Campus Belval

Le tour du propriétaire

d'Lëtzebuerger Land vom 11.10.2013

Germain Dondelinger est un imperturbable optimiste. Le recteur Rolf Tarrach, les doyens des facultés de l’Université du Luxembourg, ou encore les directeurs des différents centres de recherche publics devant s’y implanter mettent de plus en plus ouvertement en doute l’achèvement des chantiers du Campus Belval pour la rentrée 2014 ? Il n’y voit aucun problème. « Nous sommes tout à fait dans les délais, pour la prochaine rentrée, le rectorat et la première faculté, celle des lettres, des sciences humaines, des arts et des sciences de l’éducation (FLSHASE), actuellement encore à Walferdange, seront installés à Belval, la Maison du savoir et la Maison des sciences humaines seront alors achevées, comme prévu, » affirme le président du Fonds Belval, établissement public qui fait fonction de maître d’ouvrage de la Cité des sciences pour le compte de l’État. L’homme est également premier conseiller de gouvernement au ministère de l’Enseignement supérieur et commissaire du gouvernement auprès de l’Université du Luxembourg – une concentration du pouvoir voulue pour des raisons d’efficacité justement. « Sauf imprévu, tout pourra être terminé selon notre calendrier, nous n’avons plus de grands marchés publics à lancer en ce moment, » explique-t-il.

Les gros œuvres des deux premières constructions sont achevés depuis un an et ont déjà profondément changé la silhouette de la friche de Belval : à côté des hauts-fourneaux, dont le chantier de rénovation bat son plein, et de la tour bancaire rouge feu, la tour de 83 mètres de hauteur (18 étages) de la Maison du savoir marque désormais la friche. Conçue par Baumschlager & Eberle avec Christian Bauer, elle se veut un symbole du renouveau de l’ancien site sidérurgique. Elle accueillera le rectorat avec son administration et le grand auditoire de 750 places. Les aménagements intérieurs y ont commencé. « En 2014, nous achèverons aussi la Maison des sciences humaines, qui accueillera la FLSHASE et le Ceps, puis la Maison de l’innovation, pour une partie de la Faculté des sciences, de la technologie et de la communication (FSTC), venant du Kirchberg, et de grandes sections du CRP Henri Tudor et de Luxinnovation. Fin 2015, nous achèverons la Maison du nombre, pour accueillir l’informatique et les mathématiques de le FSTC, puis suivra la Maison des laboratoires avec ses deux ailes, Sud et Nord, pour les laboratoires des sciences naturelles. Nous n’avons rien supprimé sur ce programme. » Le déménagement dans ces bâtiments de la première phase devrait pouvoir être achevé en 2017, même si beaucoup de problèmes pratiques, notamment d’accessibilité et de parking, sont loin d’être résolus.

Or, une fois les aménagements intérieurs également terminés, qui payera le premier équipement de cet énorme complexe de bâtiments avec ses milliers de mètres carrés, ses centaines de salles, ses meubles et ses câblages ? C’est à ce niveau-là qu’il y a ce gros couac entre le Fonds Belval et l’Université du Luxembourg, qui fait que le recteur tire la sonnette d’alarme en public : « Nous ne pouvons bien sûr pas emménager dans des locaux qui ne sont pas achevés » (Luxemburger Wort du 3 octobre). L’État investit un milliard d’euros à Belval, afin de reconvertir cette friche déclarée « priorité des priorités » par le gouvernement Juncker / Polfer il y a dix ans, dont 600 millions pour la seule Université. Un budget que Germain Dondelinger qualifie de « généreux », prouvant l’engagement des gouvernements successifs en faveur du développement de l’Uni.lu, mais qui correspond à ses yeux au prix nécessaire pour les fonctionnalités complexes demandées et l’état du terrain. « Nous n’avons pas fait de prouesses architecturales, affirme-t-il, mais il est clair que le campus Walferdange est un facteur essentiel pour le développement de l’Uni.lu. »

Si l’Université et les CRP craignent maintenant devoir reprendre à leur compte le premier équipement des bâtiments et les frais de déménagement, ils ignorent, faute de budget d’État pour 2014 à ce stade (il ne sera arrêté que par le gouvernement sortant des urnes le 20 octobre), s’ils verront leur dotation publique augmenter de la même somme, Germain Dondelinger n’a pas le moindre souci de ce côté-là : « Cela ne nous prend pas au dépourvu, ces frais étaient prévisibles depuis des années et seront inscrits dans le budget d’État comme ils le seront dans le prochain plan quadriennal de développement de l’Université. Nous continuons à travailler sur base de ces projections... »

Comme pour les autres objets construits sur place par le Fonds Belval, il est désormais prévu que l’établissement public, qui subsistera après la fin des chantiers, en reste alors le propriétaire et le gérant pour le compte de l’État, reprenant les charges d’entretien classiques du propriétaire, alors que l’Université du Luxembourg et les CRPs qui y seront implantés seront les utilisateurs, pour un loyer à hauteur de l’euro symbolique, et reprendront les charges quotidiennes classiques du locataire (entretien au jour le jour, hygiène...) « L’idée en est que l’État concentre le contrôle de tout le complexe en une main, celle du Fonds Belval, ce qui nous laisse aussi une certaine flexibilité quant à leur utilisation dans la durée, » souligne le président du Fonds.

Pour l’État, le déménagement rapide à Belval constitue aussi une mesure d’économie : l’éclatement des facultés et l’éparpillement sur de nombreux bâtiments à Limpertsberg, Walferdange et Kirchberg, qui s’est fait au fur et à mesure du développement de l’Université et souvent dans l’urgence, a vu les frais de loyer exploser. Germain Dondelinger les estime à neuf millions d’euros annuels. Après Belval, ces différents campus reviendront à l’État, qui réfléchit déjà intensément à leur reconversion. La Faculté de droit, d’économie et des finances pourra alors regrouper toutes ses sections à Limpertsberg. « Cette concentration sur deux sites nous permettra de donner une unité à l’Université, estime Germain Dondelinger. Ce que nous aurons à Belval est sans commune mesure avec les débuts de l’Université il y a dix ans. Mais en fait, le développement de cette Cité des sciences n’est qu’un accompagnement infrastructurel d’une politique ambitieuse en faveur de la société du savoir voulue par le gouvernement luxembourgeois. »

josée hansen
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