Tournage Doudege Wénkel

C’est beau, une ville la nuit

d'Lëtzebuerger Land vom 19.08.2011

Il ne pouvait que le dimanche. Germain Wagner, qui incarne le Docteur Ferretti, tourne actuellement en parallèle la sitcom luxembourgeoise Weemseesdett, où il joue le personnage principal Rom Wampach. Et cette série est un engagement quotidien : un jour de répétitions, un jour de tournage. Donc il n’était disponible que le dimanche pour Doudege Wénkel (« angle mort ») le premier long-métrage de fiction de Christophe Wagner (Luxembourg USA, 2007 ; Lignes de vie, 2001). D’ailleurs, il est étonnant de voir combien de films se tournent actuellement et en parallèle au grand-duché – tous en luxembourgeois : à côté de Weemseesdett et de Doudege Wénkel, Laura Schroeder (Double saut, 2011 ; Senteurs, 2008) réalise le premier film pour enfants en langue nationale, Schatzritter (Lucil Films), et Paul Scheuer et Maisy Hausemer (Dammentour, 1992) viennent d’entamer D’Symmetrie vum Päiperlek (Iris Production).

Dimanche dernier donc, Germain Wagner tournait une scène avec Jules Werner, qui incarne un des personnages principaux de Doudege Wénkel, le policier Olivier Faber. Nous sommes dans un couloir anonyme de l’hôpital Kirchberg. Faber sort d’une salle, rencontre le Docteur Ferretti, veut savoir où se trouve « Hastert ». Ferretti le tait, indique juste qu’il a été transféré dans une autre chambre. « Vous entravez l’enquête ! » s’agace Faber, « il s’agit d’une question de vie et de mort ». Ferretti reste impassible, continue son chemin, Faber explose, s’en prend à la fontaine d’eau. Cut ! On la refait. Remaquillage, nettoyage, ajustements techniques. Moteur ! Sur le parking de l’hôpital, une armée de techniciens, de figurants, de producteurs, de régisseurs, d’assistants et de petites mains en tous genres patientent. Pour une scène à la Philharmonie, quatre jours plus tôt, il fallait carrément coordonner 200 figurants. Ganz grousse Kino !

En tout, le tournage entamé le 1er août durera six semaines ; Claude Waringo de Samsa Film le produit, le budget de 2,6 millions d’euros provient à 80 pour cent de financements autochtones. Doudege Wénkel est le premier polar en luxembourgeois, si on fait abstraction de la trilogie des Troublemaker d’Andy Bausch, qui, malgré les braquages et les courses-poursuites de flics et de gangsters, étaient plutôt à classer dans le genre de la comédie.

Christophe Wagner, qui a mis deux ans à écrire le scénario avec Frédéric Zeimet, dont les documentaires traitaient souvent de réalités sociales difficiles, notamment de destins de marginaux, voulait aussi ancrer sa fiction dans cette réalité luxembourgeoise. Un petit livret de photos de repérages des différents décors – presque tous naturels – indique bien ce qu’il veut dire lorsqu’il définit Luxembourg comme partie intégrante de son histoire : du Kirchberg représentant le pouvoir économique du pays au quartier de la gare avec son milieu interlope, en passant par les commissariats de police ou un paysage bucolique à la Moselle où habite un des policiers, les décors expriment différentes ambiances et collent aux personnages. Jako Raybaut, le chef op, tourne en seize millimètres, « pour le grain et l’aspect organique de l’image » explique le réalisateur, beaucoup en caméra à l’épaule, beaucoup d’images nocturnes ; souvent, il y a même deux caméras afin d’intégrer des images parallèles de la ville.

Doudege Wénkel raconte donc l’histoire d’Olivier Faber, jeune inspecteur de police en pleine dépression et relégué aux charges administratives, qui veut réintégrer les services de la police judiciaire afin de mener l’enquête sur l’assassinat de son frère Tom, policier comme lui. Contre toute attente, son supérieur Hastert, aux gros problèmes de santé et proche de la retraite (personnage de policier classique), va accepter. Peu à peu, Faber va découvrir que son frère enquêtait en fait sur des histoires de corruption dans les milieux aisés.

Durant toute la phase de développement du scénario, les deux inspecteurs s’intitulaient « Werner » et « Jung » – indéniablement, les deux rôles furent écrits sur mesure pour Jules Werner et André Jung. Heureusement, les deux, vantant « un scénario admirablement bien écrit, bien ficelé », ont tout de suite accepté. Le jour du début du tournage, Jules Werner, qui a maigri et s’est musclé pour l’occasion, a appris à tirer et s’est informé en détail auprès de la police judiciaire sur leur travail au quotidien, était gonflé à bloc, excité comme une puce de pouvoir jouer avec André Jung.

À côté du scénario à suspense – on sait, pour avoir vu et apprécié son court-métrage Un combat (2002), que Christophe Wagner sait maintenir la tension – et de l’esthétique au tournage, le casting est un des éléments clés pour la réussite d’un polar. « Dès les répétitions, je savais que nous étions dans le vrai, estime Christophe Wagner. J’ai visionné les premières scènes entre les deux inspecteurs, ce n’est pas encore monté, il n’y a pas encore de musique et ça marché déjà. » À côté d’André Jung et de Jules Werner, Brigitte Urhausen, superbe au théâtre, par exemple dans Dämonen la saison dernière au Capucins, jouera son premier rôle au cinéma (Da Silva). Et on retrouvera des visages connus comme Luc Feit, Nicole Max, Gilles Soeder, Mickey Hardt ou Myriam Muller.

La sortie du film est annoncée pour la rentrée 2012. Les organisateurs du Filmpräis font des pieds et des mains pour motiver tous les producteurs qui tournent actuellement de terminer une pré-version de leurs films pour la prochaine remise des prix, le 9 mars 2012. Car sinon, le choix du jury sera un peu restreint.

josée hansen
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