jusqu’à cette année même (la dernière production éponyme de Disney est passée quasi inaperçue). Maman j’ai raté l’avion ! a conservé sur nous son enchantement premier, sa convivialité : on se sent bien à le regarder, les yeux illuminés par des tons rouge et vert de saison. Jamais ne parvient à nous effrayer vraiment l’hilarant duo de cambrioleurs à la Laurel et Hardy formé par Joe Pesci et Daniel Stern, dont les faces grotesques annoncent d’emblée leur juste sort (la prison). Au milieu de cet optimisme ambiant percent, ça et là, des questions que ne manqueront pas de se poser de nombreuses familles : une mère interrogeant sa responsabilité dans cet oubli, et les scrupules d’un enfant pour le comportement « déloyal » dont il a fait preuve ces derniers jours envers ses parents. Voilà qui nous ramène à quelque chose d’essentiel : la famille, on l’aime et l’on s’en souvient surtout quand on s’en éloigne. Une morale toujours utile à répéter tant que les êtres que nous aimons sont en vie. Après, il est trop tard.

Surtout, Home Alone a pris un sens nouveau depuis le confinement. Nous sommes dorénavant tous susceptibles de rester seuls à la maison, quoique aujourd’hui planqués derrière nos écrans. Et Noël n’est pas une fête pour tout le monde. Tous n’y participent pas, ni ne sont à cette occasion entourés de leurs proches. À l’image du vieux voisin à la pelle, sur lequel circulent de sordides rumeurs de meurtre. Il est bon, et sain, que le film s’excentre un instant de l’opulente famille MacCallister pour aboutir à un temps de réconciliation familiale du côté de ce voisin. À ce moment précis du film, Noël devient une véritable fête, un miracle entièrement humain.

Home Alone (USA, 1990), vostf, 102’, est présenté le à la Cinémathèque de la Ville de Luxembourg

Loïc Millot
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