Malgré des différences notables entre les menaces pandémique et climatique, des points communs remarquables existent. Les deux reflètent un rapport irresponsable au monde vivant et exigent une réponse à la fois globale et urgente. Pourtant, dans les pays occidentaux, nous les traitons comme des fatalités, et nous avançons en ordre dispersé et dans la tergiversation. La Chine, engagée dans une dérive autoritaire effrayante qu’illustrent l’emprise croissante de Xi Jinping et la mise au pas brutale de Hong Kong, a mis tous ses rouages au service de campagnes massives et implacables de traçage et d’isolation, d’une répression féroce de toutes opinions divergentes et d’une production de vaccins à marches forcées. Avec un succès indiscutable. Dans le pays le plus peuplé du monde, les cas quotidiens se comptent en dizaines.
A l’ouest, quand ce ne sont pas des gouvernements rétrogrades, comme au Brésil ou aux États-Unis sous Donald Trump, qui mettent des bâtons dans les roues de politiques sanitaires au demeurant hésitantes, ce sont des complotistes irresponsables qui parviennent à en réduire l’efficacité à coup d’infox et de protestations, minoritaires mais très visibles, contre des mesures contraignantes présentées comme liberticides.
Doit-on en conclure que seule une main de fer sans états d’âme et une mise entre parenthèse des libertés individuelles sont capables de mettre au pas le nouveau coronavirus et d’empêcher l’émergence de ses inquiétants variants ? Ceux que tenterait cette approche simpliste n’ont qu’à examiner la réponse de Pékin au défi climatique pour se convaincre du contraire. Malgré une stratégie industrielle qui mise entre autres sur les énergies renouvelables, le parti communiste chinois continue de mettre en chantier des centrales à charbon et ses émissaires sillonnent toujours l’Afrique et l’Asie au service d’une politique boulimique d’extraction des ressources et de croissance à tout prix.
Ni le capitalisme autoritaire à la chinoise, ni le laissez-faire poltron et aveugle d’États occidentaux obsédés par le maintien du statu quo, ni l’écofascisme, ce mélange malsain de sacralisation du terroir et de repli sur soi auquel se rallie ces jours-ci l’extrême-droite, n’offrent de perspective valable face aux crises sanitaires et environnementales. Certes, la réussite chinoise face au Covid se doit d’interpeller la bienpensance occidentale quant à son rapport quelque peu adolescent au rôle de la contrainte dans la maîtrise de ces crises. Qui l’eût cru, ne pas hésiter à monter d’un ou plusieurs crans les moyens de coercition au moment où il le faut est indispensable pour ne pas avoir à passer aux crans supérieurs plus tard, après avoir raté les coches de la contagion en matière sanitaire et des points de non-retour en matière climatique. Mais surtout, les mobilisations citoyennes informées et prêtes à assumer la responsabilité entière du devenir collectif, capables de générer une approbation raisonnée des mesures que nous dictent les réalités scientifiques, sont le seul modèle susceptible d’affronter adéquatement ces défis.